Établir un business case

Cette partie traite du volet financier. Quels revenus pouvez-vous attendre d’un programme d’adhésion ? Quels coûts devriez-vous anticiper avant de sauter le pas ?

Tout d’abord, voici un petit rappel. Un programme d’adhésion est bien plus qu’une source de revenus. Dans le modèle de l’adhésion, les rédactions traitent leurs publics comme des participants essentiels et des partenaires. Cette relation est alimentée par des pratiques participatives, un élément fondamental comme l’a découvert le Membership Puzzle Project (MPP). 

Les adhérents peuvent aussi représenter un soutien financier, comme c’est le cas pour la plupart des médias axés sur les membres étudiés par le MPP. Pour réussir, vous devez estimer les investissements nécessaires (sans oublier les coûts d’exploitation) et les retours envisageables.

Second rappel : comparé au modèle de l’abonnement, le modèle de l’adhésion est encore relativement nouveau dans le secteur du journalisme et reste une stratégie assez nouvelle. Il est dit dans l’édition 2019 de l’INN Index, qui regroupe les données de 108 membres du réseau basés en Amérique du Nord, que seulement un tiers des participants avait un programme d’adhésion en 2018. Environ deux tiers des programmes en question étaient assez récents, trois ans ou moins, et avaient moins de 1 000 adhérents. Le modèle de l’adhésion est encore plus embryonnaire en Amérique latine, en Afrique et en Asie.

N’oubliez pas une chose : la proposition de valeur et le modèle économique d’un programme d’adhésion ne sont pas équivalents à ceux d’un abonnement. Dans un modèle d’abonnement, les publics paient pour accéder à un produit ou à un service. Il s’agit d’une relation transactionnelle dans laquelle l’accès au contenu est monétisé.  Ce modèle nécessite habituellement une forme de paywall (péage de lecture numérique). 

La courbe des revenus générés par les adhésions suivra-t-elle celle des dons ou des abonnements ? La question reste entière. Le secteur du journalisme n’a pas encore les données permettant de répondre avec certitude à cette question mais l’équipe de recherche voit beaucoup de raisons d’espérer et d’opportunités en la matière. Le MPP a dégagé une tendance prometteuse : contrairement à ce qui se passe avec les abonnements, le plafond des adhésions n’a pas encore été atteint. 

Certains médias axés sur les adhérents réussissent en faisant une nette différence entre adhésion et abonnement dans leur proposition de valeur et leur marketing. Le Daily Maverick (Afrique du Sud) a mis en place un modèle d’adhésion au montant libre en partie pour rapprocher l’adhésion d’un don aux œuvres. Le directeur du média, Styli Charalambous, a écrit la chose suivante : “La lassitude vis-à-vis des abonnements est réelle, les titres sud-africains sont en concurrence avec le New York Times pour décrocher une part du budget abonnement des particuliers […] Mais les gens peuvent soutenir et soutiennent plusieurs bonnes causes qui leur tiennent à cœur. Nous voulions montrer que notre cause était digne d’être soutenue au même titre que la Société pour la protection des animaux, le National Sea Rescue Institute ou des programmes en faveur de l’éducation. »

Dans cette partie, nous nous concentrons sur la planification et les prévisions financières, lesquelles devraient aider votre structure à décider si elle se lance, si elle maintient son programme d’adhésion ou si elle investit davantage de ressources dans ce modèle afin de le rendre viable.

Comment calculer notre nombre d’adhérents potentiels ?

Si vous vous apprêtez à mettre en place un programme d’adhésion, vous commencez généralement par estimer les retombées financières que vous pouvez raisonnablement attendre. Pouvez-vous tabler sur 30 000 dollars ? 300 000 ? Vous devez estimer le nombre d’adhérents que vous pouvez espérer obtenir, ainsi que le montant de leurs contributions. Commencez par calculer votre marché total disponible.

Calcul de votre audience totale disponible.

Tout d’abord, vous devez disposer de données démographiques de base sur la population à laquelle vous souhaitez vous adresser : combien y a-t-il d’adultes de plus de 18 ans ? Combien y a-t-il de foyers ? Quel est le revenu moyen et le taux d’emploi ? 

Par exemple, si votre média est destiné à une ville, vous pouvez partir du dernier recensement pour savoir combien de personnes de plus de 18 ans y vivent. Si vous vous adressez à une catégorie de personnes, à un groupe d’âge ou à un quartier, vous devez déterminer le pourcentage de la population que votre cible représente dans la zone géographique que vous couvrez.

