Adopter la pensée produit

Il n’existe pas de formule d’adhésion simple et universelle. Optimiser un programme d’adhésion demande du temps, des tests et des itérations et même la solution idéale change au fil du temps. C’est la raison pour laquelle le Membership Puzzle Project dit que l’unité de base de la pratique de l’adhésion est “l’essai”. Faites une hypothèse éclairée de ce qui peut fonctionner avec vos adhérents. Ajustez au besoin, ou abandonnez si cela ne fonctionne pas. L’important est de ne pas trop investir dans un essai en particulier avant de savoir que vous tenez le bon bout.

C’est pourquoi penser en termes de produit est une compétence essentielle pour les rédactions mettant en place un programme d’adhésion. La pensée produit est un état d’esprit qui met l’accent sur la prise de décisions basée sur les données plutôt que sur l’instinct et valorise les idées pouvant être testées plutôt que les processus fermés. Elle s’appuie sur la gestion de produits numériques, une discipline très répandue dans le domaine du développement de logiciels. Penser en termes de produit aide la rédaction à établir une collaboration entre les équipes et à exploiter le potentiel des partenariats interdisciplinaires.

Un programme d’adhésion couvre les aspects éditorial et technologique, les revenus et la communauté et nécessite donc une gestion de produit, une discipline transversale mettant l’accent sur le développement, le lancement, l’amélioration et le maintien stratégiques des produits d’une organisation (voici une présentation utile des différences entre gestion de produit et gestion de projet). Même  une modeste expérience organisationnelle de tests et d’apprentissage auprès d’adhérents potentiels vous aidera énormément dans vos efforts naissants pour mettre en place un système d’adhésion. 

Un produit peut être toute solution qu’un média propose en vue de résoudre un problème ou de répondre à un besoin. Un produit efficace sert un public bien défini et est souvent attaché à une source de revenus particulière. Il peut être numérique, comme une application ou une fonctionnalité sur un site Internet, ou physique, comme une série d’événements. Un produit peut servir différentes composantes (comme une newsletter) ou être créé pour servir votre personnel (le CMS de votre rédaction, par exemple, fait partie de vos produits internes).

Pensez à votre programme d’adhésion comme un produit ou éventuellement, lorsqu’il se complexifie, comme une série de produits. 
Dans le cadre d’un programme d’adhésion, la pensée produit tourne autour d’un cycle se déroulant comme suit : 

• Fixer des objectifs concrets
• Générer des idées créatives
• Mettre l’accent sur les besoins de vos adhérents 
• Mener des tests rapides
• Évaluer les résultats des tests et itérer 

Comme tout produit, votre stratégie d’adhésion réussit lorsque l’ensemble de l’organisation, de la rédaction à l’équipe chargée des revenus, comprend et appuie sa mission. En concevant votre programme d’adhésion comme un produit, vous pouvez répondre aux besoins de votre entreprise et donner à votre équipe existante les moyens de se dépasser. Cela suppose de donner à votre équipe les moyens de valoriser vos échecs et d’en tirer des enseignements. En traitant les échecs comme des occasions d’apprendre, votre organisation est déjà sur la bonne voie pour penser en termes de produit.

Dans cette partie, nous passerons en revue les principaux outils et flux de travail répondant à ces valeurs essentielles de la pensée produit et que vous pouvez adopter indépendamment de la taille ou de l’ancienneté de votre média. 

À la fin de la partie, nous nous demanderons si vous avez besoin d’une équipe produit officielle et nous aborderons certains des obstacles les plus courants à l’adoption de la pensée produit dans les médias.

Comment fixer des objectifs mesurables ?

Vous devez fixer des objectifs réalistes, ambitieux et mesurables pour tout produit que votre média élabore ou gère et vous ne devez lancer aucun développement de produit avant d’en avoir fixé les objectifs. 

Les objectifs donnent une direction à chaque produit. Les tâches sont ce qui doit être fait en vue d’atteindre l’objectif. Qu’il s’agisse de lancer un programme d’adhésion, de faire des itérations d’un programme d’adhésion existant ou de travailler à intégrer davantage de pratiques participatives dans votre rédaction, si vous commencez à travailler sans avoir fixé d’objectifs, vous risquez de faire des détours superflus.

Il est important que les objectifs soient réalistes et ambitieux. S’ils sont trop faciles, vous n’aurez aucun mal à les atteindre mais vous ne contribuerez sûrement pas beaucoup au succès de votre média. S’ils sont trop ambitieux, vous ne les atteindrez jamais et le moral en souffrira. S’ils ne sont pas mesurables, vous ne pourrez jamais savoir si vous les avez atteints ou non. 

Voici quelques conseils supplémentaires pour définir des objectifs :

Décidez qui peut aider. Lorsque vous commencez à fixer vos objectifs, réfléchissez à qui impliquer dans leur définition. Il peut être utile d’analyser les données historiques ou de consulter votre équipe d’analystes, si vous en avez une, afin d’éclairer vos objectifs. Il peut être utile de parler à la direction afin de déterminer s’il y a des objectifs de revenus que vous devez atteindre pour que votre programme soit durable. Si vous objectifs nécessitent un travail du point de vue éditorial, vous devriez en parler avec vos journalistes afin de vous assurer que les objectifs leur parlent.

Déterminez un format standard pour les objectifs. Utiliser un format standard, c’est préparer l’avenir : vous pourrez reprendre le même format à chaque fois, ce qui vous fera gagner du temps et vous permettra d’avoir une vue d’ensemble de tous vos produits et de repérer les plus performants.

Une stratégie répandue est celle des objectifs SMARTIE. Le Management Center, une organisation de formation à but non lucratif, a créé une feuille de travail pratique qui aide les groupes à définir des objectifs. Voici comment ils définissent chacun des éléments d’un objectif SMARTIE : 

Stratégique : l’objectif reflète une dimension importante de ce que votre organisation cherche à accomplir (priorités programmatiques ou de renforcement des capacités). 

Mesurables : des personnes raisonnables peuvent se mettre d’accord sur certaines normes permettant de déterminer si l’objectif a été atteint (grâce à des chiffres ou des qualités définies).

Ambitieux : l’objectif doit être suffisamment difficile à atteindre pour que sa réalisation marque un progrès remarquable, un défi pour l’organisation.

Réalistes : il ne doit pas être si difficile qu’il n’y ait quasiment aucune chance que vous puissiez le réaliser, vous garantissant un échec (par exemple, si vous êtes un média local de petite taille couvrant une région comptant 3 millions de personnes, un objectif d’un million d’abonnés en ligne en un an n’est probablement pas réaliste).

Temporellement définis : il comprend une échéance claire.

