Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un magazine numérique basé à Berlin qui se spécialise en journalisme explicatif et collaboratif avec les lecteurs
LIEU
Berlin, Allemagne
ANNÉE DE CRÉATION
2014
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D’ADHÉSION
2015
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES MENSUELS
474 755
NOMBRE DE MEMBRES
13 676
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
86 %

Krautreporter a démarré en fanfare en 2014. Il a récolté 1,38 million de dollars auprès de 17 000 personnes grâce à une campagne de financement participatif. Il considère ces soutiens comme ses premiers adhérents. 

Malheureusement, l’essai n’a pas été transformé. En effet, pour durer, Krautreporter devait conserver l’année suivante le soutien des participants à la campagne de financement participatif, mais il a perdu 70 % d’entre eux. L’équipe pense que cela est dû à deux choses : ils n’ont pas demandé aux participants de devenir des contributeurs réguliers dès le début et il y a eu un décalage entre les attentes des soutiens et la réalité.  

“La situation est devenue extrêmement problématique un an plus tard… Nous avons dû définir une nouvelle proposition de valeur ; un changement qui s’est avéré payant”, explique Sebastian Esser, co-fondateur, qui dirige maintenant la plateforme Steady. 

La deuxième année, Krautreporter a retravaillé sa stratégie et a privilégié la rétention à la croissance, en introduisant un paywall (restriction d’accès aux contenus) et en se concentrant davantage sur l’engagement des publics. Il a depuis continué dans cette voie en ajoutant des fonctionnalités pour encourager le partage, ainsi qu’en mettant l’accent sur les adhésions à l’année.

Au moment de la rédaction de l’étude de cas, Krautreporter avait 13 676 membres et un taux de rétention annuel dynamique de 54,8 %. 

Pourquoi est-ce important

Conserver ses adhérents demande moins de travail et est plus rentable que d’en gagner de nouveaux. Plus une adhésion dure dans le temps, plus le membre apporte de la valeur que ce soit en tant que contributeur financier ou en tant qu’ambassadeur de la marque. 

C’est particulièrement vrai dans le cas de médias qui proposent une expérience différente, comme Krautreporter. Toutefois, quand vous sortez un peu des sentiers battus, vous devez énoncer extrêmement clairement votre proposition de valeur. L’écart entre les attentes et la réalité peut rendre la rétention difficile, particulièrement pendant la première année.

“Certains aspects de notre programme d’adhésion relatifs à l’engagement sont inhabituels pour des abonnés du New York Times ou du Spiegel”, assure Leon Fryszer, directeur du Krautreporter. “Les lecteurs s’attendent à une approche transactionnelle, à savoir payer pour des articles. Ils sont désarçonnés quand on les implique soudainement. Ils ne savent pas de quoi il s’agit. Nous disons toujours que la participation ne fait pas vendre car ça ne parle pas aux lecteurs.”

Ce qu’ils ont fait

Un an après le lancement, 70 % des soutiens de départ n’ont pas souhaité poursuivre l’aventure.

Cela s’explique en partie par le fait que les participants à la campagne de financement participatif ont seulement versé une contribution ponctuelle. Sans système de paiement récurrent automatisé, un des piliers de la rétention, il est difficile d’obtenir des renouvellements.

Krautreporter a aussi eu du mal à raconter son histoire.

“Notre image était brouillée. Les lecteurs voyaient bien que nous étions différents, mais si nous ne leur expliquions pas très clairement notre projet, ils étaient un peu perdus. Montrer son travail ne suffit pas”, explique Sebastian Esser. 

C’est pourquoi Krautreporter a fait quelques changements importants au fil du temps pour améliorer son taux de rétention :

  • Il a affiné sa proposition de valeur pour éviter de perdre des adhérents à cause d’un malentendu.
  • Il a introduit un paywall et a permis aux membres de partager leur adhésion avec d’autres personnes.
  • Il a étudié le lien entre participation à des sondages et rétention (les sondages sont au cœur du modèle d’engagement du Krautreporter).
  • Il a proposé par défaut une contribution annuelle et a mis en place de petites mesures pour inciter les lecteurs à opter pour l’adhésion annuelle.