Si vous êtes un média spécialisé, l’opération est un peu plus compliquée mais vous pouvez commencer par vous renseigner sur le nombre de personnes qui travaillent dans le domaine que vous couvrez ou consulter le nombre d’adhérents des associations professionnelles du secteur.

Illustration de Jessica Phan sur la base du contenu fourni par le Corporate Finance Institute

Bien sûr vous ne pourrez pas toucher toute votre audience disponible. Il est probable que seul un petit pourcentage lira vos articles. D’après l’édition 2020 du Digital News Report, à l’échelle mondiale, 28 % des particuliers préfèrent s’informer en ligne (aux États-Unis, la proportion est de 37 %). Ce taux varie selon les publics mais il peut vous servir de référence pour estimer le nombre d’adultes que vous pouvez espérer atteindre.

Le taux indicatif de la consommation d’information associé à des données démographiques de base vous aidera à estimer votre audience disponible. 

Disons que vous êtes un site d’information local s’adressant à une ville américaine de 200 000 habitants dont 80 % de la population a plus de 18 ans. Il y a donc 160 000 adultes dans votre ville et 37 % d’entre eux, soit 59 200 personnes, sont susceptibles de préférer s’informer sur Internet. Cela signifie que votre marché total disponible est de 59 200 personnes. Vous pouvez également faire une estimation plus prudente en vous basant sur le nombre de foyers plutôt que sur le nombre d’adultes.

Votre audience totale disponible est appelée en termes marketing le “haut de l’entonnoir” (top of the funnel), ce qui correspond au nombre maximum de personnes que vous pouvez raisonnablement espérer atteindre. L’objectif du marketing (et de la construction d’une relation) est que les potentiels lecteurs poursuivent leur parcours dans l’entonnoir afin d’approfondir progressivement la relation pour aboutir, dans notre cas, à l’adhésion. 

Combien d’adhérents pouvons-nous espérer avoir ?

Afin d’estimer les revenus que vous allez pouvoir tirer de votre programme d’adhésion, vous devez évaluer votre capacité d’attraction et votre capacité à tisser des liens avec votre cible. Cela signifie que vous allez devoir formuler des hypothèses au sujet de votre entonnoir de conversion. 

Maintenant que vous avez calculé votre marché total disponible, plusieurs possibilités s’offrent à vous pour modéliser votre entonnoir de conversion puis estimer vos revenus. Vous pouvez modéliser le nombre de visiteurs de votre site ou le nombre d’abonnés à votre newsletter. 

Partez de votre audience totale disponible pour estimer le nombre de visiteurs uniques et de visites par mois. Ceci vaut si vous êtes un média qui démarre et qui n’a encore aucune audience ; si vous publiez déjà, vous disposez déjà de ces chiffres. Avant d’estimer le nombre d’internautes qui peuvent souhaiter consulter vos articles (le haut de l’entonnoir), vous devez commencer par décider à quel point vous voulez être prudent dans vos calculs. Vous pouvez ainsi choisir dans une fourchette de 25 à 75 % la proportion de personnes qui va découvrir votre site et en lire des articles régulièrement. 

Reprenons notre exemple. Souvenez-vous, vous êtes un site d’information local s’adressant à une ville de 200 000 habitants et votre marché total disponible est de 59 200 personnes. Si 75 % des personnes dans votre marché total disponible trouvent votre site, vous pouvez tabler sur une fourchette haute de 44 400 visiteurs uniques par mois. 

Si vous partez du principe que 50 % de ces personnes vont devenir des visiteurs réguliers et consulter votre site deux fois par semaine, vous arrivez à près de 200 000 visites par mois [22 200 + (22 200 x 2 x 4)]. Vous avez donc 200 000 chances par mois de faire franchir une étape de votre entonnoir de conversion à un visiteur. Cliquez sur “Définir des métriques” pour en savoir plus sur les indicateurs de fidélité de votre audience.

Utilisez le nombre de visites mensuelles pour estimer le nombre d’abonnés à votre newsletter. La newsletter est l’un des leviers d’adhésion les plus performants, particulièrement chez les médias plus traditionnels. Si vous êtes un site d’information disposant déjà d’une audience solide, vous pouvez vous baser sur votre nombre de visites mensuelles pour estimer le nombre d’abonnés que vous devez viser pour votre newsletter et de là calculer votre nombre d’adhérents potentiels. Il existe quelques études réalisées aux États-Unis : ainsi, parmi les médias suivis par le News Revenue Hub, 8 % du nombre de visites mensuelles aboutit à un abonnement à une newsletter. Si nous nous basons sur ce taux dans notre exemple, avec 200 000 visites mensuelles, vous devriez obtenir (progressivement) jusqu’à 16 000 abonnés à votre newsletter. 