Inclusifs : il implique des personnes traditionnellement marginalisées (en particulier les plus touchées) dans les processus, les activités et la prise de décision et l’élaboration de politiques de façon à répartir le pouvoir. Comme pour les autres aspects de votre objectif, vous devez inclure des normes permettant de mesurer si votre initiative est bien inclusive.

Équitables : il comprend un élément d’équité ou de justice qui contribue à lutter contre une injustice, inégalité ou oppression systémique.

Faites découler vos indicateurs de vos objectifs. Une fois que vous avez choisi quel objectif vous souhaitez influencer, vous pouvez décider des indicateurs à utiliser. Par exemple, si les principaux objectifs de votre organisation sont d’inspirer la fidélité et d’augmenter la rétention des adhérents de 5 %, cherchez quels indicateurs sont liés à la fidélité et à la rétention et faites-en un suivi minutieux. Ces indicateurs peuvent par exemple être :

  • Des dons répétés
  • Des visites répétées du site Web
  • Net Promoter Score
  • Le temps que les visiteurs passent sur vos articles, ou le nombre d’articles qu’ils lisent. 

Mettez l’accent sur les résultats et non sur les activités. Vos objectifs doivent être basés sur les résultats (ce que vous souhaitez accomplir) plutôt que sur les activités (ce que vous voulez faire). Voici un exemple de Douglas K. Smith, Quentin Hope et Tim Griggs du Knight-Lenfest Newsroom Initiative, ou Table Stakes

  • Objectif basé sur une activité : d’ici au 15 décembre, nous apprendrons à tous les journalistes comment utiliser les titres pour attirer du trafic.
  • Objectif basé sur un résultat : d’ici au 15 décembre, tous les journalistes auront utilisé les titres pour faire augmenter le trafic global d’au moins 10 %.

“Nous allons former les journalistes” est une activité et non un résultat. Lorsque vous définissez les objectifs en termes d’activités, vous vous enfermez dans une prophétie autoréalisatrice. Dans cet exemple, nous imaginons la conversation après le 15 décembre :

  • Responsable : “Quelle était notre performance sur cet objectif ?”
  • Employé : “Géniale ! Nous avons appris à tous les journalistes comment utiliser les titres.”

La formation a-t-elle fait une différence ? Personne ne le sait.

Lorsque le Chalkbeat préparait le lancement de son programme d’adhésion, ils avaient une idée claire des résultats qui montreraient que l’adhésion “fonctionnait” pour eux. 

 

Comment Chalkbeat définit et évalue la réussite de son programme d’adhésion

Ils ont établi quatre hypothèses détaillant ce que l'adhésion rapporterait, ou non, à Chalkbeat.

Les deux autres méthodes courantes pour fixer des objectifs sont les indicateurs de rendement clefs (KPI) et les objectifs et principaux résultats (OKR). L’établissement de KPI et d’OKR est un cadre d’établissement des objectifs plus complexe que la méthode SMARTIE décrite ci-dessus. Le MPP vous recommande de commencer par cette dernière si vous n’avez pas d’expérience de définition d’objectifs organisationnels.

Les KPI sont des indicateurs ciblés et axés sur les résultats que vous pouvez utiliser pour mesurer le succès d’une organisation, d’une équipe ou d’un individu. Un taux de résiliation mensuel moins élevé est un exemple de KPI pour une rédaction dont l’un des objectifs est d’améliorer la rétention des adhérents. 

Les OKR définissent des objectifs précis et les mesures utilisées pour évaluer leurs progrès. Ils sont destinés à être ambitieux. L’objectif d’une équipe peut être de mieux expliquer la valeur de leur programme d’adhésion et le principal résultat serait une réduction du taux de résiliation (il peut être difficile de décrire la différence entre un KPI et un OKR. En voici une autre explication).

L’équipe en charge du programme d’adhésion du Daily Maverick utilise les OKR pour fixer les objectifs de leurs efforts de marketing. L’un de leurs objectifs est de faire croître le nombre d’adhérents actifs, en attirant de nouveaux adhérents et en conservant les adhérents existants. Trois des principaux résultats sont d’atteindre les 20 000 membres avant fin 2020, de maintenir le taux de résiliation mensuel en-dessous des 5 % et atteindre un Net Promoter Score de 8/10 pour le programme d’adhésion.

 Allez à “Définir des métriques” pour des conseils plus détaillés sur la définition d’objectifs pour votre stratégie d’adhésion.

 

Comment le Daily Maverick a élaboré une stratégie marketing pour son programme d’adhésion

Point de départ : étudier le taux de conversion de chaque communication marketing à la réunion hebdomadaire sur le Maverick Insider.

Comment trouver de nouvelles idées de produits destinés aux adhérents ?

On ne sait jamais d’où une bonne idée peut jaillir. Le fait de penser en termes de produit permet aux médias de solliciter, d’appuyer et d’adopter des idées proposées par les principales parties prenantes, en interne (avec votre équipe) et en externe (avec votre communauté d’adhérents). Que vous souhaitiez concevoir un programme d’adhésion ou réfléchir à la manière d’améliorer l’expérience des adhérents à un programme existant, le MPP vous recommande la méthode suivante pour trouver de nouvelles idées de produits destinés aux adhérents.

Pensez aux tâches à accomplir des adhérents 

La pensée produit ne consiste pas simplement à collecter des données, mais aussi à comprendre les données dont vous disposez. Pour placer les voix des adhérents au centre de votre activité, vous devez comprendre qui ils sont et à quoi ressemble leur quotidien. Lorsque vous regardez vos données, restez attentifs à celles reflétant des besoins insatisfaits ou des sources de frustration récurrentes. Feu le professeur Clay Christensen de la Harvard Business School, précurseur ayant défini la théorie de l’innovation de rupture, parlait de tâches à accomplir (si vous avez besoin de conseils pour élaborer votre proposition de valeur à l’aide du cadre des “tâches à accomplir”, allez à “Définir notre proposition de valeur”).

En appliquant le cadre des tâches à accomplir aux données de vos adhérents, vous vous rendrez sûrement compte que votre organisation n’est pas seulement en concurrence avec d’autres médias. Pour obtenir le temps et l’attention de vos publics, vous êtes en concurrence avec les réseaux sociaux, des calendriers trop remplis et même des appels téléphoniques. Le cadre des tâches à accomplir donne un moyen de faire fond sur cette information, de traiter cette information et d’agir en conséquence.

