L’adhésion n’est pas qu’une source de revenus. C’est un mode de fonctionnement qui influence tous les aspects de votre travail, de la manière dont vous décidez de couvrir l’actualité à la personne que vous embauchez. Bien sûr, il est possible de lancer un programme d’adhésion ou un projet de journalisme aux pratiques participatives sans développer une culture de rédaction axée sur les membres. Mais sans cela, votre stratégie d’adhésion risque de s’essouffler.
Jay Allred, président et éditeur de Richland Source aux États-Unis, résume la situation lorsqu’il parle de comment sa rédaction a lancé son programme d’adhésion en 2015 sans définition claire des canaux de responsabilité ou de communication. “Comme on pouvait s’y attendre, les choses se sont enlisées. On ne comprenait pas pourquoi c’était important. Il n’y avait aucun lien avec quoi que ce soit”, a-t-il déclaré aux chercheurs du MPP. Six ans plus tard, Brittany Schock, responsable éditoriale chargée de l’engagement et des solutions, affirme que l’adhésion a “pénétré l’organisation” et que la rédaction s’est ralliée à l’idée que “l’adhésion est le travail de tous”.
Alors, qui doit être de votre côté au sein de la rédaction pour prendre le virage de l’adhésion ? Qu’est-ce qui est le plus important : une transformation du haut vers le bas de la pyramide ou le contraire ? Ce sont là quelques-unes des questions que le MPP reçoit le plus souvent de la part des médias qui tentent d’intégrer l’adhésion au cœur de leur travail.
Une stratégie d’adhésion qui s’insère clairement dans la vision globale de votre organisation nécessitera un soutien au plus haut niveau, tandis que l’application de cette stratégie, de la conception et mise en œuvre de votre programme d’adhésion au maintien de vos pratiques participatives, sera presque certainement effectuée par l’équipe opérationnelle à d’autres niveaux de votre entreprise. C’est pourquoi il est essentiel de développer une culture axée sur les membres dans l’ensemble de la rédaction si l’on veut que l’idée de l’adhésion prenne.
Créer une culture et/ou changer la culture d’une organisation est incroyablement difficile. Il s’agit de modifier les comportements des individus afin de faire évoluer l’ensemble de la structure. L’instauration d’une culture de rédaction axée sur l’adhésion est particulièrement difficile, car cela exige de mener de front plusieurs chantiers de transformation. Il s’agit de se familiariser avec les données dans un secteur peu à l’aise avec ces dernières ; d’adopter une mentalité de produit itératif sur le long terme dans un secteur qui travaille sur des délais quotidiens et de voir l’intelligence et les points de vue des membres du public comme étant égaux à ceux des journalistes dans un secteur qui a l’habitude de fixer son calendrier seul.
De plus, à une époque où les budgets sont serrés, de nombreuses rédactions doivent réaliser ce changement sans augmenter leurs effectifs.
Mais c’est possible !
Il existe beaucoup d’excellents écrits sur l’importance de la culture, et les chercheurs du MPP en partageront quelques-uns qu’ils recommandent. Ce que le MPP a cherché à faire dans cette rubrique, c’est mettre en évidence ce que l’experte en transformation numérique Lucy Keung appelle les “leviers de changement culturel” – une série coordonnée d’actions qui peuvent, lorsqu’elles sont utilisées collectivement, aider à changer les mentalités – et de fournir des conseils pratiques et réalisables sur quand et comment les actionner.
Vous aurez sûrement besoin de faire appel à ces leviers plus d’une seule fois. Les chantiers de changement de culture seront nécessaires à différents moments du cycle de vie d’une stratégie d’adhésion, et il n’y a jamais de “fin”. Une rédaction en phase de pré-lancement devra faire adhérer les membres sceptiques de l’équipe, tandis qu’une rédaction mature axée sur les membres devra peut-être trouver comment inculquer une “pensée adhésion” aux nouveaux membres du personnel qui viennent d’un média plus traditionnel. Il ne faudra peut-être que quelques mois pour identifier vos premiers soutiens internes et leur donner les moyens d’agir, mais il faudra peut-être deux ou trois ans pour que toutes les personnes de votre rédaction s’intéressent à vos membres et souhaitent entretenir une relation avec eux.
C’est pourquoi vous verrez l’équipe de recherche répéter occasionnellement des propositions tout au long de cette rubrique.
Dans cette rubrique, MPP vous fournira :
• Les meilleures pratiques fondamentales du changement de culture
• Des conseils pratiques pour obtenir l’adhésion des dirigeants
• Des conseils pratiques sur la manière de créer une coalition de soutiens à l’adhésion et de gérer les sceptiques
• Des conseils pour communiquer les projets d’adhésion à votre rédaction
• Des exemples de rituels qui peuvent cimenter la culture d’adhésion
• Des détails sur la façon dont les crises peuvent servir de catalyseur au changement de culture
• Un cadre pour mesurer le changement de culture dans votre média
• Des ressources pour vous aider à surmonter les obstacles courants du changement de culture.
Cette rubrique a été conçue pour vous permettre de trouver rapidement des conseils sur les défis particuliers auxquels vous êtes confronté. Toutefois, si vous planifiez une stratégie pour un changement de culture complet, il peut également être utile de noter que les démarches sont organisées de manière à suivre plus ou moins les étapes du changement de Kotter. Conçu par John P. Kotter, professeur à la Harvard Business School, ce modèle en huit étapes met en évidence les processus-clefs que les organisations doivent suivre pour réussir le changement.
Développer une culture centrée sur les membres
Quelles sont les bonnes pratiques du changement de culture ?
Indépendamment des difficultés particulières rencontrées par les rédactions pour développer une culture axée sur les membres, il existe une poignée de principes fondamentaux que toute rédaction devrait mettre en place.
Établir une définition et un langage communs de l’adhésion. C’est essentiel pour s’assurer que tout le monde fonctionne à partir d’une compréhension partagée et aille dans la même direction. Le langage que vous utilisez pour parler de la transition vers un programme d’adhésion déterminera la façon dont les gens la perçoivent, et si vous n’êtes pas cohérent, vous laissez place à de multiples interprétations qui peuvent rendre la communication difficile.
Expliquez clairement en quoi l’adhésion diffère des autres modèles de revenus et d’engagement que vous auriez pu choisir, tels que les dons et les abonnements, et pourquoi vous l’avez choisie (Voir “Définir l’adhésion”). Prenez le temps de discuter de la façon dont vous allez parler du rôle que les membres joueront dans votre journalisme. Expérimentez différentes façons d’en parler jusqu’à ce que vous trouviez ce qui convient à votre organisation et à votre programme d’adhésion. Une façon de procéder serait de charger un comité interne de soutien de rédiger votre annonce de lancement de l’adhésion et votre FAQ (Voir “Lancement de l’adhésion”). Richland Source, aux États-Unis, demande à tous les membres de la rédaction de rédiger et d’envoyer chaque année un courriel d’appel à l’adhésion à Noël, ce qui les aide à se familiariser avec le vocabulaire de l’adhésion.
Offrez un espace pour les critiques constructives et les préoccupations. La résistance au changement vient souvent du fait que l’on ne se sent pas entendu. Créez des opportunités pour que vos collègues puissent soulever et discuter de leurs préoccupations dans un environnement sécurisé. Ces espaces pourraient inclure : des sessions ouvertes de questions-réponses mensuelles avec la direction ou l’équipe en charge des adhésions ; des “heures de consultation” régulières où le personnel peut soumettre des problèmes ou des questions à l’équipe en charge des adhésions en tête-à-tête. Le fait d’indiquer clairement qu’il existe des espaces dédiés pour partager des critiques constructives signifie également que les sceptiques ne peuvent pas “phagocyter” les moments de communication importants ou de célébration. L’équipe de recherche parle plus en détail de la création de tels espaces dans la section “Comment convaincre les sceptiques et les réfractaires ?”.
Prévoyez un espace pour la pensée créative et les “mauvaises” idées. Le changement est complexe et le parcours vers une politique d’adhésion au sein de votre rédaction est susceptible de comporter de nombreux rebondissements. Faites-leur de la place en prévoyant dans le calendrier des temps structurés pour la réflexion créative, qu’il s’agisse de répondre à des générales telles que “Quelle est la proposition de valeur de notre programme d’adhésion ?” ou de résoudre des problèmes plus ciblés, tels que “Devrions-nous offrir un sac cadeau comme avantage ?”.