Krautreporter a commencé à mettre l’accent sur le caractère explicatif de son travail. Son objectif n’est pas de publier des tonnes d’articles mais d’aider ses lecteurs à mieux comprendre le monde. L’équipe a travaillé à ce que cette proposition de valeur soit claire à la fois pour les adhérents et les adhérents potentiels. 

Un paywall a également été introduit ainsi que la possibilité pour les membres de partager leur adhésion avec d’autres personnes. “Je ne pense pas que nous aurions survécu sans paywall”, déclare Sebastian Esser.  

Le paywall joue un rôle-clef car il rend le partage d’adhésion viable. En effet, la recherche a montré que les membres étaient moins susceptibles de résilier leur adhésion s’ils savaient que d’autres personnes dépendaient d’eux. C’est l’une des raisons pour lesquelles Netflix n’a pas fait des pieds et des mains pour lutter contre le partage d’identifiants.

Krautreporter s’est employé à sonder régulièrement ses publics depuis le début, mais ce n’est qu’au bout de la deuxième année que l’équipe a commencé à s’intéresser de près au lien entre participation et rétention. Ils ont appris qu’en moyenne, les lecteurs qui participaient à au moins un sondage restaient membres environ quatre mois de plus que les autres. 

Krautreporter a également décidé de mettre l’accent sur les adhésions à l’année après avoir réalisé que de nombreuses personnes adhéraient au mois uniquement pour lire un ou plusieurs articles précis et mettaient rapidement un terme à leur adhésion. Il propose donc par défaut d’adhérer à l’année et donne le choix entre plusieurs niveaux de contribution avec à la clef la possibilité d’avoir plusieurs utilisateurs. Il est également possible d’adhérer sur une base mensuelle mais il faut faire un clic de plus et cette formule se révèle plus onéreuse sur un an.

Options d’adhésion avec la formule annuelle sélectionnée par défaut (crédit : Krautreporter)

Récemment, Krautreporter a également introduit de nouvelles newsletters et d’autres fonctionnalités, comme le classement des articles par longueur et l’affichage de la durée de lecture estimée. Il a lancé ces outils de gestion du temps après avoir découvert grâce à l’étude de ses publics que les adhérents trouvaient que Krautreporter était long à lire.

“En 2014, en donnant de l’argent à Krautreporter, vous vous placiez du côté du journalisme progressiste”, dit Sebastian Esser. “Cela vous faisait du bien. C’était aussi une prise de position… Mais les choses sont complètement différentes aujourd’hui. Nous avons dû construire un produit qui fonctionne. Aujourd’hui, les publics n’ont aucune idée que nous sommes issus du financement participatif et ne connaissent pas notre histoire. Nous commençons à raconter cela car nous ne pouvons pas partir du principe que les personnes sont au courant”.

Les résultats

Inciter les particuliers à opter pour des versements annuels récurrents a été bénéfique. 60 % des nouveaux adhérents à l’année renouvellent leur adhésion l’année suivante, en revanche, il faut dépasser les trois mois pour que le taux de rétention des membres ayant une adhésion mensuelle atteigne le même niveau. En d’autres termes, il y a une perte significative après seulement quelques mois. C’est une difficulté des sites avec paywall : certaines personnes payent pour accéder à quelques articles pour une période donnée.

“Pour nos affaires, cela a bien sûr du sens de rendre l’adhésion à l’année moins chère, mais c’est aussi un geste pour dire à nos lecteurs que nous sommes conscients qu’ils s’engagent à long terme et qu’ils vont [dépenser] plus d’argent dans tous les cas”, dit Leon Fryszer. 