Utilisez votre nombre d’abonnés à votre newsletter pour estimer votre nombre d’adhérents. Transformer un visiteur en un abonné à une newsletter est un pas important vers l’adhésion. Mais bien entendu, tous ne deviendront pas des adhérents. Alors, comment modéliser cette étape ? 

Vous devez formuler une hypothèse au sujet du taux de conversion de votre newsletter. D’après le Facebook Local News Subscriptions Accelerator Program, les publications peuvent espérer convertir de cinq à 10 % de leur liste de diffusion. En ce qui concerne les petites et moyennes structures aux États-Unis, le News Revenue Hub rapporte que parmi les rédactions qu’il suit, 7 % est un bon taux de conversion pour les newsletters. Prenons donc un taux de conversion de 7 % dans notre exemple : si vous visez les 16 000 abonnés pour votre newsletter, vous devriez obtenir à terme 1 120 adhérents. Une offre éditoriale forte et des investissements importants dans des pratiques participatives peuvent vous permettre d’atteindre un taux de conversion plus élevé.

Estimer la taille de son audience et de son programme d’adhésion ne sert pas simplement à faire des projections financières. Cela peut également être utile pour associer des objectifs à votre offre éditoriale et à votre programme d’adhésion. Cliquez sur “Adopter la pensée produit” pour en savoir plus sur la manière de fixer des objectifs.

Attention, il est impossible de déterminer à quelle vitesse vous atteindrez votre objectif. Il n’y a pas de formule magique. La vitesse à laquelle vous atteindrez (ou dépasserez) votre objectif dépend de plusieurs facteurs : la clarté avec laquelle vous définissez et transmettez la proposition de valeur de votre programme d’adhésion, l’efficacité avec laquelle vous lancez votre programme d’adhésion, l’efficacité avec laquelle vous marketez et faites grandir votre programme d’adhésion et votre capacité à conserver vos adhérents. Cliquez sur les liens pour consulter les parties correspondantes du guide.

Le MPP a toutefois quelques données sur la première année de lancement de programmes d’adhésion. D’après les résultats de notre sondage sur les objectifs et le succès d’un programme d’adhésion  (Defining Membership Goals and Successes) auquel ont participé 40 médias axés sur les adhérents dans le monde, le nombre médian d’adhérents après un an de lancement était de 1 000. À noter que certains médias, généralement les plus grands et les plus matures, faisaient figure de cas particulier en déclarant avoir plusieurs milliers d’adhérents. Les adhérents avaient été définis comme des personnes ayant versé une contribution comprise entre 1 et 5 000 dollars au cours des 365 derniers jours.

Nous avons également demandé aux participants leur nombre d’adhérents sur les 365 derniers jours (le sondage date de l’été 2020). Cette fois-ci, la médiane était de 2 668 adhérents et la moyenne de 10 223. Cliquez sur “Définir des métriques” pour en savoir plus sur ce sondage.

Comment fixer les prix de nos offres d’adhésion ?

Les revenus que vous pouvez espérer tirer de votre programme d’adhésion dépendront fortement de votre politique de prix et des catégories d’adhésion proposées. Vous devez passer en revue les choix qui s’offrent à vous et si possible mener une étude d’audience pour les tester. Suivre ces deux étapes avant de modéliser vos revenus vous aidera à assurer la solidité du modèle économique de votre programme d’adhésion.

Après avoir interrogé des dizaines de médias au sujet de leur politique de prix, le MPP vous suggère d’adopter une des stratégies suivantes ou de les combiner.

  • S’inspirer d’autres structures similaires ayant un programme d’adhésion et étant proches géographiquement ou partageant la même mission.
  • Demander à vos publics quelles sont les autres causes qu’ils soutiennent et à hauteur de quel montant.
  • Étudier le montant des contributions aux précédentes campagnes de financement participatif ou de dons.
  • Lancer le programme en proposant plusieurs montants ou une possibilité de contribution libre et dégager des tendances.

Examinez les politiques de prix possibles. De nombreuses possibilités s’offrent à vous. Certains médias axés sur les adhérents, comme par exemple Denverite, laissent tous les membres choisir le montant exact de leur contribution et opter pour un versement mensuel, annuel ou ponctuel. La plupart ont des catégories d’adhésion avec un montant fixe, tandis que d’autres structures, comme par exemple CalMatters en Californie, définissent de larges fourchettes et attribuent des avantages à chacune. Le MPP a également examiné avec beaucoup d’intérêt le modèle d’adhésion au montant libre du Daily Maverick, qui intègre une contribution mensuelle suggérée. Regardez également la section “individuals fund work” dans les fiches de la base de données du Membership Puzzle Project pour avoir une vision plus large. 