Le studio de podcasting sud-africain Volume Africa a déclaré lors d’une présentation au sommet du Membership Puzzle Project que la mise en place de temps structurés pour la créativité était cruciale lorsqu’ils ont réfléchi à leur offre d’adhésion, car cela leur a donné un espace dédié pour trier une multitude d’idées, bonnes comme mauvaises. Paul McNally, cofondateur de Volume, a dit que son équipe avait auparavant hésité à consacrer du temps à la réflexion créative par crainte que les changements d’orientation ne “perturbent toute l’entreprise”.
“Ce dont nous nous sommes rendus compte, c’est que nous pouvions contenir notre créativité [au sein de ces sessions dédiées]… On ne jette pas tout à la poubelle, mais ces sessions nous permettent de continuer à proposer [de nouvelles idées]”, dit-il. “Permettre à la créativité d’entrer dans vos rédactions de manière cadrée, sans créer de peur, est vraiment utile.”
Créer des modèles de processus pour le travail lié à l’adhésion. Une augmentation réelle ou perçue de la charge de travail est un obstacle courant au changement. Pour faciliter la transition, créez une liste d’actions à ne plus faire, une idée que le MPP a déjà empruntée au Milwaukee Journal Sentinel et a été documentée par l’American Press Institute. En retirant certaines choses de la to-do list de votre équipe pour laisser du temps au travail lié au programme d’adhésion, vous signalez à la fois qu’il s’agit d’une grande priorité et prenez acte du fait que leur charge de travail était déjà bien remplie auparavant.
Deuxièmement, envisagez de modéliser autant de procédures que possible afin qu’elles deviennent rapidement aussi routinières que les étapes rédactionnelles auxquelles vos journalistes sont habitués. Cela réduit à la fois la charge de travail et la peur de faire quelque chose de nouveau. Le site allemand Krautreporter, par exemple, utilise plusieurs modèles d’enquête pour permettre à tous ses journalistes d’impliquer facilement les membres du public dans leur travail.
Comment Krautreporter se sert des sondages pour mobiliser, co-créer et se développer
À tout moment, Krautreporter a trois à cinq sondages en cours.
Pour aller plus loin :
- Public Media Mergers Playbook: Managing culture, managing change
Comment s’assurer l’adhésion de la direction au projet ?
Le rôle de la direction en faveur du programme d’adhésion ne consiste pas seulement à embaucher les bonnes personnes et à dédier des fonds dans le budget pour soutenir les actions à mener. La professeure Lucy Keung, experte en transformation numérique qui a travaillé avec des rédactions telles que la BBC, CNN et NPR, explique que le rôle de l’équipe dirigeante dans la définition des normes et l’incarnation des priorités “est très important car les personnes au sommet qui n’adhèrent pas à la stratégie donnent un ‘va-tout’ pour faire de même à ceux plus bas hiérarchiquement”.
Si vous êtes la personne de votre rédaction chargée de mettre en œuvre la stratégie d’adhésion mais que vous n’avez pas l’appui de la direction dont vous avez besoin, le MPP suggère d’appliquer le processus en trois étapes de Hearken pour obtenir des soutiens en faveur de plus d’engagement. Vous trouverez ci-dessous une façon d’adapter ce référentiel aux spécificités de l’adhésion :
Étape 1 : Soyez curieux
Hearken écrit : “Si vous ne savez pas pourquoi [les dirigeants] voudraient essayer l’engagement, il est simplement temps de leur demander. Découvrir les motivations des gens est l’une de ces compétences que les journalistes ont perfectionnées tout au long de leur carrière. Il n’y a aucune raison que vous ne puissiez pas mettre ces compétences à profit dans votre propre rédaction. Soyez curieux de savoir sur quoi les gens travaillent, ce dont ils ont besoin et ce qui leur pose problème.”
En adaptant ce conseil à l’adhésion, le MPP recommande de poser des questions telles que : “Comment l’adhésion s’inscrit-elle dans les objectifs de notre organisation ? Comment pourrait-elle résoudre certains de nos problèmes d’audience et de revenus ? Qu’est-ce qui vous inquiète dans cette évolution vers l’adhésion ?”
Étape 2 : Présentez votre argumentaire
Hearken conseille d’utiliser seulement cinq diapositives pour un argumentaire en faveur de l’engagement, en répondant à cinq questions-clefs :
- Pourquoi vous proposez l’idée
- Quels publics seront servis (et que vous n’atteignez pas en ce moment) grâce à la mise en place de cette idée
- Ce que cette idée vous apportera que vous n’avez pas actuellement.
- À quoi ressemblera le succès de l’opération
- Quand et comment le travail sera effectué.
Lorsque vous présentez un projet d’adhésion aux dirigeants, il est important d’être réaliste quant à la date à laquelle ils verront des résultats et au volume de ressources nécessaires pour les atteindre. Vous devez être prêt à répondre à des questions telles que : “Si ce journaliste vous aide à répondre aux appels à témoignages, qui va faire son briefing hebdomadaire ?”
Étape 3 : Donnez le “ton”
Hearken souligne que l’engagement est un processus, pas un produit. On peut dire la même chose de l’adhésion. Après cette première présentation, continuez à appuyer votre argumentaire en tentant de petites expérimentations qui montrent l’intérêt de l’adhésion, par exemple une enquête pour recueillir des données sur vos publics fidèles. N’oubliez pas de faire part à la direction de ce que vous avez appris de chaque test. (Passez à “Adopter la pensée produit” pour en savoir plus sur cette phase de test).
Lorsque le Daily Maverick en Afrique du Sud a réalisé que son infrastructure technologique ne serait pas prête à temps pour le lancement prévu d’un programme d’adhésion complet, ils ont décidé de lancer une campagne de dons pour tester certaines de leurs hypothèses-clefs, à savoir si, pourquoi et combien de lecteurs fidèles les soutiendraient financièrement. Ils ont obtenu des informations importantes qui ont influencé la conception de leur programme d’adhésion, qu’ils ont lancé quelques mois plus tard, et ont prouvé à la direction et au reste de la rédaction qu’ils étaient sur la bonne voie.
Comment le Daily Maverick a testé ses hypothèses d’adhésion avant le lancement du programme
Il a profité d'un retard du lancement de son programme d'adhésion pour trouver les réponses au sujet de ses lecteurs potentiels.
Pour aller plus loin :
- Reuters Institute for Journalism, Lucy Keung: Hearts and Minds: Harnessing Leadership, Culture, and Talent to Really Go Digital
Comment créer une coalition de volontaires ?
Parfois, vous pouvez être confronté au scénario inverse : vous êtes un dirigeant, ou votre organisation a un dirigeant, qui est entièrement acquis à l’adhésion mais qui manque de soutien parmi ceux qui seront chargés de mettre en œuvre la stratégie d’adhésion.
Pour obtenir ce soutien de niveau intermédiaire, vous devez d’abord identifier les personnes qui sont déjà attirées par les idées et les pratiques de l’adhésion, ou du moins qui sont curieuses et veulent en savoir plus. Plutôt que d’essayer de convaincre tout le monde en même temps, concentrez-vous sur la création d’une coalition de volontaires, ceux qui sont prêts à expérimenter de nouvelles façons de travailler. En débutant avec une poignée de personnes sur des projets plus petits, vous pouvez commencer à recueillir des éléments permettant de valider le concept. Ils peuvent être utilisés pour embarquer les sceptiques. Vous pourrez mettre en avant les adeptes de la première heure et les résultats de leur travail et dire : “Vous voyez, ça marche !”.
Voici les étapes de base pour créer votre propre coalition de volontaires au sein de votre média :
Réaliser un audit culturel et cartographier vos parties prenantes. Avant de pouvoir procéder à des changements, vous devez avoir une bonne connaissance de la culture actuelle et de la place des membres de votre coalition dans l’organigramme. Cela vous aidera à comprendre l’ampleur du défi auquel vous êtes confronté, le potentiel de changement et les domaines/individus qui représentent des opportunités/points de friction. Lorsque vous créez votre coalition de volontaires, vous cherchez à identifier les adeptes de la première heure : ceux qui sont déjà enthousiastes ou du moins, qui croient qu’un changement est nécessaire.
Le récent rapport de la WAN-IFRA sur le changement culturel conseille de diffuser un questionnaire destiné au personnel portant sur deux grands sujets : la mission et la vision. Le MPP recommande également de poser des questions plus spécifiques sur leurs ressentis vis-à-vis de l’adhésion.