Le traitement des adhésions, qu’il soit sur une base annuelle ou mensuelle, passe par Steady, la plateforme que Sebastian Esser a cofondée. Le renouvellement est automatique, un point essentiel pour la rétention. Les membres sont avertis du renouvellement prochain de leur adhésion juste avant d’être débités. 

“C’est un des points-clefs à garder à l’esprit quand vous démarrez votre programme d’adhésion : vous devez viser un engagement sur le long terme et donc rechercher dès le début un renouvellement automatique”, explique Leon Fryszer. “Ce que vous voulez éviter, c’est d’avoir à redemander à tout le monde son numéro de carte bleue un an après car cela équivaut à un autre financement participatif et vous risquez d’échouer.”

Ce qu’ils ont compris

Si vous proposez quelque chose de nouveau, vous devez bien expliquer votre démarche. Les adhérents ont besoin de temps pour pleinement comprendre la valeur de Krautreporter et de son journalisme reposant sur un fort niveau de participation. C’est l’une des raisons pour lesquelles le site préfère les adhésions à l’année : cela lui permet de faire découvrir aux lecteurs ses sondages et son approche du journalisme. 

“L’adhésion à l’année vous donne plus de temps pour vraiment montrer votre travail aux lecteurs”, assure Leon Fryszer. “Il n’y aura probablement pas tout de suite d’interaction. Au bout d’un moment, les personnes comprendront comment les choses fonctionnent… Plus vous restez longtemps adhérent, plus vous êtes susceptible de finir par repérer quelque chose qui vous intéresse beaucoup et vouloir profiter de la possibilité de participer. Je crois que c’est une bonne raison de se laisser un peu de temps”.

Prévoir un processus d’accueil est également utile. La séquence de bienvenue de quatre e-mails présente aux adhérents la stratégie d’engagement de Krautreporter basée sur les sondages, demande aux adhérents de donner des informations sur eux comme leurs domaines de compétence, etc. 

La rétention se prépare en amont. Krautreporter offre quelques articles et propose la participation à des sondages aux personnes n’ayant pas encore adhéré pour qu’elles aient un aperçu de sa vision de l’engagement des publics. Cela l’aide à détecter des adhérents potentiels. “Les personnes qui ne s’impliquent pas et qui ne resteraient pas sont filtrées”, explique Leon Fryszer.

Le temps c’est de l’argent. Les membres qui annulent leur adhésion à Krautreporter disent le plus souvent manquer de temps. Leon Fryszer dit que cela leur a fait réaliser qu’il fallait donner plus de structure aux adhérents pour les aider à intégrer Krautreporter dans leur emploi du temps. 

Comme expliqué précédemment, le site a déjà commencé à s’adapter, notamment en indiquant aux lecteurs le temps de lecture estimé et en développant une fonctionnalité permettant de classer les articles par longueur. Krautreporter prévoit également de développer une nouvelle offre plus compacte pour que les lecteurs aient le temps de tout lire et ne manquent rien. 

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Expliquer votre démarche demande beaucoup de travail, surtout au début. Les rédactions doivent régulièrement rappeler leur proposition de valeur. C’est encore plus important au moment du lancement quand les lecteurs ont toutes sortes d’idées préconçues.

“Décevoir de nombreuses personnes a probablement été la partie la plus stressante de ma vie”, déclare Sebastian Esser. “Je ne veux pas revivre ça. Cela étant dit vous devez être bien conscients que vous devrez passer par là si vous vous lancez dans une aventure similaire. C’est arrivé à tous les projets nouveaux que je connais. Tout d’abord vous devez déterminer avec votre équipe ce que vous voulez réellement faire. Ensuite vous avez bien sûr besoin d’un modèle économique, d’une audience et d’adhérents. Cela crée toutes sortes de malentendus et de déceptions… Un programme d’adhésion est toujours délicat car cela touche à l’humain. Cela a été une grande source de stress pour moi.”