Par exemple, le Krautreporter, en Allemagne, s’enorgueillit de son approche du journalisme centrée sur l’engagement qui met l’accent non sur les dernières informations, mais sur le contexte. Mais en interrogeant les adhérents fin 2019 et en analysant les indicateurs, l’équipe s’est rendue compte que les adhérents annulaient souvent leur adhésion car ils n’avaient pas assez de temps pour prendre part à leurs activités liées à la couverture de sujets. Krautreporter a décrit ce phénomène comme “coûteux en temps”.

Le Krautreporter a donc cherché des solutions pour que ses adhérents puissent intégrer plus facilement le site dans leurs vies. L’équipe a retravaillé la newsletter du matin, y ajoutant un résumé des principaux titres d’informations, en plus des reportages plus en profondeur de Krautreporter, afin que les lecteurs puissent avoir toutes les informations qu’ils cherchent au même endroit. Elle prévoit de continuer à mettre davantage d’accent sur la newsletter quotidienne et est en train d’élaborer de nouvelles fonctionnalités pour son site Internet afin que les lecteurs puissent voir le temps de lecture nécessaire pour chaque article. L’organisation envisage aussi de regrouper ses articles par longueur et de continuer à élaborer des expériences d’informations plus limitées afin que les lecteurs puissent avoir le sentiment de rester au courant. 

 

Comment Krautreporter a réagi après avoir perdu la moitié de ses adhérents

Il a mis en place un péage informatique, donné la priorité aux paiements annuels récurrents et autorisé le partage des publications.

Organisez des sessions de brainstorming avec vos adhérents 

Penser en termes de produit, c’est mettre en avant la voix de votre public, une composante essentielle du succès d’un programme d’adhésion. Dans beaucoup d’organisations, les sessions de brainstorming se font en interne uniquement. Le MPP recommande de prendre le temps d’intégrer aussi vos publics à l’occasion. C’est un bon moyen de rester centré sur les adhérents. Dans ce type de sessions, vous invitez un groupe de membres ou de membres potentiels à chercher avec vous des solutions à vos problèmes communs.

Ce type de session est particulièrement utile lorsque vous les organisez autour de questions définies ou d’un retour que vous souhaitez obtenir. Le Membership Puzzle Project a créé un guide de brainstorming qui propose une trentaine de questions de type “comment pouvons-nous…” auxquelles vous pouvez trouver des réponses avec vos adhérents. 

Vous n’assistez à ces sessions qu’en tant qu’animateurs. Veillez à ne pas occuper la majorité du temps de parole. Créez un environnement détendu et ouvert. Installez les participants en petits groupes et laissez-les s’exprimer librement. 

Ce guide est rédigé pendant la pandémie de coronavirus et les groupes de réflexion en présentiel sont déconseillés, mais les groupes de réflexion peuvent ne pas être viables pour des raisons géographiques ou d’accessibilité. La UX Alliance propose des conseils sur l’organisation de groupes de réflexion en ligne...

Voici quelques exercices que vous pouvez réaliser lors d’une session de brainstorming sur votre programme d’adhésion :

  • Demandez aux participants de remplir des questionnaires et discutez de leurs réponses ensemble. Cela donne aux gens une chance de réfléchir de leur côté avant de partager leurs idées avec le groupe et ainsi d’éviter l’effet de pensée de groupe. C’est aussi plus confortable pour les personnes qui préfèrent faire une synthèse de leurs idées avant de prendre la parole.
  • Demandez aux participants de discuter en petits groupes d’autres adhésions qu’ils ont souscrites et de ce qu’ils en tirent, puis de faire présenter leur conversation au groupe par un représentant. Ils pourraient être plus ouverts en se parlant entre eux qu’en vous parlant à vous.
  • Demandez aux participants de “dessiner” les choses qu’ils aimeraient le plus dans un programme d’adhésion. Ce type d’exercice peut sembler intimidant, mais peut aussi débloquer une créativité inattendue.

Demandez leur permission d’enregistrer les résultats afin de pouvoir y revenir plus tard. Vous pouvez également intégrer ces exercices au processus pas-à-pas du MPP pour la conception d’un programme d’adhésion. 

Le travail que vous menez avec vos adhérents ne s’arrête pas à une unique session de brainstorming. Dans l’idéal, vous devez faire en sorte qu’au moins une partie de vos adhérents soit constamment impliquée dans le processus. Au Royaume-Uni, Black Ballad a créé une communauté Slack réservée uniquement aux adhérents, un espace où ils peuvent échanger entre eux. C’est aussi un moyen d’obtenir des retours réguliers de vos membres.

 

Comment Black Ballad a créé un espace de confiance en ligne pour les femmes noires

Chez Black Ballad, la communauté est le but final, et c'est au cœur de toutes leurs réflexions et actions.

Organisez des sessions de brainstorming avec votre équipe 

Les personnes avec lesquelles vous travaillez ont probablement de très bonnes idées concernant ce sur quoi votre organisation devrait travailler. Il vous faut juste trouver la bonne manière de le leur demander. Un bon moyen de faire cela est de mettre en place un processus de retours structuré.

Créez un tableau Trello ou un fichier ou un formulaire Google ouvert à l’ensemble de votre organisation et invitez les gens à soumettre leurs idées dans le cadre d’un questionnaire pitch qui porte sur des questions telles que “qui fera cela ?” Faites savoir que vous examinerez les idées proposées à intervalles réguliers et tenez cette promesse. Les responsables produits de rédactions Emma Carew Grovum, Shannan Bowen et Becca Aaronson ont élaboré cette liste  de questions que vous pouvez utiliser dans votre questionnaire pitch. 

Si votre organisation est de petite taille, un système de proposition formel peut intimider. Organisez une conversation visant à générer des idées. En réunissant les personnes, vous aurez une occasion de poser des questions pour clarifier ce qui doit l’être et d’offrir des retours en temps réel. Utilisez cette liste de questions pitch comme guide. Dans ce format de conversation, vous pouvez aussi fournir toute donnée pertinente sur le public à mesure que le pitch se développe. Vous pouvez organiser ce type de sessions de discussion comme une session de brainstorming unique ou comme une réunion régulière.

Comment hiérarchiser nos idées ?

Il y a des chances que votre rédaction ait plus d’idées et d’objectifs qu’elle ne peut raisonnablement réaliser. Dans le cadre d’une pensée produit, il est déterminant de savoir décider quelles idées et quels objectifs développer en premier et lesquels abandonner. 

Lorsque les responsables produit parlent de priorités, ils pensent aussi aux compromis. Votre temps et vos ressources ne sont pas illimités : travailler sur un élément de façon récurrente signifie ne pas pouvoir travailler sur quelque chose d’autre. 

Bien souvent, les journalistes décident des sujets à traiter en fonction de leur intuition, de leurs préférences historiques ou de la hiérarchie de l’organisation. Les responsables produits essaient de baser ces décisions sur les études d’audience, les analyses et l’impact commercial.