Les questions de cette enquête d’audit culturel, réalisée en groupe ou de manière asynchrone à l’écrit, peuvent inclure :
- Pourquoi existons-nous en tant qu’organisation ?
- Quelle est la proposition de valeur de l’entreprise ? (Voir “Quelle est la proposition de valeur de notre rédaction ?”)
- Qu’est-ce qui vous enthousiasme dans l’idée de démarrer un programme d’adhésion pour notre rédaction ?
- Qu’est-ce qui vous inquiète dans le fait de démarrer un programme d’adhésion pour notre rédaction ?
- Comment pensez-vous que l’adhésion affectera votre travail ?
Les réponses à ces questions devraient vous aider à identifier les personnes les plus ouvertes aux méthodes de travail participatives (pour obtenir des conseils sur la synthèse des résultats d’une enquête, voir “Comment pouvons-nous tirer des informations utiles de notre étude d’audience ?”). Soyez à l’affût des réponses qui :
- Placent les publics au centre de la mission, de la vision et de la proposition de valeur du média
- Expriment de l’enthousiasme à l’égard du projet de programme d’adhésion au sein du média, au-delà du fait qu’il s’agit d’une nouvelle source de revenus
- Témoignent d’une attitude positive à l’idée d’essayer de nouvelles choses qui n’ont pas de réponses évidentes ou faciles.
À ce stade, il est fréquent que les rédactions remarquent des écarts importants entre ce que leurs journalistes pensent être leurs publics et ce qu’ils sont réellement. Identifier cet écart de manière non accusatrice est un bon moyen de cultiver la curiosité à l’égard des publics et l’ouverture à de nouvelles façons de travailler avec eux, en particulier si l’exercice révèle un écart important. Javier Borelli, coach du MPP, a créé un exercice autour des hypothèses sur les publics et du changement de culture de rédaction, qu’il a d’abord expérimenté avec Tiempo Argentino en Argentine, où il était président.
L’exercice est simple : vous posez d’abord quelques questions aux membres de votre équipe sur vos publics, puis vous confirmez ou infirmez leurs hypothèses au moyen d’une enquête d’audience. L’étape finale consiste à présenter à votre rédaction les deux séries de données, en axant la discussion sur les principales différences.
Réaliser un audit culturel de ce type présente l’avantage supplémentaire de montrer au personnel les pensées et les sentiments réels de vos publics, ce qui peut être un outil précieux pour remettre en question les hypothèses inefficaces ou dépassées qui ont été évoquées.
Maintenant que vous avez identifié votre coalition de volontaires, voici ce qu’il faut faire avec eux.
Célébrer le travail des adeptes de la première heure. Une fois que vous les avez identifiés, il ne suffit pas de les laisser mener vos tests liés à l’adhésion. Vous devez également mettre en évidence les enseignements que votre organisation tire de ces expériences, qu’elles aient réussi ou non (Voir “Comment devons-nous communiquer nos plans d’adhésion en interne ?”). Lorsque Richland Source aux États-Unis participait à l’accélérateur de programmes d’adhésion de Facebook, les membres de l’équipe qui participaient à l’accélérateur partageaient ce qu’ils avaient appris avec le reste de la rédaction lors de leurs réunions éditoriales hebdomadaires.
Si vous êtes le manager d’un de ces “adeptes”, assurez-vous que vous lui réservez du temps dans son calendrier pour ce travail, et que vous ne faites pas qu’ajouter à sa charge de travail habituelle (un exercice de “cessation d’activité” peut aider à identifier les tâches qui pourraient être abandonnées pour faire place au travail lié à l’adhésion).
Donnez aux adeptes de la première heure une place aux premières loges dans le développement de la stratégie d’adhésion, y compris dans la prise de décision interne et les interactions avec les membres. En faisant cela, vous aurez plus d’ambassadeurs dans la rédaction. Pour leur donner un aperçu du processus décisionnel interne, vous pouvez envisager de créer des groupes de travail sur l’adhésion ou de petits comités internes chargés de relever certains défis, de répondre à de grandes questions ou de mener à bien des projets, comme le choix d’une plateforme permettant d’organiser des discussions fructueuses avec les membres. Voir ici un exemple de la façon dont le Bristol Cable au Royaume-Uni gère sa stratégie d’adhésion grâce à la mise en place de petits comités interdisciplinaires.
La gestion coopérative du programme d’adhésion du Bristol Cable
Pour éviter une structure hiérarchique contraire à son modèle coopératif, le Bristol Cable s'organise selon un modèle circulaire.
Pour éviter une structure hiérarchique qui irait à l’encontre de son modèle coopératif, les équipes du Bristol Cable sont organisées selon un modèle circulaire de dotation en personnel.
En France, Mediacités est allé encore plus loin en créant des groupes de travail composés de personnel et de membres. Chaque groupe de travail comprend entre trois et six membres, deux membres de l’équipe permanente de Mediacités et le chargé de la mobilisation des lecteurs de Mediacités, Pierre Leibovici. Ils ont actuellement trois groupes de travail, chacun se concentrant sur une question différente : l’égalité de genre dans les articles et au sein de leur équipe, les changements dans leur manuel de style éditorial, et la transparence sur la façon dont leur journalisme est produit. Selon M. Leibovici, les questions sont discutées et débattues par le personnel et les membres avant que les décisions ne soient prises. “Ces conversations changent la façon dont le personnel perçoit qui sont les membres”, dit-il.
Pour donner aux adeptes de la première heure un aperçu des interactions avec les membres, vous pourriez envisager d’ajouter un bot Slack qui publierait une annonce à chaque nouvelle adhésion. De nombreuses rédactions étudiées par le MPP ont une question sur le formulaire d’inscription des membres qui demande “Pourquoi avez-vous adhéré ?”. La réponse pourrait également apparaître avec la notification concernant le membre dans Slack. Ces brèves donneront à votre équipe une idée de ce qui motive vos membres.
Si vous êtes en phase de pré-lancement, veillez à partager les résultats de votre enquête sur la viabilité de l’adhésion avec l’ensemble de votre équipe. (Voir “Comment l’étude d’audience permet-elle de déterminer la viabilité d’un programme d’adhésion ?”) Si vous faites passer des entretiens à des membres potentiels, vous pouvez inviter des salariés qui ne font pas partie de l’équipe d’adhésion à y participer afin qu’ils puissent les rencontrer directement. Chez Daily Maverick en Afrique du Sud, l’équipe chargée des adhésions a donné à l’équipe éditoriale un aperçu des possibilités offertes par les interactions avec les membres, en mettant en avant des experts parmi leurs membres qui pourraient être des sources utiles aux journalistes.
Créez des moments d’échanges avec des intervenants externes. Vous savez sûrement ce que c’est de dire à un proche la même chose à maintes reprises sans qu’il ne le comprenne jusqu’à ce qu’un jour, il se tourne vers vous et dise qu’il en a entendu parler par quelqu’un d’autre et qu’il veut maintenant en être. La même chose se produit souvent au travail, alors si vous essayez d’inspirer ou de galvaniser votre coalition de volontaires, pensez à organiser une série de conférences avec des intervenants extérieurs ou des confrères travaillant dans ce domaine.
En 2019, le Membership Puzzle Project a fait une série de présentations et d’ateliers avec le personnel du Daily Maverick pour mettre en évidence la façon dont d’autres médias d’investigation travaillaient avec leurs publics. Ces présentations ne doivent cependant pas nécessairement provenir du MPP. Consultez la rubrique des études de cas du Guide de l’adhésion pour trouver des rédactions comparables ou inspirantes, ou consultez cette étude sur quatre rédactions dans le monde qui créent des communautés de membres qui fonctionnent bien.
Vous pouvez également envoyer votre équipe à des conférences sur le journalisme, où elle pourra rencontrer d’autres personnes enthousiastes au sujet de l’adhésion et apprendre d’elles.
Ou, comme souligné ci-dessus, vous pourriez leur donner la possibilité d’entendre directement l’avis des publics. Lorsque Mediacités se préparait à lancer son programme d’adhésion en 2019, le chargé de la mobilisation des lecteurs, Pierre Leibovici, a organisé une série de groupes de discussion dans les quatre villes où le média œuvre (Lille, Lyon, Toulouse et Nantes). Les équipes locales de Mediacités ont chacune été invitées à y participer. Pour certains membres de l’équipe, c’était la première fois qu’ils rencontraient un lecteur en personne.