Il faut se demander pourquoi vos adhérents partent. Krautreporter a pu déterminer deux raisons courantes et y apporter des réponses potentielles. Premièrement, beaucoup de personnes optant pour l’adhésion mensuelle faisaient ce choix pour pouvoir consulter un article précis, c’est pourquoi Krautreporter a rendu l’adhésion annuelle plus attractive et l’a proposée par défaut.

Deuxièmement, Krautreporter étant considéré comme trop long à lire, l’équipe s’emploie maintenant à proposer une offre condensée, qui soit plus rapide à consulter. 

Pensez à profiter une dernière fois de l’attention des futurs ex-adhérents en prévoyant une question sur la page de résiliation pour connaître la raison de leur départ ou en leur envoyant un message. Consignez les réponses reçues et réfléchissez aux changements que vous pourriez apporter.

Note : le Membership Puzzle Project a soutenu un autre projet de Krautreporter en 2019 à travers le Membership in News Fund.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média argentin progressiste axé sur la politique et les droits de l’homme.
LIEU
Buenos Aires (Argentine)
ANNÉE DE CRÉATION
1987
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D’ADHÉSION
2018
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES MENSUELS
15 millions
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
10 %

Quand Página/12 a été lancé en 1987, quatre ans après la fin de la dictature militaire en Argentine, il s’est présenté comme le journal de la démocratie et des droits de l’homme. Avec la volonté d’offrir une perspective différente à ses lecteurs, il proposait un mélange d’informations, de journalisme d’investigation, de billets d’opinion et d’analyses approfondies, le tout avec une touche d’ironie, ce qui deviendrait sa signature.

Mais en 2016, Página/12 a fait face à deux grands défis : il a dû trouver comment rendre sa version en ligne rentable et s’adapter à un changement de gouvernement qui lui a fait perdre la manne financière des campagnes gouvernementales, une source de revenus importante pour les médias argentins. En effet, chaque gouvernement tend à favoriser les titres qui lui conviennent le mieux. Quand le conservateur Mauricio Macri est arrivé au pouvoir en 2015, la plupart des campagnes d’information ont été réalisées dans d’autres médias. 

C’est pourquoi, quand Página/12 a refondu son site Web en 2016, il a adopté un nouveau slogan, “La otra mirada” (un autre regard), afin de faire allusion à son statut de journal d’“opposition”. Ce changement de slogan s’inscrivait dans une démarche de communication envers les lecteurs cherchant une couverture critique de la présidence Macri. Les premiers adhérents de Página/12 comptent parmi ces lecteurs. 

Cette étude de cas montre comment le journal s’est appuyé sur un lectorat engagé pour construire une communauté à partir de l’espace commentaires. Fin 2020, 3 000 commentaires en moyenne étaient postés chaque semaine. Même s’ils ne souhaitent pas communiquer leur nombre exact d’adhérents, Mariano Blejman, chief digital officer, confirme que le programme d’adhésion rapporte plus que n’importe quel contrat publicitaire pour leur site Web. 

Pourquoi est-ce important

Quand Página/12 a lancé son nouveau site Web, il a choisi de ne pas mettre en place de paywall car il ne voulait pas limiter l’accès à ses contenus.  Il fallait donc qu’il trouve une autre manière de rendre l’adhésion attractive. Il a décidé de se concentrer sur la création d’une communauté pour laquelle les particuliers seraient prêts à payer. 

Les médias d’information consacrent de plus en plus de temps à la création de communautés mais ils le font généralement hors de leur site, par exemple sur Facebook ou Slack. C’est une pratique risquée car les règles peuvent changer à tout moment. 

Construire une communauté sur son propre site, comme l’a fait Página/12, permet aux médias d’information d’avoir une meilleure connaissance de leurs publics fidèles car ils peuvent établir des liens entre les comportements de lecture et les comportements dans l’espace commentaires, ainsi qu’intégrer d’autres éléments comme l’abonnement à des newsletters. Cela évite également de s’exposer au risque d’un changement d’algorithme qui pourrait briser la relation.  