Voici deux cadres possibles pour décider des éléments à prioriser. 

Travaillez en priorité sur les objectifs et idées pour lesquels vous disposez d’une grille effort/effet. L’objectif de cette démarche est de classer les tâches en fonction du ratio d’effet produit par rapport à l’effort nécessaire pour les réaliser. Pour cela, faites une liste des éléments sur lesquels vous savez que vous voulez travailler dans un avenir proche et examinez la liste de tâches. Pour chaque élément, essayez d’évaluer :

  • L’effet que cette idée aura sur votre organisation. Disons que vous envisagiez de modifier un bouton d’appel aux dons sur votre site. Avez-vous des concurrents qui ont fait une modification similaire ? De combien leurs dons ont-ils augmenté ? En général, lorsque vous avez modifié ce bouton par le passé, quels résultats avez-vous constatés ? Sur la base de ces questions, faites une estimation réaliste de l’effet que pourra produire cette modification. Basez-vous sur les données pour vous guider. Si cela vous aide, vous pouvez faire une estimation chiffrée ou bien utiliser des catégories générales comme “fort”, “moyen” et “faible”.
  • Les efforts nécessaires pour appliquer cette idée. Quels membres de votre équipe devront consacrer du temps à accomplir cette tâche ? Combien de temps cela prendra-t-il ? Aurez-vous besoin d’acheter des outils ou de faire appel à une aide extérieure ? Encore une fois, appuyez-vous sur les données pour ne pas avancer à l’aveugle. Sur la base de cet exercice, vous pouvez évaluer le niveau d’effort nécessaire pour mettre en place chaque idée : fort, moyen ou faible.
Effort faible Effort fort
Effet fort Plus haute priorité

Gains rapides

Priorité moyenne

Projets majeurs mais valant d’investir

Effet faible Priorité moins élevée

Tâches pouvant être réalisées entre deux projets plus volumineux et qui valent d’être réalisées mais ne sont pas prioritaires

Priorité la plus basse

Tâches ingrates qui ne sont pas un bon emploi de votre temps

Une fois que vous avez ces estimations, il est facile de poser vos idées à plat et de les examiner. Rappelez-vous que vos estimations ne sont pas forcément exactes. Ce n’est pas un problème. Si vous vous rendez compte que vous vous êtes trompés, ajustez ce que vous pouvez et gardez en tête les leçons tirées pour votre prochain exercice de hiérarchisation.

Cette démarche est particulièrement efficace pour les petites équipes, pour lesquelles les “gains rapides” ont un effet énorme et qui peuvent ainsi économiser du temps et des ressources en vue de s’attaquer, plus tard, à des projets majeurs.

Travaillez en priorité sur les objectifs et idées pour lesquels vous disposez d’une grille urgence/importance. Cette approche, aussi connue sous le nom de matrice d’Eisenhower, est particulièrement efficace pour établir des priorités dans votre liste de tâches à réaliser et repérer (et éliminer) les activités qui prennent de votre temps mais ne contribuent que peu au succès à long terme de votre organisation.

Il est facile d’être distrait de son travail sur les tâches importantes qui ne semblent pas urgentes (prévoir un sprint d’étude d’audience pour itérer sur votre programme d’adhésion) par des tâches urgentes qui ne sont pourtant pas aussi importantes (comme répondre aux e-mails). Faire un relevé des éléments de cette grille vous aidera à déterminer les éléments pour lesquels vous devez libérer du temps et ceux auxquels vous devez dire “non” ou que vous devez déléguer à quelqu’un d’autre. Cela peut aussi vous aider à vous atteler à des tâches importantes avant qu’elles deviennent urgentes. Vous trouverez ici davantage de conseils sur l’évaluation des tâches au regard de cette grille.

URGENT PAS URGENT
IMPORTANT

Urgent et important

FAIRE

Important, mais pas urgent

PLANIFIER
PAS IMPORTANT

Urgent, mais pas important

DÉLÉGUER

Pas important et pas urgent

ÉLIMINER

Comment réaliser nos idées les plus importantes ?

Maintenant que vous avez déterminé sur quels objectifs et idées vous souhaitez vous concentrer, vous devez faire un relevé de ces idées sur ce que les personnes pensant en termes de produit appellent une “feuille de route”. Les feuilles de route sont des documents de planification à long terme qui vous donnent un plan concret pour concrétiser vos idées. Si votre organisation a décidé de lancer un programme d’adhésion, vous aurez besoin d’élaborer une feuille de route qui vous emmène jusqu’au lancement. 

La coach et consultante rédaction du Membership Puzzle Project Emma Carew Grovum a élaboré une stratégie aidant les partenaires du Membership in News Fund du MPP à créer leur propre feuille de route. Voici un modèle de feuille de route d’Air table que vous pouvez utiliser. 

Voici les conseils généraux de Mme Carew Grovum pour élaborer une feuille de route :

  • Utilisez un calendrier : vous pouvez diviser votre calendrier par semaines, mois, trimestres ou années. Quelle que soit la période qu’il couvre, le calendrier doit s’aligner sur celui du sprint de votre équipe afin que vous puissiez coordonner le travail. 
  • Établissez des catégories : cela permettra de définir ce que la feuille de route suit et planifie. Ces catégories peuvent être définies par équipe, par comité, par produit, par type de tâche etc. Dans tous les cas, il est préférable de choisir un système simple et de s’y tenir. 
  • Créer des parcours parallèles : une feuille de route vous permet de visualiser les plans de plusieurs projets à la fois, et ainsi de hiérarchiser les tâches des objectifs à court et long terme. 

Dans la présentation, Emma Carew Grovum et Pierre Liebovici, éditeur engagement de Mediacités, en France, ont présenté les étapes qu’ils ont suivies pour établir la feuille de route de Mediacités :

  • Ils ont établi une liste de choses qui fonctionnaient et de choses qui ne fonctionnaient pas. 
  • Ils ont mis les éléments de la liste “ne fonctionne pas” sur un urgent/important matrix pour visualiser ce qui devait être corrigé immédiatement.
URGENT PAS URGENT
IMPORTANT

Augmenter les revenus tirés des membres en vue d’assurer la durabilité

Manque de KPI pour mesurer les taux de conversion et de rétention des adhérents

Nos journalistes lancent des articles d’investigation sans évaluer les besoins en informations de la communauté au préalable

Certains employés ne sont pas encore convaincus des avantages de l’adhésion

Manque de temps pour gérer toutes les contributions de nos lecteurs et y répondre

PAS IMPORTANT

Augmentation du nombre de nouveaux adhérents ces six dernières semaines grâce à une campagne d’adhésion

Test de nouveaux types de récits pour mieux présenter notre histoire

  • Ils placent aussi les éléments sur une grille effort/effet afin d’évaluer l’ampleur de chaque élément (dans une petite équipe comme celle de Mediacités, il est difficile d’entreprendre deux projets demandant de gros efforts à la fois, même s’ils ont tous deux des effets forts).
  • Ils ont établi deux priorités pour ce trimestre :
    1. Résoudre le manque de KPI permettant de mesurer les taux de conversion et de rétention (un élément urgent et important qui ne demandait que peu d’efforts).
    2. Augmenter les revenus tirés des membres en vue d’assurer la durabilité (un élément urgent et important qui demandait beaucoup d’efforts).
  • Pour chacune de ces deux priorités, ils ont défini des objectifs à court et à long terme et fixé des échéances.
  • Ils ont divisé les objectifs en tâches devant être réalisées et leur ont également fixé des échéances.