Ensuite, M. Leibovici a organisé des ateliers internes avec le personnel pour créer une définition partagée de l’adhésion à Mediacités, basée sur ce que l’équipe avait entendu de la part des lecteurs. M. Leibovici a également utilisé cette méthode pour identifier les premiers enthousiastes dans la rédaction, et a ensuite conçu de petites expériences avec eux, comme le lancement d’une nouvelle newsletter. “Tout était expérimental, [mais] si cela fonctionnait, c’était la preuve que l’adhésion pouvait fonctionner et être adaptée”, raconte-t-il.
Faites de vos premiers adeptes des formateurs. Une fois que vos premiers alliés sont capables d’exécuter de manière autonome les tâches liées à l’adhésion qui leur incombent, associez-les à des projets avec d’autres membres de l’équipe ou donnez-leur la possibilité de diriger des formations pour la rédaction. Dans un entretien récent avec Splice Media, Jane Mahoney de Private Media en Australie a expliqué qu’elle créait une “équipe interne de volontaires” dans le cadre de ses efforts de mise en place d’une culture plus axée sur les données dans les médias où elle travaille.
Ces volontaires, qui ont répondu à un appel à candidatures sur Slack, recevront une formation supplémentaire sur Parse.ly, la plateforme logicielle de données utilisée par Private Media, et deviendront des super-utilisateurs qui disposeront d’un canal Slack #TeamParsely pour partager des idées et poser des questions. Pour Mme Mahoney, l’objectif est de créer, au sein de l’organisation, un groupe de personnes qui sont à l’aise avec les données et qui peuvent partager leurs connaissances avec le reste du groupe.
Lorsque Richland Source a participé à l’accélérateur de programmes d’adhésion de Facebook en 2018, Brittany Schock, à l’époque journaliste et responsable éditoriale adjointe, a été ajoutée à l’équipe de l’accélérateur. Mme Schock a déclaré qu’elle s’est d’abord sentie profondément mal à l’aise, croyant que l’adhésion était « un truc de vente”, et ne comprenait pas pourquoi elle était là.
Mais très vite, elle s’est rendu compte que “les gens adhèrent en raison de ce que nous faisons dans l’équipe éditoriale… Je suis retournée à la rédaction et je leur ai dit ‘c’est votre travail, voilà pourquoi vous devriez vous y intéresser’”. Et le message a eu de l’écho parce qu’il venait de l’intérieur de l’équipe éditoriale. “[Le message était] ‘Je suis l’une d’entre vous’, plutôt qu’un mandat venant de l’équipe commerciale”, explique Mme Schock.
Pour aller plus loin :
- WAN-IFRA: Burn the ships: A guide to igniting culture change for news media companies
- Splice Pink (série de podcasts): 5 steps towards change management in newsrooms
Comment communiquer vos plans d’adhésion en interne ?
Federica Cherubini, directrice des programmes de leadership au Reuters Institute for Journalism et coach du Membership Puzzle Project, affirme que le changement de culture est à 80 % une question de communication : “L’équipe chargée de l’adhésion est plongée dans la réflexion sur le programme toute la journée. [Mais] ce n’est pas le cas du reste du personnel, et vous devez l’embarquer avec vous dans ce voyage”.
Tout effort de changement de culture doit tenir compte de la manière dont vous prévoyez de communiquer vos intentions au reste de votre organisation, pas seulement au début et à la fin du travail, mais tout au long du processus. Les gens ne peuvent pas adhérer à quelque chose qu’ils ne connaissent pas ou ne comprennent pas, et les mettre devant le fait accompli en leur présentant des mois de travail quasi-fini peut saper vos efforts, même si l’intention était d’éviter de submerger une équipe qui dispose de peu de temps.
La communication a peu de chances d’atteindre son objectif, qui est d’amener votre équipe à vous suivre, si elle est effectuée de manière désordonnée. Cette section présente des stratégies à adopter pour établir une communication interne solide.
Écrivez un plan de communication interne
Cela peut se faire à n’importe quel moment du chemin de votre rédaction vers l’adhésion, que vous soyez en phase de pré-lancement et que vous présentiez l’idée d’un programme d’adhésion pour la première fois, ou que vous ayez un programme d’adhésion plus mature qui nécessite un plus grand soutien des équipes du média afin d’atteindre vos objectifs.
Votre plan de communication interne doit inclure les éléments suivants :
- À quelle fréquence vous communiquerez avec la rédaction au sujet du programme d’adhésion : Choisissez un rythme régulier pour la communication et respectez-le.
- Le(s) format(s) de cette communication : Envisagez des canaux tels que les réunions générales, les newsletters internes, les articles de blog sur l’intranet ou les canaux Slack visibles par toute l’entreprise.
- Auprès de qui vous communiquerez et quand : Tout le monde dans votre organisation est partie prenante dans le changement de culture, mais il est utile de communiquer avec différents groupes à différentes étapes.
- Le type d’informations que vous communiquerez, et leur granularité : Chaque fois que vous communiquez, demandez-vous : quel message essayons-nous de transmettre ? Lorsque vous envisagez la granularité, vous essayez de trouver un équilibre entre la transparence et le risque de submerger les gens. Posez-vous la question suivante : Cette information va-t-elle affecter les personnes auxquelles je m’adresse ? Que peuvent-ils faire de ces informations ? Cela entraînera-t-il un changement d’attitude ? L’équipe de recherche vous en dira plus ci-dessous sur les types d’informations que vous pourriez inclure.
- Vos plans pour demander un retour d’information et/ou une participation à la prise de décision: Communiquer régulièrement avec l’ensemble du personnel est inutile si vous ne leur donnez pas les moyens de donner leur avis et de poser des questions. Gardez à l’esprit que tout le monde ne se sentira pas à l’aise pour partager ses idées publiquement, alors envisagez d’inclure des canaux de communication confidentiels et/ou d’encourager les sollicitations individuelles en organisant des heures de consultation et en répondant rapidement et de manière réfléchie aux commentaires via les mails ou Slack. Pour des conseils sur la façon de s’assurer que les voix critiques ne submergent pas les forums de feedback, voir “Comment convaincre les sceptiques et les réfractaires ?”.
- Qui sera responsable de la communication: Les rédactions choisissent souvent des membres de l’équipe de direction pour mener leurs efforts de communication, ce qui est logique étant donné le rôle important que jouent les dirigeants d’un média dans la définition des normes culturelles. Mais vous pouvez également envisager de faire appel aux membres de votre coalition de premiers soutiens, qui peuvent demander l’adhésion de leurs pairs.
Dans les rédactions que le MPP a étudiées, les bulletins d’information internes ont joué un rôle important dans la communication avec l’équipe éditoriale au sujet de l’adhésion. Voici quelques exemples d’informations que vous pourriez inclure dans une newsletter interne pour appuyer le changement de culture :
- Les jalons atteints (ou reportés) : Il peut s’agir de l’avancement d’un travail stratégique important (par exemple, la réalisation d’une étude d’audience ou d’un nouveau plan marketing), du lancement d’un nouvel avantage ou de développements importants concernant l’infrastructure technologique du programme. N’oubliez pas de signaler les retards ou les changements et d’en expliquer la raison. Si vous ne respectez pas les délais sans en expliquer la raison, vous risquez de donner l’impression d’être moins engagé qu’avant dans la transition vers l’adhésion.
- Les principaux indicateurs d’adhésion pour cette semaine, ce mois ou ce trimestre : Les indicateurs de croissance, de revenus, de fidélisation et d’engagement peuvent tous convenir (pour en savoir plus sur les indicateurs d’adhésion à utiliser, voir “Définir des métriques”).
- Célébrer les petits pas réussis du changement de culture : Peut-être qu’un nouvel avantage a été adopté à la suggestion d’un employé et que les membres en sont ravis, ou qu’un journaliste a envoyé sa première newsletter aux membres. Célébrer ces petits moments soulignera le fait que l’adhésion est un effort de toute l’équipe, et vous aidera à maintenir un sentiment de dynamisme entre les grandes étapes. Au Daily Maverick, la directrice générale Fran Beighton partage les moments de ce qu’elle appelle “Insider Ecstasy” ou “l’extase de l’initié”, des instants où un membre rend possible quelque chose qu’il n’aurait pas pu accomplir autrement. Par exemple : lorsqu’ils ont été en mesure d’organiser un panel de dernière minute sur le coronavirus au tout début de la pandémie parce qu’ils avaient un virologue dans leur base de données d’expertise des membres.