Un programme d’adhésion ne peut prospérer que si le média d’information connaît suffisamment ses membres pour leur offrir des avantages attractifs. Une communauté nécessite de l’investissement. Página/12 a joué sur les deux tableaux.

Ce qu’ils ont fait

Avant de lancer son programme d’adhésion, Página/12 a interrogé ses publics et leur a demandé à quelle fréquence ils consultaient le site Web, s’ils lisaient l’édition papier et s’ils seraient prêts à soutenir financièrement le média pour l’aider à préserver son indépendance financière et éditoriale. 73 % des répondants se sont dit prêts à apporter un soutien financier.

À la question de savoir pour quels avantages ils seraient prêts à payer, les sondés ont choisi des réductions à des manifestations culturelles, l’accès à des contenus audiovisuels exclusifs et la possibilité de contribuer à des articles. Página/12 a également appris que ses lecteurs avaient en général un niveau d’études élevé et qu’ils étaient nombreux à occuper des postes universitaires ou d’autres professions dites intellectuelles.  

L’équipe a donc décidé d’offrir deux avantages : l’accès à une offre culturelle (rencontres avec des reporters et cours en ligne par exemple) et l’accès à un espace en ligne pour échanger et partager ses connaissances.

La possibilité de se faire entendre est au cœur de la proposition de valeur du programme d’adhésion. Página/12 a lancé son programme d’adhésion en utilisant Coral pour modérer et gérer les commentaires. L’équipe a réservé l’espace commentaires aux adhérents et a incité les lecteurs fidèles à adhérer pour “défendre” leur point de vue dans l’écosystème médiatique argentin, comme le raconte Celeste González, responsable éditoriale chargée de l’engagement. 

Página/12 a permis aux membres, ses “partenaires” (soci@s), de s’exprimer. Les commentaires sont appelés des “contributions” (contribuciones) et les mentions “j’aime” des “je respecte” (respetos). 

Néanmoins, entre ouvrir un espace commentaires et créer une communauté il y a un pas. Au moment du lancement du programme d’adhésion, personne n’était chargé de faire vivre la communauté. Les choses ont changé un an après, grâce à l’arrivée de Celeste González. 

Son premier défi a été de structurer le programme pour pouvoir apporter aux adhérents la valeur qui leur avait été promise. À cette période, il n’y avait pas d’envois réguliers de newsletters ou de rencontres mensuelles avec des reporters et personne ne répondait systématiquement aux commentaires. 

Voici les principales mesures rapidement prises par Celeste González : 

  • Pendant les premiers mois, elle a lu et répondu à tous les commentaires. Si la personne signalait des coquilles, des erreurs de grammaire ou posait des questions, elle était remerciée par Página/12.
  • Pour déclencher des conversations et identifier les possibilités d’interaction, elle a signalé aux reporters concernés les articles ayant suscité un nombre élevé de commentaires et les a encouragés à répondre. 
  • Elle a rédigé et publié tous les mois des profils d’adhérents dans lesquels ces derniers racontaient comment ils avaient connu Página/12 et pourquoi ils étaient devenus membres. Son objectif était de montrer les personnes cachées derrière les pseudos. Elle a choisi les personnes qui participaient le plus, tout en veillant à présenter des profils différents et à mettre en avant des hommes et des femmes.  
  • Elle a encouragé les adhérents à partager leur expérience concernant différents sujets afin de contribuer à la couverture de ces thèmes.

Les résultats

Celeste González a fait tout ce qui est listé ci-dessus car elle ne voulait pas que seul un petit nombre d’adhérents commentent. Elle souhaitait que davantage de personnes participent et que les adhérents aient le sentiment d’appartenir à une véritable communauté. Le nombre de commentaires a suivi l’augmentation du nombre d’adhérents.