Il peut également être utile de consulter les données disponibles pour avoir une idée des prix. Par exemple, le tableau ci-dessous tiré de l’édition 2019 de l’INN Index montre que les adhérents donnent en moyenne 72 dollars par an. Le MPP recommandant d’inciter les adhérents à verser une contribution mensuelle, vous pourriez diviser 72 par 12 et ainsi fixer votre montant de référence mensuel minimal à 6 dollars. Cliquez sur “Conserver nos adhérents” pour en savoir plus sur les montants par défaut.

Crédit : INN Index 2019

Fixez le prix des adhésions. Cela peut être la partie la plus intimidante de la conception d’un programme d’adhésion, en particulier pour les structures les plus petites qui n’ont pas d’équipe “business”. La plupart des conseils sur ce sujet sont terriblement complexes et pensés pour des structures plus grandes. 

La plupart de la littérature en la matière inscrit le soutien au journalisme dans un cadre transactionnel et place sur le même plan votre programme d’adhésion et des transactions à sens unique comme par exemple un abonnement Netflix. En réalité, pour fixer le tarif de votre programme d’adhésion, vous devez à la fois déterminer la valeur de votre travail aux yeux de vos publics et celle qu’ils accordent au fait que d’autres personnes puissent y accéder. 

Il peut être difficile d’attribuer une valeur monétaire à un acte philanthropique. Vous aurez peut-être besoin de tester différents prix avant de trouver le point de rencontre entre vos besoins financiers et les possibilités de vos adhérents. 

L’indicateur de sensibilité au prix créé il y a plusieurs dizaines d’années par l’économiste Peter Van Westendorp est la méthode la plus souvent utilisée pour déterminer un prix que les publics trouveront acceptable. Néanmoins cette méthode peut être trop complexe pour des structures de petite taille. Demander à vos publics de répondre à un sondage peut nuire au sentiment d’appartenance qui motive de nombreux adhérents. Cette approche est mentionnée ici en réponse aux questions fréquentes au sujet des politiques de prix en matière d’abonnement mais le MPP ne vous suggère pas nécessairement de l’adopter.

D’après Sebastian Esser, directeur de la plateforme Steady, les structures ont tendance à fixer des prix bien trop bas. C’était par exemple le cas du Krautreporter, un média allemand dont il est aussi cofondateur. Le Krautreporter a augmenté pour la première fois ses prix en décembre 2019 et dit n’avoir essuyé aucune contestation ou annulation.

El Diario (Espagne) a adopté une approche plutôt directe au moment du lancement de son programme d’adhésion en 2012 : l’équipe a examiné le paysage médiatique et a choisi un prix (60 euros par an au départ) à mi-chemin entre ceux fixés par les publications historiques les plus chères basées sur un modèle de l’abonnement et ceux des journaux numériques les moins chers. Le programme d’adhésion a vite pris de l’ampleur et le prix a peu été remis en question. El Diario a aujourd’hui près de 60 000 adhérents. Au printemps 2020, le site a augmenté son tarif pour la première fois et est passé à une cotisation annuelle de 80 euros mais n’a connu aucune baisse du nombre d’adhérents.Le Daily Maverick s’est servi d’un appel aux dons pour répondre à plusieurs questions, notamment concernant le montant que les particuliers seraient prêts à donner s’ils étaient libres de leur choix et l’effet qu’aurait un changement du montant suggéré par défaut. L’équipe a découvert que peu de personnes choisissaient de donner le strict minimum (l’équivalent du coût d’une transaction par carte bancaire).

 

Comment le Daily Maverick a mis en place un modèle d’adhésion au montant libre

Offrir un avantage bien ciblé incite ceux qui le peuvent à verser une plus grosse contribution.

The Dispatch, une start-up média américaine conservatrice, s’est lancée en octobre 2019 en proposant une option d’adhésion à vie à 1 500 dollars. L’équipe s’est basée sur le prix de l’adhésion annuelle, soit 100 dollars, en disant : “Si vous croyez en un journalisme basé sur les faits et des analyses guidées par une vision de centre-droit, soutenez-nous en tant que membre fondateur à vie pour nous mettre le pied à l’étrier.” Elle espérait obtenir 300 membres à vie mais elle en avait déjà 450 en juillet 2020.

Quels revenus attendre de notre programme d’adhésion ?