- Des retours qualitatifs de la part des membres : Il peut s’agir de commentaires reçus de la part des membres sur ce qu’ils apprécient dans le fait d’être membre, ou sur l’impact qu’un exemple de votre journalisme soutenu par les membres a eu sur leur vie. Par exemple, chez De Correspondent aux Pays-Bas, l’équipe de soutien aux membres rédige un rapport hebdomadaire sur ce que les membres leur disent, qui est envoyé à toute l’organisation.
- Nouvelles embauches liées au travail d’adhésion : Les tâches quotidiennes de ces rôles sont souvent floues pour le personnel éditorial. Assurez-vous de leur faire part de leurs responsabilités et de ce qui est attendu d’eux en matière de collaboration avec le reste de l’équipe.
- Comment faire des retours : L’équipe peut avoir des idées et/ou des questions en réponse à ce qu’ils lisent dans les bulletins d’information. Soyez clair sur la meilleure façon de les communiquer.
Au sein d’El Faro au Salvador, une newsletter interne a été un outil important pour promouvoir une culture qui priorise les publics. Les revenus issus des lecteurs ne représentent actuellement qu’une petite partie du chiffre d’affaires d’El Faro, et convaincre la rédaction de la valeur potentielle de l’adhésion a été un défi.
Mais après une discussion lors d’une réunion générale où le personnel a pu faire savoir le type d’informations sur l’adhésion qu’il souhaitait recevoir, un bulletin interne bimensuel est désormais envoyé pour présenter les détails de la stratégie d’audience de la rédaction et les principales métriques de l’adhésion. Cette newsletter est complétée par un créneau de 30 minutes dans la réunion bimensuelle de l’ensemble de la rédaction pour discuter de la stratégie d’adhésion, créant ainsi une autre occasion régulière de mettre le programme d’adhésion au premier plan.
Vous trouverez ci-dessous un exemple de la manière dont KPCC, aux États-Unis, a communiqué auprès de son personnel après avoir remporté un prix du journalisme engagé de l’Online News Association en octobre 2020. Notez comment la directrice des contenus, Kristen Muller, utilise cet e-mail pour :
- Féliciter le personnel, de manière générale et spécifique.
- Souligner l’impact du journalisme engagé de KPCC sur la mission du média et sur le secteur du journalisme en général
- Offrir un canal dédié pour une discussion plus approfondie avec la direction sur l’orientation de KPCC à travers ce type de travail.
C’est un bon exemple de plusieurs leviers de changement de culture actionnés en même temps (le MPP s’est permis de mettre certains éléments en avant).
Sujet: Nous avons gagné un autre prix et il est particulièrement significatif
Bonjour et félicitations à tous les fans des Dodgers présents dans la salle !
Nous voulons féliciter la rédaction pour son TROISIÈME prix OJA cette année, cette fois pour notre journalisme d’engagement. Nous avons également gagné avec STUCK : à la fois pour l’excellence de la narration audio et le journalisme d’investigation. C’est la première fois que nous remportons trois prix OJA à la fois ; il y a de quoi célébrer ! Nous porterons un toast virtuel ce vendredi à 16 heures (vous devriez avoir reçu une invitation dans vos calendriers).
Le prix Gather est le seul prix national récompensant le journalisme engagé, et ce dans deux catégories : excellence globale et micro-rédaction. Il a été lancé l’année dernière et nous l’avons remporté deux fois, devançant cette année l’Alabama Media Group, le Marshall Project et La Nación. La candidature de cette année mettait en avant l’approche du service d’assistance, le lien créé avec les familles par courrier direct, la formulation de nos missions, notre reportage sur l’école des arts d’Orange County et nos contenus électoraux, Voter Game Plan 2020. Elle reflète toutes les façons dont nous avons collectivement adopté l’engagement et n’avons pas travaillé en silos comme tant de rédactions.
Plus important encore, le prix de l’engagement est une reconnaissance officielle de la mutation du journalisme dont nous sommes les précurseurs.
Traditionnellement, les organismes d’information ont maintenu la confiance de leur public en renforçant l’autorité professionnelle. Pensez à cette scène dans Les hommes du président ou Pentagon Papers, où un groupe d’hommes, blancs pour la plupart, s’assoit autour d’une table pour décider de ce que les gens doivent savoir. Cette pratique exigeait l’“objectivité” et les journalistes étaient encouragés à maintenir une distance avec leurs communautés. L’engagement avec le public est quelque chose qui se faisait après la publication d’un article, généralement en sollicitant des commentaires ou, plus récemment, des “j’aime” et des retweets sur les réseaux sociaux.
C’est le type de journalisme que beaucoup d’entre nous ont pratiqué durant la majeure partie de leur carrière. Mais il a ses limites : pendant de nombreuses années, l’objectivité a été définie de manière étroite par les détenteurs du pouvoir, principalement des hommes blancs. Elle part du principe que les journalistes savent ce qui est le mieux pour le public et que les lecteurs et les auditeurs s’identifieront à nos papiers, même s’ils sont écrits par des personnes qui ne connaissent pas leurs expériences vécues.
Au cours des dernières années, la SCPR a cherché à tracer une nouvelle voie pour le journalisme. Cela rappelle le mouvement Muckraker des années 1920, où les reporters définissaient et traitaient les problèmes sociaux. Nous reconnaissons que nous sommes partie prenante de la santé de notre ville. Nous cherchons à améliorer le monde et à mettre en évidence les solutions plutôt que simplement observer ce qui ne fonctionne pas. Nous encourageons la participation du public à l’identification des problèmes et demandons l’aide des membres de la communauté pour en rendre compte. Nous valorisons le débat civique, la participation démocratique et reconnaissons l’existence du racisme systémique et du changement climatique.
Le travail de Carla Javier sur l’article sur l’OCSA illustre comment le journalisme engagé produit un journalisme porteur de sens. Elle souligne qu’il aurait été très difficile de trouver des personnes qui n’ont pas été admises dans l’école sans l’aide de l’équipe d’engagement et d’une stratégie pour demander à ces personnes de venir nous voir. Ces voix ont ajouté beaucoup de profondeur à l’histoire. Carla savait également qu’il s’agissait d’un sujet qui passionnait les gens et elle savait que des réactions négatives étaient probables. C’est pourquoi elle a veillé à ce que le projet comprenne une explication claire de l’origine des informations, afin d’instaurer la confiance, même avec les lecteurs et les auditeurs qui n’étaient pas heureux de voir l’école examinée de près. Maintenant que ce lien est là, elle déclare : “Tous les gens qui étaient furieux me renseignent maintenant sur d’autres choses.”
L’autre jour, Libby a réalisé un reportage spécifiquement parce que la question avait été posée à plusieurs reprises par des lecteurs. Comme elle l’explique, avec la quantité de bruit créée dans ce cycle électoral par la désinformation, il est difficile de savoir ce qui fait écho à la vie des gens ou les inquiète. Elle a déclaré qu’elle était heureuse d’être en mesure de mettre les faits au clair concernant les observateurs de bureaux de vote, sachant que c’était un service rendu aux électeurs potentiels.
Cela va directement dans le sens d’un point essentiel soulevé par Jay Rosen, professeur à New York University, dans l’émission On The Media cette semaine : nous vivons une urgence civique. Nous devons nous concentrer sur les besoins en information des personnes que nous servons, et rechercher des faits et des preuves. En travaillant avec les communautés que nous couvrons, et en rendant compte de manière juste et précise des défis auxquels sont confrontés les Californiens du Sud, nous pouvons pleinement remplir notre mission.
Au cours des prochaines semaines, notre démocratie sera mise à l’épreuve comme elle ne l’a pas été depuis une génération. Restez fidèles à nos valeurs, placez les besoins d’information de nos communautés au coeur de vos actions et soyez bons les uns envers les autres.
Pour rappel, Kristen organisera des réunions en petits groupes/sessions de questions-réponses pour toute personne souhaitant en savoir plus sur ce que nous avons accompli et sur ce que nous allons faire. Inscrivez-vous ici.
Merci à tou.te.s pour leur travail acharné et leur résilience,
Kristen, Megan et Ashley
Une fois que vous avez élaboré votre plan de communication, partagez-le avec votre personnel afin qu’il sache à quoi s’attendre et, surtout, suivez-le, même si vos plans d’adhésion sont retardés ou prennent une tournure inattendue. La cohérence et la régularité sont essentielles ici ; votre plan doit inclure la façon dont vous communiquerez lorsque vous n’aurez rien à dire !