Aujourd’hui, les membres dialoguent. D’après Celeste González, ils anticipent les commentaires des autres et devinent même si un adhérent donné va aimer tel ou tel article. Voici ci-dessous un exemple d’échange entre deux membres qui se lisent mutuellement. 

Une image contenant texte

Description générée automatiquement

En décembre 2019, les adhérents ayant dit dans les commentaires qu’ils voulaient se réunir, Página/12 a organisé une fête. Assister à la rencontre en chair et en os de personnes s’étant connues dans l’espace commentaires a été un grand succès pour Celeste González.  

Tous les efforts entrepris pour construire une communauté en ligne se sont révélés particulièrement payants pendant le confinement de Buenos Aires au début de la pandémie de COVID-19 (un des confinements les plus stricts du monde à ce moment-là). Alors que certains médias d’information devaient s’adapter, Página/12 avait déjà de l’expérience.

Daniel Paz, le dessinateur du journal, a commencé à publier quotidiennement des dessins sur le thème de la vie à l’heure du confinement. Les adhérents ont commenté et il a donc répondu. C’est devenu un rituel quotidien : mise en ligne d’un nouveau dessin puis dialogue avec les adhérents au sujet de leur expérience du confinement.

Une image contenant texte

Description générée automatiquement

La pandémie de COVID-19 a également permis à Página/12 d’élargir sa collaboration avec les adhérents. Après avoir lu un commentaire d’une personne demandant comment le virus se diffusait, un autre adhérent a proposé à Página/12 d’analyser la situation au niveau mondial. Il a reçu l’aide de certains de ses confrères. Ils se connaissaient déjà car ils faisaient partie de la communauté scientifique de Bariloche (une ville du sud de l’Argentine située en Patagonie) et étaient habitués à la communication scientifique. Ils ont collaboré grâce à WhatsApp et Google Docs et ont fait une analyse comparative de la situation dans différents pays.  Leur travail collaboratif a été publié par Página/12 et l’article a attiré plus de 130 000 visiteurs uniques. Comme le dit Celeste González, “l’échange est au cœur de notre programme d’adhésion et c’est ce qui fait la différence.”

Celeste González incite également l’équipe à participer aux échanges mais malgré quelques séances de formation en interne sur l’engagement, elle doit généralement encore déclencher les commentaires des reporters.

Ce qu’ils ont compris

Il est crucial d’utiliser les bons indicateurs. Quand Página/12 a commencé à suivre les statistiques de l’espace commentaires, l’équipe s’est focalisée sur le nombre total de contributions et de mentions “je respecte”, sans prendre en compte qui commentait ou réagissait. Mais Celeste González ne voulait pas seulement faire grimper le nombre de commentaires, elle voulait que davantage de personnes participent. C’est pourquoi elle a changé la manière d’assurer le suivi. Elle surveille désormais chaque mois à la fois le nombre d’utilisateurs ayant commenté et le nombre total de commentaires. Par exemple, en avril 2020, il y avait 1 256 commentateurs pour 25 487 commentaires.

Crédit : Página/12

Tout ne peut pas reposer sur une seule personne. Le responsable éditorial chargé de l’engagement ne peut pas faire vivre seul une communauté en ligne. Le reste de l’équipe doit aussi s’impliquer. C’est pourquoi, Celeste González surveille les articles qui suscitent des réactions et contacte directement les reporters pour leur demander de participer aux échanges. Comme ils ne savent souvent pas comment se lancer, elle suggère des réponses possibles. Elle a constaté qu’il était plus facile pour les reporters de répondre aux commentaires qui contenaient des questions précises au sujet de l’article.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Construire une communauté en ligne demande des ressources humaines dédiées. Il faut savoir comment tirer parti des outils de gestion de communauté, par exemple Coral. Il est indispensable d’avoir un responsable éditorial chargé de l’engagement pour repérer les occasions de nourrir le dialogue. Cette personne peut non seulement alimenter les échanges mais aussi partager des idées avec la rédaction pour encourager sa participation. 