Disons que vous avez suivi toutes les étapes décrites dans “Combien d’adhérents pouvons-nous espérer avoir ?” et que vous avez pour objectif de gagner le soutien de 1 120 adhérents. Vous avez choisi votre politique de prix et testé vos hypothèses de départ. Il est temps de calculer les revenus que vous pouvez espérer obtenir.

Vous pouvez opter pour une méthode directe et calculer les revenus mensuels ou annuels de votre programme d’adhésion en partant de l’estimation de votre nombre d’adhérents. Multipliez par votre nombre de membres la contribution moyenne attendue. Ainsi, si vous concevez votre programme d’adhésion dans l’optique de récolter une contribution moyenne de 10 dollars par mois ou de 120 dollars par an, vous pouvez espérer avoir un revenu annuel de 134 400 dollars grâce à vos 1 120 adhérents.

D’autres outils et méthodes peuvent être utilisés. Nous vous avons présenté juste une approche. Par exemple, la plateforme Steady propose l’approche suivante :

“Au moins 5 % de votre communauté est prête et disposée à vous soutenir. [ …] Le montant que vous pouvez gagner dépend de la taille de votre communauté. Votre communauté comprend des personnes qui suivent votre projet, attendent vos mises à jour et peuvent vous contacter numériquement ou personnellement. En estimant la taille de votre communauté, vous pouvez calculer combien d’argent vous pourriez gagner en utilisant Steady : (nombre de membres de la communauté * 0,05) * (cotisation moyenne) = recettes possibles. Le prix moyen d’une adhésion sur Steady est d’environ 5 euros par mois. En utilisant cet exemple, pour atteindre un objectif de 1 000 € par mois, vous devrez toucher au moins 4 000 membres de la communauté avec votre campagne.”

L’équipe de recherche vous recommande d’utiliser cet outil de Steady pour faire des projections. Vous devrez entrer quelques chiffres, notamment le minimum mensuel dont vous avez besoin, la contribution moyenne prévue, le taux de résiliation mensuel et le taux d’adhésion. Si vous venez de vous lancer et que vous ne connaissez pas votre taux de résiliation, le MPP recommande de saisir un taux de 5 % par mois, une hypothèse prudente. 

Dans le tableau, vous verrez que Steady a choisi une contribution mensuelle moyenne de 5 € chez ses 300 clients (la plupart desquels ne sont pas des publications journalistiques), un taux de résiliation moyen de 2,5 % et un taux de conversion de 5 %.  

Pour avoir un autre exemple, vous pouvez voir comment la structure canadienne Indiegraf utilise une méthode similaire à celle du MPP pour calculer les revenus qu’une publication d’information locale indépendante peut espérer au Canada.

Des publications américaines numériques matures, comme The Texas Tribune, VTDigger et Mother Jones, tiennent un cinquième à un tiers de leurs revenus de petits donateurs, qui sont nombreux à être des adhérents. Certaines publications numériques plus récentes axées sur les adhérents ont également réussi à atteindre ces proportions, tandis que de nombreuses radios publiques américaines ont leurs revenus composés à un tiers par les adhésions, un tiers par les contributions des grands donateurs et un tiers par les sponsors et d’autres formes de soutien. Parmi les 40 médias internationaux axés sur les adhérents au sujet desquels le MPP détient des informations, six tirent entre 20 et 35 % de l’ensemble de leurs revenus des adhésions.

Un programme d’adhésion solide peut aussi être à l’origine d’autres sources de revenus. Si le modèle de l’adhésion est nouveau pour vous, l’équipe de recherche ne vous recommande pas d’intégrer des revenus dérivés à votre modèle économique. En revanche, si vous avez un programme d’adhésion mature ou en croissance, il peut être intéressant d’examiner les possibilités qui s’offrent à vous.

Vous pourriez envisager de travailler avec une université locale ou un autre partenaire institutionnel important pour créer une catégorie d’adhésion institutionnelle, comme l’a fait Frontier Myanmar. Dans leur programme, les institutions ont droit à cinq ou 20 utilisateurs par compte selon leur taille. La plupart des adhérents de Frontier Myanmar sont des particuliers disposant donc d’un seul accès, mais en juillet 2020, il y avait 16 petites institutions membres totalisant 93 utilisateurs et trois grandes institutions membres, soit 60 utilisateurs supplémentaires. Ce modèle est particulièrement prometteur dans les contextes où les particuliers peuvent ne pas forcément avoir les moyens de payer pour s’informer mais où les ONG sont bien implantées, comme c’est le cas au Myanmar.