Effort faible Effort fort
Effet fort

Manque de KPI pour mesurer les taux de conversion et de rétention des adhérents

Nos journalistes lancent des articles d’investigation sans évaluer les besoins en informations de la communauté au préalable

Augmenter les revenus tirés des membres en vue d’assurer la durabilité

Augmentation du nombre de nouveaux adhérents dans les six dernières semaines grâce à une campagne spéciale

Effet faible

Test de nouveaux types de récits pour mieux présenter notre histoire

Manque de temps pour gérer toutes les contributions de nos lecteurs et y répondre

Certains employés ne sont pas encore convaincus des avantages de l’adhésion

Vous trouverez plus de détails sur ce sujet sur les diapositives 18 à 35

Votre feuille de route doit diviser vos principales idées en tâches et estimer le temps nécessaire pour réaliser chacune d’entre elles. 

Les feuilles de route couvrent plusieurs mois et nécessitent plus qu’une date de départ et une date de fin. Vous devrez fixer des échéances progressives pour rester dans les temps et apprendre au fur et à mesure que vous avancez, en ajustant les outils technologiques et votre stratégie à mesure que vous trouvez ce qui fonctionne. 

Beaucoup d’équipes produit s’efforcent de mettre en place leurs idées lors de cycles de une à quatre semaines appelés “sprints”. Le concept des sprints est populaire dans le domaine du développement de logiciels selon la méthode agile. De nombreuses rédactions les utilisent maintenant pour hiérarchiser et mettre en œuvre leurs idées. 

Utiliser des sprints pour structurer le travail est utile car les sprints divisent les gros projets en plus petits paliers de façon à ce que toute l’équipe travaille sur le même calendrier. Cela vous aide à mesurer les résultats et lancer des tests à intervalles réguliers, indispensable lorsque votre rédaction essaie de maintenir plusieurs produits éditoriaux répartis sur plusieurs équipes. 

Vous assignerez les tâches définies sur votre feuille de route à un intervalle de sprint (ou plusieurs intervalles de sprint pour les tâches particulièrement larges). 

Chaque équipe choisit une durée de sprint en fonction de ce qu’elle veut accomplir et des ressources dont elle dispose. Quelle que soit votre décision, vous devez maintenir un rythme de sprint régulier. Choisissez donc un rythme qui fonctionne même lorsque les produits deviennent plus complexes. Concentrez-vous sur le temps qu’il vous faudra pour accomplir une partie exploitable du travail, comme organiser un groupe de réflexion pour vous aider à concevoir votre programme d’adhésion ou choisir un processeur de paiement pour traiter les paiements des frais d’adhésion. 

Pour chaque sprint, vous élaborez et publiez une partie de travail exploitable, évaluez ses performances et décidez si vous êtes satisfaits de ce que vous avez fait, si vous voulez le peaufiner davantage ou si vous voulez passer à la partie de travail suivante de votre feuille de route. La plupart des rédactions organisent leurs sprints par intervalles de temps, mais ce n’est pas la seule manière de définir le début et la fin d’un sprint. Scalawag, une rédaction basée en Caroline du Nord qui couvre le Sud des États-Unis, a mis en place une stratégie de croissance axée sur les événements pour son programme d’adhésion. Elle planifie et tient ses événements par séries, il était donc plus logique de faire coïncider ses sprints avec ces séries qu’avec des intervalles de temps. Lisez l’étude de cas complète pour voir comment Scalawag a adopté la méthode agile pour stimuler la croissance de son programme d’adhésion au moyen de ses événements.

 

Comment Scalawag a montré que les événements mènent à la croissance

S'appuyer sur des newsletters pour développer les adhésions était trop réducteur pour Scalawag.

Comment tester nos idées ?

Vous ne saurez pas si une idée fonctionne avant de la tester avec vos adhérents. Rien ne remplace les données concrètes. Cependant, vous ne voulez pas non plus mettre toutes vos ressources dans une idée avant de savoir si vous êtes sur la bonne voie. 

La meilleure stratégie pour lancer des produits d’adhésion efficaces est de tester et d’apprendre. Lorsque vous voulez utiliser une stratégie de test et d’apprentissage pour élaborer et lancer un produit, vous avez souvent besoin de créer un produit minimum viable, ou MVP. Lancer des MVP est un moyen de tester vos idées sur le terrain.

Les MVP n’ont pas besoin d’être parfaits. Ils sont l’expression la plus basique de votre idée ou produit. Lorsque vous élaborez un MVP, concentrez-vous sur les fonctionnalités que vous estimez être les plus importantes. Cette liste doit rester courte et ciblée. Vous pouvez ajouter d’autres fonctionnalités une fois que vous aurez testé votre concept. 

Un MVP simple rend aussi plus facile de faire le lien entre vos actions et les résultats observés. En d’autres mots, il sera plus facile pour les membres de comprendre votre MVP et plus facile pour vous d’interpréter les réactions qu’il provoque.

Nous avons décomposé le processus de conception d’un MVP en quatre étapes : fixer des objectifs, concevoir votre MVP, lancer/récolter des données et évaluer/itérer. 

1. Fixer des objectifs clairs

La première étape pour lancer un MVP est de fixer des objectifs clairs et axés sur les résultats. Quels résultats attendez-vous de votre MVP et comment saurez-vous si vous avez réussi ? Utilisez les sections consacrées à l’idéation et à la définition d’objectifs pour vous aider à tirer parti des retours de vos publics et à fixer des objectifs axés sur les résultats. 