Il est également essentiel d’avoir la bonne infrastructure technologique. Pour Página/12, qui est passé en quatre ans d’une simple version en ligne de son édition papier à une communauté intégrée, le défi a été de taille. Bien que l’espace commentaires soit en place, d’autres éléments manquent, comme par exemple une page de destination spécial adhérents. “Il nous reste un déficit technologique à combler car l’expérience utilisateur du site n’est pas encore au niveau que nous souhaiterions”, affirme Celeste González.

Il faut du temps pour prendre de nouvelles habitudes. Les adhérents et les reporters ont besoin d’être accompagnés pour apprivoiser cette nouvelle manière d’interagir. Celeste González a dû prendre le temps non seulement d’encourager les adhérents à participer mais aussi d’apprendre aux reporters comment répondre de la manière la plus efficace et l’intégrer dans leur emploi du temps.

Il faut connaître ses publics. Les adhérents de Página/12 ont des affinités idéologiques et sont nombreux à venir des milieux intellectuels. Pouvoir partager leurs connaissances est une source de motivation. C’est pourquoi Página/12 a ouvert un espace commentaires à ses adhérents pour répondre à leur désir d’échanges. Plus vous comprenez ce qui est important pour vos adhérents, plus il est facile de façonner un programme d’adhésion qui fait mouche. 

Autres ressources

N.B. : le Membership Puzzle Project a accompagné Página/12 à travers le Membership in News Fund. L’auteure de cette étude de cas, Aldana Vales, travaille occasionnellement pour Página/12.

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média néerlandais porté par ses membres qui contextualise les actualités en rejetant le cycle des informations quotidiennes et en collaborant avec leurs lecteurs.
LIEU
Amsterdam, Pays-Bas
ANNÉE DE CRÉATION
2013
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME DADHÉSION
2013
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES MENSUELS
550 000
NOMBRE DE MEMBRES
69 340
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
53,8 %*

Au cours de l’été 2017, les membres de l’équipe du MPP se sont rendus à Amsterdam, Rotterdam et Utrecht pour interroger les membres de De Correspondent (DC). Ils ont rencontré 30 membres dans le but de recueillir des idées pour répliquer le programme d’adhésion de De Correspondent. Tous avaient des professions, une ancienneté d’adhésion et des raisons de soutenir l’organisation variées. Ainsi, ils ont contribué à élaborer le programme d’adhésion de ce qui allait devenir The Correspondent, média en langue anglaise.

Le personnel de De Correspondent a participé aux entretiens et était partie prenante de la synthèse qui en a découlé. Trois ans plus tard, le MPP a demandé aux membres et à la rédaction quelles idées issues de cette tournée d’écoute avaient été retenues.

  • 95 % des revenus de De Correspondent provenaient des lecteurs en 2019. Le reste était issu de la vente de livres et de dons.

Pourquoi est-ce important

Ce qui fonctionne pour vos membres la première année de votre programme d’adhésion peut ne plus marcher aussi bien quelques années plus tard. Les entreprises les plus performantes sont capables de s’adapter et recueillent en permanence des commentaires formels et informels sur la manière dont elles doivent s’adapter à la croissance et à l’évolution de leur base d’adhérents.

Nombreuses sont les organisations qui entreprennent un processus rigoureux d’étude d’audience avant de lancer leur programme d’adhésion. Ensuite, elles le mettent en place et n’y repensent plus. Le processus entrepris par De Correspondent offre un modèle d’évaluation des forces et des faiblesses de votre programme d’adhésion lorsqu’il est déjà en place depuis un moment.