Vous pourriez également vous engager dans des partenariats rémunérés ou d’autres formes de sponsorisation reposant sur la forte relation que vous entretenez avec vos adhérents. C’est ce qu’a fait Black Ballad au Royaume-Uni avec ses campagnes éditoriales centrées sur les défis et les opportunités qui se présentent aux femmes britanniques noires, lesquelles sont réalisées sur la base d’enquêtes approfondies menées auprès des membres du média.

 

Comment Black Ballad a transformé les sondages en sources de revenus

Ils sont devenus un média qui touche, sert et connaît les femmes professionnelles britanniques âgées de 25 à 45 ans.

Pour en savoir plus sur la manière dont des rédactions axées sur une cause peuvent s’appuyer sur leurs publics pour obtenir des sponsorisations et nouer des partenariats publicitaires, consultez cette étude de cas sur Madison365 et celle-ci sur San Antonio Report (anciennement the Rivard Report)

Quels types de coûts sont à prévoir ?

Afin de construire un modèle économique solide pour votre programme d’adhésion, vous devez réfléchir au volet revenus mais aussi au volet coûts. Il est important de prévoir les types de coûts suivants.

Coûts de démarrage. Quand vous démarrez un programme d’adhésion, il y a des coûts liés à la mise en place de l’infrastructure technologique et de l’équipe. Vous devez également prévoir les actions marketing et le branding dans le cadre de votre lancement. Les produits dérivés spécial lancement, l’empaquetage et l’envoi de ces produits et le marketing payant rentrent également dans cette catégorie. 

Coûts d’exploitation. Une fois votre programme d’adhésion lancé, vous devrez assumer des coûts d’exploitation pour le faire fonctionner. Certains de ces coûts seront faciles à rattacher au programme, par exemple les salaires et les avantages sociaux de l’équipe chargée du programme d’adhésion ou encore les produits dérivés, ainsi que leur empaquetage et leur envoi. D’autres, comme par exemple le développement logiciel et la maintenance du CRM (logiciel de gestion de la relation client), seront liés à la fois au fonctionnement de la rédaction et à votre programme d’adhésion. Le MPP vous recommande d’estimer la part de l’effort général ou des ressources communes qui ira au programme d’adhésion. Vous pouvez utiliser cette estimation pour calculer le coût correspondant et l’inclure dans le modèle économique de votre programme d’adhésion.

Vous pouvez aussi faire la distinction entre coûts de personnel, techniques et indirects d’une part, et coûts directs d’autre part.

Coûts de personnel, techniques et indirects. Ces coûts comprennent ceux liés à l’équipe chargée du programme d’adhésion (salaires et avantages sociaux), aux licences logicielles et à la maintenance, ainsi qu’au temps consacré au programme d’adhésion par du personnel rattaché à d’autres fonctions.

Coûts directs. Il s’agit des coûts directement liés au fonctionnement du programme d’adhésion. Ils comprennent notamment les dépenses relatives à la gestion d’événements spécial membres et aux produits dérivés ainsi qu’à leur empaquetage et à leur envoi.

Il est utile de répertorier ces coûts et de les suivre quand vous modélisez votre programme puis le gérez car cela vous aidera à connaître les retombées financières des dépenses engagées. Si les coûts directs commencent à peser trop lourd et que vous ne constatez aucune hausse des revenus, il est peut-être temps de revoir les avantages offerts par votre programme d’adhésion pour déterminer si vous pouvez convertir, engager et satisfaire autant d’adhérents avec moins de paillettes. 

Ces éléments ainsi que les sections ci-dessous et les parties “Concevoir notre programme d’adhésion“, “Déterminer les ressources humaines nécessaires“ et “Mettre en place une infrastructure technologique” peuvent vous aider à créer une liste détaillée des coûts à prévoir pour la mise en place et la gestion de votre programme d’adhésion.

Quels coûts de personnel et techniques devrions-nous prévoir ?

Les coûts de personnel et techniques correspondent généralement à la plus grande catégorie de coûts liés au programme d’adhésion. Cette section va vous aider à cerner ces coûts et à les prévoir dans votre modèle économique.

Coûts de personnel. Ces coûts dépendront des ressources humaines affectées à votre programme d’adhésion et aux activités liées. Appuyez-vous sur la partie “Déterminer les ressources humaines nécessaires” pour planifier. Posez-vous les questions suivantes :

  • Combien de salariés à plein temps devons-nous affecter à la gestion des différentes composantes de notre programme d’adhésion ?
  • Si nous n’avons pas de personnel chargé du programme d’adhésion à plein temps où irons-nous chercher les ressources humaines nécessaires ? 