Vous pouvez aussi envisager votre MVP comme étant une hypothèse. Quelles informations avez-vous besoin de réunir pour réfuter votre hypothèse ? Par exemple, lorsque le Daily Maverick, en Afrique du Sud, a décidé de lancer son MVP de donations, son objectif était de répondre aux questions suivantes : 

  1. Est-ce que les gens soutiendraient financièrement le Daily Maverick de façon récurrente ?
  2. Où, sur leurs plateformes, pourraient-ils trouver leurs lecteurs les plus engagés ? 
  3. Quel message d’adhésion recevrait le plus d’écho ? 
  4. Comment le placement des boutons et les modèles de couleurs affectent-ils les inscriptions ? 
 

Comment le Daily Maverick a testé ses hypothèses d’adhésion avant le lancement du programme

Il a profité d'un retard du lancement de son programme d'adhésion pour trouver les réponses au sujet de ses lecteurs potentiels.

2. Concevoir votre MVP

Un MVP gagne à être simple : cela vous permet non seulement de faire des liens clairs entre vos idées et le comportement des publics, mais aussi de concevoir et de lancer rapidement votre MVP.

Dans son guide sur une prise de décisions plus éclairées en matière d’adhésion, la coach du MPP Federica Cherubini conseille de garder les choses simples afin de pouvoir déterminer le lien entre l’action et les effets sur les publics :

Il est important de se rappeler d’introduire une variable à la fois, afin de pouvoir comprendre quelles stratégies fonctionnent et lesquelles doivent être ajustées. Par exemple, si vous faites un test pour déterminer quelle plateforme est plus efficace en termes de conversion, assurez-vous que la formulation de tous les appels à l’action est la même ou relativement similaire (la formulation peut varier un peu mais veillez à ce que le ton reste constant). Une fois que vous avez testé les plateformes, vous pouvez tester quel message fonctionne le mieux, en essayant différentes formulations sur la même plateforme.

3. Lancez votre MVP

Une fois que vous avez établi la manière dont vous voulez tester votre MVP, vous pouvez le lancer. Voici une liste succincte et loin d’être exhaustive de manières de présenter votre MVP à vos publics.

  • Des outils comme Google Optimize se connectent à Google Analytics et vous permettent d’effectuer des tests sur votre site. C’est par exemple utile si vous voulez tester un MVP pour un nouveau type d’appel à l’action.
  • La plupart des fournisseurs de services de messagerie électronique vous permettent de réaliser des tests A/B pour tester des éléments comme des lignes de titre, le nom d’envoyeur et l’heure d’envoi. 
  • Les plateformes de gestion des réseaux sociaux permettent aux utilisateurs de tout tester, du texte à publier à la prévisualisation de l’image et plus encore. 
  • Il existe des outils comme TestFlight et InVision qui vous permettent de faire tester des versions initiales d’applications et d’expériences numériques par des utilisateurs potentiels.

Le Narwhal a utilisé un test A/B pour évaluer si des adhérents potentiels répondraient de manière plus favorable à une invitation formulée “devenez adhérent” ou “devenez un Narwhal”, afin de déterminer ce qui résonnerait le mieux auprès de ses publics. 

 

Comment le Narwhal a adopté la méthode du “Test and Learn”

The Narwhal mène des tests à petite échelle à chaque étape de son entonnoir de conversion.

Lorsque vous réalisez des tests, rappelez-vous qu’il est essentiel de laisser suffisamment de temps et de choisir les bons testeurs pour obtenir des résultats pertinents. 

Il faut que les personnes qui regardent votre MVP correspondent au type de publics que vous essayez de cibler. Si vos publics sont composés d’étudiants, ne testez pas votre MVP uniquement sur des personnes déjà sur le marché du travail. Si vous élaborez quelque chose en cherchant spécialement à toucher des publics sous-représentés, veillez à ce que les membres de ces publics soient inclus dans les personnes testant votre MVP. 

4. Évaluez les résultats et itérez

En fonction de la nature du test, il faudra probablement le réaliser sur au moins un sprint, ou peut-être sur une période plus longue. Il est important de résister à la tentation de couper court au test si vous recevez quelques mauvaises réactions. Faites un effort pour prendre du recul sur les réactions négatives en tenant compte du nombre total de personnes prenant part au test. 

Dans certaines situations, les effets d’un test sur votre business peuvent vous obliger à y mettre fin, par exemple, si un test a produit des effets négatifs de façon régulière et générale sur vos résultats de recherche ou vos revenus publicitaires. Mais en général, vous obtiendrez de meilleurs résultats si vous laissez votre test suivre son cours.

Après votre premier test, il vous faudra évaluer les résultats et améliorer votre MVP.

Revoyez les objectifs que vous avez fixés au début de votre test. Avez-vous atteint vos objectifs ? Quels sont les aspects sur lesquels vous avez repéré des lacunes ? Avez-vous été surpris ? Repérez quelques petits changements ou ajustements dont vous pensez qu’ils peuvent vous aider à atteindre vos objectifs ou à vous en rapprocher, mettez-les en place et mesurez les résultats. Un nouveau cycle commence. 

Lorsque le DoR, en Roumanie, a commencé à organiser des rédactions pop-up en marge de Bucarest, la capitale, ils ont créé une série de MVP qui ont pris de l’ampleur sur une période d’un mois. Chaque MVP faisait fond sur les leçons tirées du précédent.

Vos offres d’adhésion changeront probablement au fil du temps, même si votre programme est réussi, car les besoins et attentes de vos adhérents changent. En appliquant les cycles de test et d’apprentissage, votre produit d’adhésion peut évoluer avec vos membres.

 

L’expérimentation au cœur de la croissance des adhésions de Bridge Michigan

Ils ont conçu une séquence de tests ciblés pour chaque étape de l'entonnoir de conversion.

Comment devrions-nous mener une rétrospective ?

Même avec une équipe ne comptant qu’une seule personne, il est très important de prévoir du temps de réflexion. L’un des outils les plus utiles associés à la pensée produit est la rétrospective, aussi appelée rétro. La rétro donne aux membres de l’équipe la possibilité d’étudier leurs flux de travail et les résultats obtenus afin d’en tirer des meilleures pratiques pour de futurs projets. C’est un outil d’une efficacité surprenante, en particulier s’il est utilisé régulièrement.

Une rétrospective peut se faire à n’importe quel moment, tant que c’est à la fin d’une partie exploitable du travail. Elle peut intervenir à la fin d’un MVP, à la fin d’un sprint ou à la fin d’un projet à long terme. En tant que rédaction axée sur des adhérents, vous pouvez mener une rétrospective après le lancement de votre programme d’adhésion, après un projet important pour l’engagement des adhérents ou après avoir testé certaines modifications de votre newsletter adhérents par exemple.