Lorsque 444.hu en Hongrie, s’apprêtait à lancer son programme d’adhésion, les dirigeants ont freiné le ralliement de la rédaction à ce projet déjà complexe parce qu’ils n’ont pas communiqué avec le reste du personnel sur les raisons du retard du lancement de l’adhésion.
Le cofondateur Gábor Kardos a déclaré que les retards étaient justifiés ; l’équipe de direction ne pouvait pas encore consacrer de ressources à la mise en œuvre de la stratégie et au lancement. Mais en faisant une grande annonce d’entreprise sur leurs plans d’adhésion, puis en gardant le silence pendant des mois, ils ont laissé la rédaction douter de l’engagement de la direction et de sa foi dans le projet.
Un plan de communication interne solide a joué un rôle clef dans le rétablissement de la confiance du personnel après ces premiers faux pas.
444 venait de lancer son programme d’adhésion au moment de la publication de cet article et le MPP partagera bientôt une étude de cas détaillée sur leur plan de communication interne, une fois que suffisamment de temps se sera écoulé pour que l’équipe de 444 puisse évaluer et partager les résultats. (Ils ont également parlé de ce processus lors du sommet MPP d’août 2021)
Mettre des petits rituels en place
Un plan de communication guidera les temps forts réguliers et programmés. Mais ces communications formelles peuvent être soutenues par des interventions plus petites, continues et souvent automatisées, des pratiques que le MPP appelle des rituels.
Une phrase revient souvent au MPP : “Ce qui devient routine devient culture”. Rendre quelque chose routinier, c’est l’empêcher d’être mis de côté lorsque quelque chose d’inattendu se présente, ce qui arrive trop souvent dans le secteur du journalisme, où le cycle de l’actualité détermine le quotidien.
Les rituels sont un moyen de cultiver la routine, et si vous essayez de créer un média aux pratiques participatives ou d’orienter votre rédaction dans ce sens, il est important de mettre en œuvre ces petites actions régulières qui permettent à tous les membres de votre équipe, et pas seulement à ceux qui travaillent directement avec les membres, de garder le programme d’adhésion en tête.
Un rituel qui fait grandir la culture d’adhésion en interne doit :
- Se produire à une cadence régulière.
- Être facilement répété. Les rituels doivent être automatisés ou modélisés autant que possible.
- Se dérouler entre les principaux points de contact, comme les réunions d’équipe.
Vous pouvez envisager des rituels tels que :
- Assurer que votre rédaction entière sache quand un membre adhère et pourquoi : Comme nous l’avons mentionné précédemment, de nombreuses rédactions étudiées par MPP ont un canal Slack pour l’ensemble de l’équipe qui est relié à leur CRM des adhérents ou à leur outil de paiement, de sorte qu’il est mis à jour chaque fois qu’un membre s’inscrit. Ce type de rituel est particulièrement efficace si l’inscription comprend un endroit où votre membre peut indiquer pourquoi il ou elle a adhéré, et que ce champ se reporte sur Slack. Veillez à taguer régulièrement les journalistes et les responsables éditoriaux lorsque leur travail est cité comme raison d’une adhésion. Richland Source, aux États-Unis, va encore plus loin en utilisant son Slackbot automatisé pour mettre en relation le personnel et les nouveaux membres : chaque fois qu’un membre adhère, les journalistes sont invités à lui envoyer une note de remerciement.
- Mettre en avant l’impact de votre travail auprès des membres : Il peut s’agir d’un compteur dans la rédaction indiquant le nombre d’articles que vous co-produisez avec les membres chaque mois ou de la “conversation du mois” d’un forum ou d’une plateforme communautaire utilisé par votre média. The Tyee au Canada a ouvert un canal Slack appelé #impact-moments dans lequel le personnel peut partager des moments où les reportages soutenus par les membres de The Tyee sont cités dans le monde : à la Chambre des communes, par exemple. Le Tyee utilise ces “moments d’impact” dans les appels aux membres, ce qui montre aux reporters les liens entre leur journalisme et la croissance du nombre de membres.
KPCC en Californie suit l’impact de son travail de fidélisation en ajoutant un tag dédié à tous ses reportages qui ont pour origine la curiosité du public ou qui impliquent des membres du public d’une manière ou d’une autre. Ils ont également créé des tableaux de bord “loyaux et locaux” pour leurs journalistes afin de suivre les métriques de fidélité des articles qu’ils produisent. Le tableau de bord indique le nombre d’utilisateurs fidèles par papier (ou les personnes ayant effectué au moins trois sessions Web sur une période de 30 jours) et le compare au nombre médian d’utilisateurs fidèles pour leurs articles. Ainsi, les journalistes ne voient pas seulement “500 utilisateurs fidèles”, mais plutôt “500 utilisateurs, c’est 20 % de plus ou de moins que votre médiane pour les six dernières semaines”.
La vice-présidente de l’engagement communautaire et des initiatives stratégiques, Ashley Alvarado, dit que ces rituels ont révélé que les articles réalisés grâce à la participation ont des minutes plus engagées, et des lecteurs plus fidèles et locaux que les autres histoires. Ils sont donc plus susceptibles de devenir membres. Elle explique : “Donc, on pourrait dire ‘Hé, ces articles contribuent à notre résultat net et donc c’est une autre raison de le faire”.
Megan Garvey, rédactrice en chef, et Patrick Dougall, responsable de l’audience et du développement, ont travaillé avec les journalistes de KPCC sur la manière d’intégrer le tableau de bord dans leur quotidien. Mme Garvey encourage les journalistes à se concentrer sur cette métrique de fidélité, avant tout, lorsqu’ils évaluent la performance des articles.
Comme l’explique M. Dougall : “Nous avons essayé d’éduquer les membres de la rédaction pour qu’ils sachent que nous ne cherchons pas tant une énorme quantité de trafic pour leurs articles individuels. Il s’agit plutôt de savoir combien de personnes sont fidélisées. Ensuite, nous nous efforçons d’utiliser une grande partie de cette loyauté [des membres de l’audience] envers un journaliste spécifique pour proposer des demandes d’adhésion plus ciblées.”
Pour aller plus loin :
- Sommet du Membership Puzzle Project, table ronde : “How two newsrooms overcame internal membership challenges”
Comment les moments de crise peuvent-ils participer à créer une culture de l’adhésion ?
Les moments de crise créent d’énormes opportunités pour le changement de culture, car les modes de pensée et d’action traditionnels sont “débloqués” et les gens sont obligés d’adopter de nouveaux comportements. De nombreuses rédactions interrogées par le MPP ont constaté que la pandémie de COVID-19 a agi comme un levier de changement majeur. La réponse massive aux appels aux questions du public a rapidement eu raison de la résistance des rédactions à ce type de reportage basé sur l’engagement, même dans les médias qui tentaient d’avancer dans ce domaine depuis des années.
Les rédactions malignes peuvent profiter des crises pour faire évoluer leur culture dans une direction nouvelle et plus positive. Voici quelques façons d’utiliser les crises pour construire une culture de l’adhésion.
Servez-vous des moments où tout le monde se sent dépassé comme catalyseurs de routines participatives. Entre janvier et août 2020, KPCC/LAist aux États-Unis a reçu plus de 4 000 questions de la communauté (au moment de la publication de ce guide en août 2021, ils avaient reçu plus de 7 000 questions). La rédaction californienne utilisait depuis longtemps déjà les questions de la communauté pour guider l’orientation journalistique, mais le volume de questions reçues sur le COVID-19 a mis la rédaction à rude épreuve. Elle a dû systématiser son approche à un niveau jamais atteint auparavant. Pour faire face à l’afflux de questions, la rédaction a mis en place un flux de travail “if this, then that” ou “si ceci, alors cela”, des horaires de travail échelonnés et une base de données générale pour l’ensemble de la rédaction contenant toutes les questions reçues.