Il est important de garder à l’esprit que le travail nécessaire au succès d’un programme d’adhésion peut être réalisé par une seule personne ou réparti entre plusieurs salariés qui s’y consacrent à temps partiel. Même dans le cas des formules les plus légères, il est probable qu’un programme d’adhésion demande au moins un mi-temps et que certaines tâches soient sous-traitées à un cabinet ou à un consultant. De nombreux médias axés sur les adhérents choisissent de s’offrir des prestations marketing et informatique.

L’équipe de recherche du MPP a découvert que les programmes d’adhésion qui fonctionnaient dans les structures de taille moyenne ou en croissance avaient généralement au moins un salarié à temps plein se consacrant au programme ou l’équivalent d’un temps plein réparti entre le programme d’adhésion et l’engagement des publics.

Vous pouvez aussi faire réaliser certaines de vos tâches de démarrage par des freelances. Les services de graphistes, consultants en marketing et développeurs indépendants peuvent vous être particulièrement utiles dans votre phase de lancement ou pour créer et déployer des campagnes d’adhésion ciblées.

Coûts techniques. Cliquez sur “Mettre en place une infrastructure technologique” pour avoir une liste détaillée des logiciels et des outils dont vous aurez besoin pour votre programme d’adhésion. Le Lenfest Institute a établi une liste de prix. Elle vous permettra de déterminer les coûts de démarrage et d’exploitation de votre programme d’adhésion en ce qui concerne le volet informatique. N’oubliez pas de tenir compte de l’augmentation des tarifs au fur et à mesure. Pensez également à prendre en compte les frais qui peuvent être facturés par votre solution de paiement.

Quels coûts directs devrions-nous prévoir ?

Il ne suffit pas seulement d’avoir des ressources humaines et technologiques. Les événements, les contenus, le marketing et les produits dérivés ont également un rôle à jouer. Les éléments ci-dessous vous aideront à anticiper ce type de coûts. 

Événements spécial membres. Ces événements font partie de la concrétisation de la promesse de valeur du programme d’adhésion de nombreux médias axés sur les membres. Vous pouvez faire baisser la facture en organisant vos événements dans vos locaux ou dans un lieu en accès libre. Les coûts augmentent quand vous prévoyez des cadeaux, de la nourriture et des boissons. 

De nombreuses structures proposent des opérations marketing et branding en échange de la sponsorisation de leurs événements. San Antonio Report (anciennement the Rivard Report) a tiré 7 % de ses revenus de cette manière en 2019. 

Au moment de la rédaction de ce texte, la COVID-19 empêchait la tenue de nombreux événements en présentiel, c’est pourquoi de nombreux médias ont expérimenté les événements virtuels. Si vous prévoyez de faire de même, tenez compte du prix des moyens techniques. Par exemple, avec l’offre Pro de Zoom, vous pouvez organiser des réunions de plus de 40 minutes à partir de 15 dollars par mois et par hôte. Outride.rs, un média polonais, a organisé un festival en ligne au printemps 2020 et a rendu compte de toutes les étapes, notamment en précisant quels investissements logiciels leur avaient semblé utiles. 

Contenus exclusifs et privilèges d’accès. De nombreux médias offrent une newsletter ou une page spécial membres ou encore organisent des rencontres avec l’équipe ou la direction. Cliquez sur “Concevoir notre programme d’adhésion” pour lire la liste des avantages les plus courants.

N’oubliez pas de tenir compte du nombre d’heures payées à votre personnel et de mettre ce coût en perspective avec la participation des adhérents et autre valeur créée. Estimez le pourcentage des heures consacrées à des activités liées au programme d’adhésion (que ce soit au niveau individuel ou collectif) et utilisez ce pourcentage pour définir la part des coûts globaux de personnel consacrée au programme d’adhésion.

Si d’autres membres du personnel doivent intervenir en dehors de l’équipe chargée du programme d’adhésion, comme par exemple dans le cas d’une rencontre avec la rédaction ou d’une newsletter spécial membres nécessitant la contribution de reporters, veillez à tenir compte du nombre d’heures consacrées par ces personnes au programme d’adhésion. 

Produits dérivés et cadeaux. Les recherches du MPP ont conclu que les produits dérivés et les cadeaux ne faisaient pas partie des principales raisons pour lesquelles les personnes adhéraient à un média. Néanmoins, ils peuvent jouer un rôle important en renforçant votre identité de marque et en procurant un sentiment d’appartenance. Pour plus d’informations sur les avantages et les inconvénients des cadeaux, cliquez sur “Concevoir notre programme d’adhésion”.

Les coûts directs liés à l’empaquetage et à l’envoi des cadeaux, ainsi que le temps associé, peuvent vite s’envoler. Vous devez prévoir dans votre modèle économique le coût des articles en eux-mêmes et celui de l’empaquetage et de l’envoi. Voici les questions que vous devez vous poser.