Les principales exigences pour une rétrospective réussie sont l’honnêteté et un sentiment de sécurité. Il peut être plus facile et préférable de faire animer la rétrospective par une partie neutre plutôt que par un membre de l’équipe. Certaines personnes mènent des rétrospectives en l’absence des managers afin de libérer la parole. Il est important de rappeler aux équipes que leur objectif est d’améliorer les processus et non de s’attaquer les uns les autres, même si le travail que vous examinez ne s’est pas bien passé. 

Toutes les personnes qui ont travaillé directement sur le projet devraient participer. Dans des organisations de plus petite taille, vous pouvez inviter l’ensemble de la rédaction. 

Une fois que vous avez invité les gens, choisi un animateur et posé le ton, vous devrez décider de ce que vous voulez faire pendant votre rétrospective.

Une méthode courante est d’ouvrir un tableau numérique (l’équivalent numérique des post-it collés sur un mur) et de créer trois colonnes intitulées “Continuer”, “Commencer”, “Arrêter” (vous avez peut-être vu des équipes utiliser “Garder”, “Arrêter” et “Ajouter”). Vous commencez la rétro en demandant à chacun d’ajouter des cartes à chaque colonne de façon anonyme. Des logiciels comme Whimsical, Miro ou Trello offrent de bonnes solutions pour cela.

La colonne “continuer” est destinée aux choses que votre équipe fait et que vous estimez devoir continuer à faire car elles fonctionnent. Il peut s’agir de processus internes comme de continuer à tenir une réunion hebdomadaire sur le programme d’adhésion, ou bien un produit ou une fonctionnalité, comme le fait de maintenir les modifications faites récemment à votre newsletter réservée aux adhérents et qui a permis de stimuler les taux d’ouverture. La colonne “commencer” est destinée aux choses qu’ils souhaitent mettre en place. Dans la colonne “arrêter”, ils mettront les choses qu’ils souhaitent que l’équipe arrête de faire.

Ensuite, tout le monde vote pour les cartes qui leur parlent le plus. L’animateur peut ensuite sélectionner les cartes ayant reçu le plus de votes afin d’en discuter. L’équipe peut être en désaccord sur certains éléments, qui peuvent alors nécessiter un suivi. 

Des outils comme Trello et Retrium vous permettent de créer ce type de tableaux. Dans une petite équipe, un document Google Doc peut suffire. Voici un modèle de rétrospective de Trello que vous pouvez copier pour l’utiliser avec votre équipe. Voici aussi quelques autres suggestions pour demander des retours lors des rétros.Après la rétro, l’animateur doit prendre note de ce que l’équipe a prévu de commencer, d’arrêter et de continuer et marquer les éléments pour lesquels un suivi est nécessaire. Il est particulièrement important de mettre par écrit les leçons tirées de ce processus, en les gardant de préférence dans un même fichier. Les rétros ne sont utiles que si vous les commencez en rappelant où vous en étiez du point de vue de l’organisation lorsque le sprint que vous évaluez a commencé, et si vous en tirez des leçons et les appliquez dans votre travail à venir.

Avons-nous besoin d’établir une équipe produit pour adopter la pensée produit ?

En bref, non. Nous vous proposons ci-dessous trois mesures intermédiaires que vous pouvez prendre pour commencer à penser en termes de produit au sein de votre rédaction sans avoir à embaucher de responsable produit. 

Repérez les personnes qui pensent en termes de produit au sein de votre équipe

Si vous n’avez pas la capacité d’embaucher de responsable produit mais que vous avez suffisamment de marge de manœuvre au sein de votre organisation pour travailler sur le produit, il peut être intéressant de repérer qui dans votre équipe peut se charger des rôles liés au produit. 

Rishad Patel, co-fondateur de l’entreprise de conseil pour les médias asiatiques Splice, offre ces suggestions pour repérer les journalistes ayant un potentiel sur le plan produit : 

  • Des journalistes qui servent les intérêts du lecteur : penser en termes de produit, c’est placer les besoins des utilisateurs en priorité. Si un journaliste est déjà conscient qu’il travaille pour des personnes et communautés bien réelles et cherche déjà à intégrer des pratiques favorisant l’engagement et plaçant les publics en priorité, il est plus susceptible de comprendre la nature de la pensée produit. 
  • Des journalistes qui excellent à définir les problèmes : les personnes sachant penser en termes de produit savent repérer les problèmes pour leurs utilisateurs : pour Patel, c’est le “Saint Graal”. Par exemple, si votre site Internet charge lentement, c’est votre problème, pas celui du lecteur. Le problème de l’utilisateur est celui auquel vous essayez de répondre avec votre produit. 
  • Des journalistes qui sont sensibles aux arguments commerciaux : les personnes de votre rédaction qui pensent en termes de produit comprendront comment leur travail s’intègre dans le modèle économique et les flux de revenus de votre organisation. Ils doivent comprendre et se soucier du fait que donner la priorité à vos membres se traduira par une amélioration des résultats financiers. Pour Patel, “traiter vos utilisateurs avec plus de respect rend votre organisation meilleure”. “Si vous pouvez avoir cette compassion, c’est ce qui fait de vous une personne axée produit.” 

L’une des rédactions avec lesquelles Patel et Splice ont travaillé est Frontier Myanmar, un magazine d’informations et de business en langue anglaise basé à Yangon. En 2019, Frontier Myanmar a décidé de passer à un modèle basé sur l’adhésion. Le magazine a reçu des fonds de la Google News Initiative (qui soutient aussi ce guide). L’éditrice numérique Clare Hammond s’est retrouvée chargée de concevoir et de lancer le programme d’adhésion.

 

Comment Frontier a introduit le concept des adhésions au Myanmar

Ils ont d'abord identifié cinq corps de métiers qui ont besoin du type de journalisme produit par Frontier Myanmar.

Si vous vous retrouvez propulsé dans un rôle de gestion de produit, l’ancienne directrice de produit de Chalkbeat, Becca Aaronson, vous encourage à observer le travail des personnes de votre rédaction dont vous ne connaissez pas bien les tâches. En comprenant mieux comment les différentes équipes travaillent au quotidien, vous pouvez commencer à réfléchir à la manière de former des connexions et de décloisonner le travail. 

De nombreuses organisations proposent d’aider le personnel de rédactions occupant des rôles de produit ou cherchant à intégrer la pensée produit dans leur organisation, comme Open News, the Online News Association et Women in Product

Créez une équipe interdisciplinaire

L’une des principales tâches des responsables produit est de décloisonner le travail en interne. Parfois, en particulier si vous travaillez avec une équipe relativement petite, vous n’avez pas besoin d’embaucher une nouvelle personne : il vous suffit d’organiser une nouvelle réunion de coordination. Pour plus de détails sur le sujet, allez à “Déterminer les ressources humaines nécessaires”. 