Toutes ces stratégies sont des exemples de procédures qui rendent le travail lié à l’adhésion routinier et réduisent la peur liée à l’augmentation de la charge de travail, une source fréquente de résistance à l’adhésion dans les médias (pour en savoir plus, voir “Quelles sont les bonnes pratiques du changement de culture ?”). Avec ces nouveaux systèmes en place, KPCC a répondu directement à toutes les questions sur le coronavirus, à l’exception d’une poignée d’entre elles. Cela lui a également permis de concevoir une couverture éditoriale avec plus de résonance, permettant à la pratique de l’engagement de gagner en crédibilité et en enthousiasme dans l’ensemble de la rédaction, et clarifiant radicalement l’objectif de son journalisme. De cette façon, l’utilisation des moments de crise comme catalyseur de routines participatives peut aider les médias qui ont du mal à obtenir l’appui des équipes sur ces questions.
Comment KPCC a répondu à plus de 4 000 questions sur le coronavirus
La méthode "Si ceci, alors cela" leur a permis de gérer le flot de questions qu'ils recevaient.
Utilisez les moments de crise comme catalyseur d’une nouvelle relation entre votre équipe et vos publics. En 2016, le média argentin Página/12 a été confronté à deux défis existentiels : celui de rentabiliser le journalisme numérique et un changement de régime qui l’a placé dans une position désavantageuse pour la publicité gouvernementale, une source de revenus essentielle pour les médias en Argentine. (Chaque gouvernement a tendance à favoriser les médias avec lesquels il se sent plus à l’aise. Lorsque le gouvernement conservateur de Macri est arrivé au pouvoir en 2015, il a placé la plupart de ses publicités auprès d’autres médias.)
Ainsi, lorsque Página/12 a remanié son site web en 2016, il s’est également appuyé sur son slogan “L’autre regard”, un clin d’œil à son statut de journal “d’opposition”. Le nouveau slogan faisait partie d’efforts visant à créer un sens d’identification plus fort auprès des lecteurs à la recherche d’une couverture critique du gouvernement Macri. C’est parmi ces publics que Página/12 a trouvé ses premiers membres et a tiré parti d’un lectorat intellectuellement engagé pour faire naître une communauté en ligne fondée sur les commentaires.
Mais il n’y a pas que les membres à qui il faut montrer comment s’engager dans ce nouveau paradigme, il y a aussi les journalistes. La responsable éditoriale chargée de l’engagement, Celeste González, a expliqué au MPP qu’elle avait dû consacrer du temps à enseigner aux journalistes la manière la plus efficace de s’engager auprès des membres, et comment l’intégrer dans leur travail. Par exemple, Mme González prête attention aux articles qui suscitent des conversations et s’adresse directement aux journalistes pour leur demander de participer aux échanges. Souvent, ils ne savent pas comment commencer, alors elle leur propose des réponses possibles. C’est l’une des façons dont une crise peut être utilisée pour renouveler la relation entre vos publics et votre équipe.
Comment Página/12 a construit une communauté à partir de l’espace commentaires
Le journal s’est appuyé sur un lectorat engagé pour construire une communauté à partir de l'espace commentaires.
Utilisez les moments de crise comme preuve que le statu quo est intenable. L’exemple le plus évident est celui d’une crise financière, lorsque les revenus issus des lecteurs ou des membres deviennent nécessaires à la survie de l’organisation. Présentez à votre rédaction la preuve que sans changement, cette crise aura de graves conséquences. Des preuves crédibles pourraient inclure des projections de revenus si une nouvelle source de financement n’est pas trouvée, ou des données montrant une diminution de la confiance envers votre média. Présentez votre vision de l’adhésion dans le but de susciter une réaction émotionnelle, et de la montrer comme une voie de sortie de crise crédible.
Comment convaincre les sceptiques et les réfractaires ?
Il peut y avoir une multitude de raisons pour lesquelles certains membres de votre organisation ne soutiennent pas encore le projet de l’adhésion. Il s’agit peut-être de journalistes expérimentés qui luttent avec les aspects pratiques de l’engagement communautaire. Ils y voient peut-être une surcharge de travail. Ils pensent peut-être que cela ne rapportera jamais assez de revenus à la rédaction pour que cela vaille la peine d’y consacrer du temps, des efforts et des ressources. Peut-être craignent-ils les critiques que susciterait une plus grande transparence de leur organisation et de leurs procédures.
Tout d’abord, il est important de réitérer ce que l’équipe de recherche disait précédemment : Vous n’avez pas besoin de faire de toutes les personnes de votre organisation des chantres de l’adhésion. Il faut toutefois que le plus grand nombre possible de personnes au sein de votre média reconnaisse et comprenne la valeur de l’adhésion pour votre rédaction, et accepte sa place dans votre mission et votre vision. Il s’agira très probablement d’un processus graduel et long. Certaines personnes n’adhéreront peut-être jamais complètement au projet (voir “Comment tirer profit du turnover pour promouvoir l’adhésion ?”). Mais, si vous essayez de convaincre les sceptiques, voici quelques techniques que vous pouvez utiliser.
Réexaminez votre audit culturel/cartographie des parties prenantes. Utilisez ces éléments pour identifier les craintes concernant l’adhésion (voir “Comment construire une coalition de volontaires ?” pour des conseils sur les audits culturels) et abordez directement ces points lorsque vous parlez aux sceptiques. Faites-leur comprendre que vous entendez et appréciez leurs préoccupations, et expliquez-leur comment vous comptez y répondre.
Présentez l’adhésion comme la continuité des procédures en vigueur plutôt qu’un changement radical. “Si les nouvelles valeurs culturelles sont définies en fonction des anciennes, la probabilité de rejet est plus faible”, explique Lucy Keung, experte en transformation numérique. Utilisez ce que vous avez appris lors de votre audit culturel pour expliquer comment les valeurs culturelles qui accompagnent l’adhésion s’inscrivent dans ce que votre rédaction s’est engagée à faire depuis longtemps. Par exemple, si votre raison d’être mentionne votre engagement en faveur de l’équité, vous pouvez souligner que le fait d’inviter les membres du public à participer et d’être plus transparent est une façon de montrer que vous considérez les membres du public comme des égaux.
Clarifiez l’implication requise, et créez du temps pour l’équipe chargée de la relation avec les membres. Une autre raison courante de résistance est le sentiment d’être dépassé. Si vous avez des réfractaires dont le temps et l’implication sont essentiels à l’adhésion, assurez-vous d’être très clair sur ce que vous attendez d’eux et créez du temps et de l’espace pour qu’ils puissent faire le travail en question. Tout d’abord, envisagez d’utiliser un outil tel que la matrice RASCI pour clarifier exactement comment et à quel niveau cette personne doit être impliquée dans des tâches particulières. (voir “Quelles sont les attributions de chacun ?” pour un guide étape par étape sur l’utilisation de la matrice RASCI pour ce processus).
Deuxièmement, envisagez de créer une liste d’actions à arrêter, une idée que le MPP a déjà empruntée et adaptée à l’American Press Institute. En travaillant ensemble pour retirer certaines responsabilités afin d’avoir du temps pour le travail d’adhésion, vous signalez qu’il s’agit d’une priorité élevée et que vous comprenez qu’ils avaient déjà un emploi du temps chargé auparavant.
Une autre stratégie consiste à souligner l’énorme potentiel de croissance des postes liés à l’adhésion. Styli Charalambous, éditeur du Daily Maverick en Afrique du Sud, a déclaré que l’adhésion a créé de nouveaux parcours professionnels pour certains de ses employés et a permis à d’autres de monter en compétences. Expliquer clairement comment un programme d’adhésion en pleine expansion pourrait bénéficier à leur propre développement de carrière peut motiver un sceptique.
Créez des binômes composés d’un converti et d’un réfractaire. Une technique recommandée par la WAN-IFRA consiste à utiliser vos “partisans du changement” en les associant à des “réfractaires au changement”. Cela pourrait se faire lors d’une formation des super-utilisateurs (Voir “Comment créer une coalition de volontaires ?”), ou d’un mentorat et d’ateliers. L’un des exemples les plus engageants que le MPP ait vu à ce sujet vient de La Diaria en Uruguay, où le personnel de la rédaction est régulièrement affecté à l’équipe d’adhésion et vice versa, afin que les deux parties comprennent ce que l’autre doit accomplir, comment et quand. En mai 2021, par exemple, leur responsable des adhésions remplissait le rôle de rédacteur en chef.