Achats et études des coûts

  • Comment évaluer et choisir la qualité des matières ?
  • Comment repérer un bon fournisseur ?
  • Comment ne pas commander plus que nécessaire ?
  • Quelles sont les bonnes pratiques en matière d’image de marque ?
  • Comment aborder la question du coût de revient ?

Empaquetage et envoi

  • Quels sont les points à ne pas oublier concernant l’empaquetage ?
  • Quels sont les points à ne pas oublier concernant la gestion des envois ?
  • Quel est le délai d’envoi raisonnable ?

Le travail nécessaire pour procéder à l’empaquetage et à l’envoi des cadeaux surprend fréquemment les structures qui sous-estiment les ressources humaines que cela implique. Évaluer le coût des cadeaux au-delà des seuls coûts de production est cependant simple.  Après avoir estimé le volume horaire nécessaire et l’avoir multiplié par le salaire horaire du personnel qui serait chargé de ces tâches, le média canadien The Narwhal a décidé de recruter une personne chargée de gérer l’envoi des cadeaux. Il était clair qu’il était plus rentable pour eux d’avoir recours à une personne payée à l’heure et de libérer le temps de leur personnel afin que celui-ci se concentre sur ce qu’il était le seul à pouvoir faire.

Même dans le cas d’une structure unipersonnelle, comme WTF Just Happened Today, il est important d’estimer les coûts et de tenir ses comptes. Matt Kiser, le fondateur de ce média, a montré à l’équipe de recherche comment il construisait le budget de sa petite publication.

 

Comment WTFJHT, rédaction unipersonnelle portée par ses membres, a construit son budget

Le fondateur se focalise sur seulement trois métriques pour faire ses projections.

Quelle part de nos revenus peut représenter notre programme d’adhésion ?

Le modèle de l’adhésion n’est pas la formule magique qui résoudra la crise financière dans le secteur du journalisme. De plus, il s’agit d’une stratégie relativement nouvelle. Dans l’édition 2019 de l’INN Index, qui est basée sur les informations de médias avec et sans programme d’adhésion, moins de 10 médias ont dit tirer 10 % ou plus de leurs revenus des contributions de leurs adhérents en 2018. 

D’un autre côté, l’équipe de recherche a également vu plusieurs exemples de succès retentissants dans lesquels les programmes d’adhésion étaient une source importante de revenus. En voici quelques exemples : 

  • El Diario tenait 35 % de ses revenus de ses adhérents avant la flambée de COVID-19 en mars 2020 (et 65 % de la publicité). En mai 2020, le site disait désormais gagner plus d’argent avec son programme d’adhésion qu’avec la publicité et pensait que la tendance se confirmerait. 
  • Le programme d’adhésion du VT Digger est passé de près de 10 000 dollars de revenus en 2010 (un an après son lancement) à près de 330 000 dollars en 2017. Vous pouvez voir cette évolution dans le graphique ci-dessous. Consultez cette étude de cas pour en savoir plus. 
  • De Correspondent tirait 78 % de ses revenus de son programme d’adhésion en 2018 et 54 % en 2019 (si on ajoute d’autres formes de revenus issus des lecteurs comme les ventes de livres et les dons, on arrive à un total de 95 % en 2018 et 98 % en 2019).
Crédit : Institute for Nonprofit News et Shorenstein Center (étude de cas sur VT Digger de 2018).

Dans le sondage du Membership Puzzle Project sur les objectifs et le succès d’un programme d’adhésion (Defining Membership Goals and Successes), auquel ont participé 40 médias axés sur les adhérents, les chercheurs ont demandé aux médias quelle part de leurs revenus représentait leur programme d’adhésion. Sur les 31 médias qui ont répondu à cette question, le pourcentage moyen était de 29 % pour l’exercice 2019 et la médiane était de 19 %. La différence entre la moyenne et la médiane s’explique par certains cas particuliers. Cliquez sur “Définir des métriques” pour en savoir plus sur ce sondage.

Le MPP a également demandé la répartition des revenus des structures pour l’exercice 2019. Ci-dessous, vous trouverez un graphique reprenant quelques profils anonymisés correspondant tous à des médias principalement numériques. Trois sont des médias d’Amérique du Nord et deux sont des médias européens. Le MPP a également reçu des informations provenant d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie mais comme elles sont moins nombreuses, elles ne peuvent être partagées sans mettre en danger l’anonymat des répondants car certaines des spécificités de ces médias les rendent facilement reconnaissables.

Illustration de Jessica Phan