C’est ce que Chalkbeat a fait avec le “AudSquad”, une coalition de responsables marketing, produit, engagement des publics et de rédactions qui se réunissent toutes les deux semaines pour coordonner une stratégie transversale. Une grande partie de la pensée produit et de sa mise en application a été transférée à cette équipe. 

“Le mieux est d’avoir des gens à tous les niveaux de la rédaction qui réfléchissent à la manière de définir la stratégie et de créer des équipes transversales en fonction des besoins pour que le travail soit fait”, explique Aaronson. “Vous avez besoin de quelques personnes qui ont une vue d’ensemble de manière à aider les responsables au niveau exécutif, puis prennent toutes ces informations et établissent des priorités plus précises.”

 

Comment Chalkbeat a monté son AudSquad transversale

Vous n'avez peut-être pas besoin d'embaucher de nouvelles personnes pour mettre en œuvre votre stratégie d'adhésion.

Embauchez des consultants ou des coachs

Les consultants peuvent vous aider, entre autres, à : recommander des outils dans lesquels investir pour penser en termes de produit, planifier et mener des études d’audience, élaborer une feuille de route en partenariat avec votre équipe existante, vous former à la hiérarchisation des tâches ou gérer et organiser le cycle de développement logiciel.

Si vous décidez d’embaucher un consultant, cherchez quelqu’un ayant une expérience de travail avec les médias. Concentrez-vous sur les projets qui ont trait à des choses que les gens dans votre organisation font déjà, afin que le consultant ait un partenaire interne déjà désigné. Des organisations comme le News Catalyst aux États-Unis, SembraMedia en Amérique latine et Splice Media en Asie proposent des consultations et peuvent recommander des coachs et des formateurs. Le News Catalyst propose aussi régulièrement des programmes de formation pour petites rédactions. La News Product Alliance a été lancée en septembre 2020 pour fournir un appui et présenter des pratiques spécifiquement adaptées aux nouveaux responsables produit.

Vous trouverez des conseils et stratégies plus détaillés pour embaucher des consultants dans la partie consacrée à l’infrastructure technologique (allez à “Mettre en place une infrastructure technologique”).

Quelles difficultés font souvent obstacle à la pensée produit ?

Adopter la pensée produit au sein de votre organisation représente un changement de culture majeur, mais sans cela, vous ne pourrez pas réussir à mettre en place de stratégie d’adhésion. Voici certains des obstacles les plus courants que nous avons observés et des manières d’y faire face. 

Les gens peuvent résister complètement à la pensée produit ou à certains de ses aspects. Une équipe qui a l’habitude de prendre des décisions en se basant sur son instinct, par exemple, peut avoir de fortes réticences à baser ses décisions sur des données. 

Voici quelques stratégies permettant de lutter contre la résistance au changement au niveau interne et de créer une culture produit : 

  • Lorsque c’est possible, introduisez les idées une par une plutôt que toutes en même temps.
  • La pensée produit, c’est aussi de la collaboration et de la satisfaction. Invitez vos collègues à réfléchir avec vous et mettez l’accent sur le fait que la pensée produit doit vous aider et renforcer ce que vous faites de bien, et non écarter qui que ce soit. Si possible, organisez des sessions de brainstorming conjointes de façon amusante et informative.
  • Repérez vos principaux alliés : y a-t-il une ou deux personnes dans l’organisation qui sont ouvertes à votre nouveau mode de pensée ? Pourraient-elles vous aider à tester quelques solutions ou modifications légères ?
  • Prenez soin de vous aussi : si vous avez constamment l’impression de vous battre seul, prenez du temps pour vous reposer et réévaluer votre démarche.

Un manque de ressources. Même les grandes organisations ont des difficultés à réaliser des projets trop ambitieux au vu de leurs capacités. La pensée produit vous offre une flexibilité qui permet à votre organisation, une fois que vous avez pris le coup de main, de devenir plus efficace avec des ressources limitées. Lorsque c’est possible, réfléchissez à des manières de diviser la charge de travail. 

  • Ébauchez un objectif mesurable : quel est le bénéfice le plus important que vous attendez de la pensée produit, pour vous et votre organisation ? Comment pouvez-vous en mesurer le succès ? Vous pourrez ainsi déterminer quels outils auront le plus d’effet.
  • Hiérarchisez les outils de ce kit. Vous n’avez pas besoin de tout faire en même temps et il n’est pas nécessaire qu’une seule et même personne se charge de tout. Tout comme vous hiérarchisez vos objectifs, priorisez les aspects de la pensée produit dont vous pensez qu’ils vous aideront le plus et attaquez-vous-y en premier. 
  • Mobilisez des alliés. Dès que c’est possible, demandez-vous où les personnes de votre équipe pourraient ou voudraient développer leurs compétences et qui vous pouvez mobiliser pour vous soutenir (vous trouverez plus haut dans cette partie des manières d’identifier des personnes pensant en termes de produit dans votre rédaction).

Votre équipe est constamment en retard sur les échéances. Lorsque vous planifiez des projets, vous devez être en mesure d’estimer combien de temps ils vous prendront et de quelles ressources vous aurez besoin. 

Si manquer une échéance peut être frustrant du point de vue personnel, cela découle souvent de problèmes systémiques qui peuvent saper votre capacité à tenir les promesses de vos produits et à les améliorer. Peut-être que la planification de votre projet ne tenait pas compte des vacances d’été ou que vous n’avez laissé que trop peu de temps aux hauts dirigeants pour approuver des concepts-clefs. Trop d’échéances manquées peuvent, au fil du temps, créer une résistance interne à la pensée produit et à l’attribution de ressources aux produits dans votre organisation.

Si vous constatez que vous manquez souvent des échéances, il est temps de vous poser ces questions : 

  • Où y a-t-il des problèmes d’inefficacité ou des obstacles dans votre processus ?
  • Quelles sont les conséquences de ces problèmes d’inefficacité ? 
  • À quel stade du processus votre estimation du temps ou des ressources nécessaires est-elle insuffisante ?
  • Où manque-t-il des ressources-clefs (personnes, outils, savoir-faire) ou des lignes importantes de responsabilité ou d’autorité ?

Prenez note de ces lacunes et faites remonter les problèmes qui doivent être résolus. Si vous ne vous attaquez pas aux problèmes systémiques qui vous empêchent de respecter les échéances et le budget, les échéances manquées peuvent devenir un problème important et récurrent. Mais en séparant le système appuyant la création du produit des individus qui le créent, vous pouvez vous attaquer à une échéance reportée comme le problème impersonnel qu’il est et espérer le résoudre à l’avenir.