Trouver un moyen de laisser leurs compétences individuelles s’exprimer. Si vous avez du mal à rallier une personne à la grande vision de l’adhésion, cherchez des façons plus modestes de déployer ses compétences. Est-elle un évangéliste pour la mission de votre média ? Demandez-lui de vous aider à rédiger votre annonce de lancement de l’adhésion. Est-elle experte sur un sujet d’intérêt majeur ? Demandez-lui de faire une présentation lors d’un événement réservé aux membres. Reconnaître, valoriser et utiliser leurs compétences peut les aider à visualiser leur rôle dans vos efforts d’adhésion. Jane Mahoney, responsable des revenus issus des lecteurs chez Private Media en Australie, recommande également de s’assurer que chacun comprend où se situe son rôle dans l’entonnoir de conversion et comment il est lié au succès de l’ensemble de la rédaction.
Il faudra peut-être du temps pour qu’un récalcitrant change d’avis, mais si vous pensez que quelqu’un a la capacité d’intégrer que l’adhésion est désormais au cœur de votre culture organisationnelle, donnez-lui le temps d’y arriver.
Rendez le statu quo intenable. Elizabeth Hansen, spécialiste de la gestion du changement dans les médias et directrice de recherche du Guide de l’adhésion, souligne l’importance de créer une insatisfaction vis-à-vis du statu quo pour aider les sceptiques à comprendre la nécessité du changement. Présentez-leur des preuves que sans changement, une crise est inévitable ou est déjà en cours, et rendez cette crise crédible (Voir “Comment les moments de crise peuvent-ils participer à créer une culture de l’adhésion ?”). Des preuves crédibles pourraient inclure des projections de revenus si une nouvelle source de financement n’est pas trouvée pour votre rédaction. Présentez votre vision de l’adhésion d’une manière qui suscite une réaction émotionnelle, et qui la montre comme une voie de sortie de crise crédible.
Pour aller plus loin :
- Harvard Business Review: Ten reasons people resist change
Comment tirer profit du turnover pour promouvoir l’adhésion ?
Tout effort réel de changement de culture finit par convaincre certaines personnes qui ne veulent pas aller là où vous allez à démissionner. Lors d’un séminaire en ligne sur le changement de culture organisé pour les partenaires du Membership in News Fund du MPP, le consultant Dmitry Shishkin a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’aborder cette situation avec une approche “C’est moi ou c’est rien”. Au contraire, une fois que l’adhésion est la destination choisie par votre organisation et que vous avez fait tout ce que vous pouviez pour en expliquer les raisons (Voir “Comment convaincre les sceptiques et les réfractaires ?”), il est préférable de dépenser votre énergie à travailler avec vos équipes sur la manière d’y parvenir. Si certaines personnes veulent choisir un autre parcours dans une autre organisation, pas de problème. Souhaitez-leur une bonne continuation. Le turnover est l’occasion de recruter de nouvelles personnes enthousiastes à l’idée de bâtir une culture axée sur les membres.
Comme nous l’avons souligné tout au long de ce chapitre, le changement peut être lent, alors laissez aux sceptiques ou aux réfractaires le temps de comprendre et d’adopter l’adhésion. Mais si des membres de votre équipe continuent d’agir d’une manière qui affaiblit ou compromet votre travail d’adhésion sur la durée, vous devrez peut-être reconnaître qu’ils ne vous soutiendront pas. Mettez en place des systèmes qui leur offrent une porte de sortie, qu’il s’agisse de quitter l’entreprise à l’amiable ou de passer à une équipe ou un programme au sein de votre organisation où leur opposition ou leur ambivalence à l’égard de l’adhésion ne sera pas un obstacle.
Si vous avez l’occasion d’embaucher une nouvelle personne, comment évaluer si elle possède les qualités intangibles dont vous avez besoin ? Un bon point de départ pour obtenir des réponses à ces questions est de reprendre le questionnaire d’audit culturel présenté plus haut dans ce chapitre et de poser ces questions pendant les entretiens d’embauche. Demandez au candidat ce qu’il pense des questions suivantes :
- Pourquoi existons-nous en tant qu’organisation ?
- Quelle est la proposition de valeur de l’entreprise ?
- Qu’est-ce qui vous enthousiasme dans la perspective de devenir membre de notre rédaction ?
- Qu’est-ce qui vous préoccupe dans le fait de devenir membre de notre salle de presse ?
- Comment pensez-vous que l’adhésion affectera votre travail ?
Privilégiez les profils qui :
- Placent le public au centre de la mission, de la vision et de la proposition de valeur de l’entreprise.
- Expriment de l’enthousiasme à l’égard de la perspective d’adhésion pour le média, la voyant comme plus qu’une source de revenus
- Ont une attitude positive à l’idée d’essayer de nouvelles choses qui n’ont pas de réponses évidentes ou faciles.
Brittany Schock, responsable éditoriale chargée de l’engagement et des solutions au sein de Richland Source aux États-Unis, explique que lorsqu’ils recrutaient des journalistes dans le cadre du programme Report For America, elle participait aux entretiens et posait des questions liées à la façon dont sa rédaction aborde sa relation avec les membres. Elle demandait notamment : “Avez-vous déjà entendu parler du journalisme de solutions ?” et “Connaissez-vous bien le concept d’adhésion ?”. Mme Schock dit que son objectif était de savoir ce que les candidats pensaient de cette façon de travailler et de leur faire comprendre dès le départ que “si vous travaillez ici, [l’adhésion] fait partie du package”.
Si vous recrutez pour un poste lié à l’adhésion, vous pouvez également utiliser la liste des compétences de l’adhésion du MPP, qui met en évidence les compétences-clefs à rechercher. Pour en savoir plus, voir “Quelles sont les compétences nécessaires ?”
Ce qui est mesuré est ce qui est fait, alors assurez-vous que tout référentiel ou carte de pointage que vous utilisez pendant le processus de recrutement mesure les qualités et les compétences mentionnées ici, et les met sur un pied d’égalité avec d’autres compétences rédactionnelles plus communément évaluées.
Pour aller plus loin :
- Hearken: How to copy our great hiring process, step by step (comprend les détails de leur carte de pointage)
Comment mesurer le changement de culture ?
Le changement de culture est intangible : il n’y a pas de mesure spécifique à suivre qui puisse vous dire si vous progressez, en particulier lorsque vous vous trouvez en plein milieu de ce processus parfois confus. Mais si vous dirigez une rédaction et êtes chargé de créer une culture axée sur les membres, il ne suffit pas d’énoncer votre objectif et de vous mettre au travail. Si vous voulez maintenir l’élan et gagner la confiance de votre équipe, vous devez fournir des mises à jour régulières sur vos progrès.
En se basant sur le processus que le MPP décrit dans la rubrique “Définir des métriques” de ce guide, voici une façon d’identifier comment vous allez mesurer les progrès du changement de culture.
Étape 1 : Formulez une question à laquelle vous voulez répondre concernant vos efforts de changement de culture
Par exemple :
Notre plan de communication interne conduit-il à un changement de culture significatif autour de l’adhésion dans notre rédaction ?
Étape 2 : Décomposez cette question en ces différents éléments.
Par exemple :
- Les communications internes sur l’adhésion atteignent-elles notre personnel ?
- Ces communications conduisent-elles à un changement significatif autour de l’adhésion dans la rédaction ?
Etape 3 : Décider des indicateurs nécessaires pour chacune de ces questions
Par exemple :
- Une mesure du nombre de membres du personnel que vos communications atteignent (par exemple, la participation aux réunions).
- Une mesure du changement de comportement (par exemple, le soutien manifesté par les récalcitrants, la participation à des projets axés sur les membres).
Étape 4 : Fixez des objectifs et des métriques de changement de culture, sur la base des indicateurs que vous avez choisis
Par exemple :
- Au cours de la première année, nous organiserons 12 réunions avec l’ensemble du personnel dédiées à l’adhésion, avec une participation moyenne de 60 % du personnel.
- Au cours de la première année, 75 % de notre personnel éditorial participera à nos forums de commentaires réservés aux membres.
Servez-vous de vos objectifs pour structurer les revues mensuelles ou trimestrielles de vos efforts de changement de culture.
Comment se préparer pour les défis d’un changement de culture ?
Lorsque vous examinez les résultats de vos efforts de changement de culture (Voir “Comment mesurer le changement de culture ?”), vous constaterez peut-être que vous ne faites pas les progrès que vous espériez. Le tableau ci-dessous reprend les raisons courantes de l’échec des efforts de changement, citées par John P. Kotter, professeur à la Harvard Business School, et vous dirige vers les rubriques du Guide de l’adhésion qui peuvent vous aider à modifier votre approche pour obtenir de meilleurs résultats.