Ce qu’ils ont fait

De Correspondent a publié un appel recherchant des membres pour participer à l’enquête (éléments de langage ici) et, avec l’équipe du MPP, a sélectionné 30 personnes parmi celles qui ont envoyé des informations personnelles. Les équipes se sont efforcées d’intégrer les voix de personnes qui :

  • Représentaient différents niveaux d’implication avec DC : des lecteurs, des commentateurs et des experts qui avaient offert leur aide aux correspondants.
  • étaient diversifiées en termes d’âge, de sexe, de profession et de niveau d’interaction avec d’autres médias.

Les membres participants ont ensuite pris rendez-vous en fonction de leur disponibilité et de leur localisation. Tous ont répondu aux mêmes questions (incluses à la fin de ce document), qu’ils soient interrogés individuellement ou dans le cadre de sessions plus longues avec des groupes de huit membres.

Immédiatement après chaque conversation, les membres du personnel de MPP et de De Correspondent qui avaient animé et observé les sessions ont dressé la liste de ce qu’ils avaient appris et qui constituait pour eux une confirmation ou une surprise, un exercice détaillé à l’étape 14 de cet article de Poynter. L’équipe du MPP a ensuite entrepris un examen plus approfondi des notes et établi une cartographie thématique qui ont abouti à une présentation de “fin de tournée d’écoute” au personnel de De Correspondent.

Les résultats

Grâce à ces entretiens, De Correspondent a obtenu les informations suivantes :

Les membres veulent soutenir De Correspondent, pas seulement utiliser un produit. La responsable de l’engagement et des campagnes, Lena Bril, qui a participé aux entretiens initiaux de 2017 avec les membres, a déclaré : “Dans l’ensemble, c’était un moyen fantastique d’entendre que nos idéaux résonnaient avec nos membres… Presque tous les points saillants issus de ces entretiens font désormais partie de notre ADN. Savoir que les membres veulent nous soutenir, et pas seulement utiliser le produit, est important.”

Communiquez en permanence sur les valeurs de votre organisation. Mayke Blok, responsable de la stratégie d’adhésion chez De Correspondent et sa publication sœur en langue anglaise The Correspondent, explique : “Je pense que ce que nous avons appris en menant ces entretiens, c’est à quel point nos membres néerlandais sont bien informés de nos principes et de notre mission et à quel point il est important de communiquer en permanence sur ce que nous portons.”

La voix des membres a besoin d’une représentation dédiée. À partir de 2019, De Correspondent a créé une équipe à temps plein dédiée au programme d’adhésion, comprenant Mme Blok en tant que responsable de la stratégie, Daphne van der Kroft en tant que directrice du programme d’adhésion et Daan Aerts en tant que data analyst pour tenter d’intégrer la voix des membres davantage dans l’organisation.

“Nous le faisons en examinant les données relatives à nos membres, en menant davantage de sondages et en essayant de communiquer les souhaits et les désirs de nos membres au reste de l’entreprise. Je pense que cela a contribué à rendre toutes les parties de l’organisation, de la rédaction au développement, plus conscientes de la façon dont nos membres perçoivent notre journalisme et de ce qu’ils aiment et n’aiment pas” au-delà de la recherche initiale par entretiens, raconte Mme Blok. (Pour en savoir plus, consultez l’étude de cas de MPP sur leur engagement à collecter un volume minime de données).

Les résultats de la recherche n’étaient pas tous positifs, mais Mme Blok a déclaré que le processus de collecte d’informations restait utile : “Cela a montré à quel point les membres pouvaient parfaitement identifier les failles de l’organisation et à quel point leur opinion est précieuse pour éviter les angles morts dans notre mode de fonctionnement.”

Ce qu’ils ont compris

Montrez les approches différentes des correspondants sur leurs sujets de prédilection : “L’une des leçons les plus utiles a été que nos membres apprécient vraiment que nous montrions que nous ne sommes pas d’accord entre nous. Depuis les interviews, nous le soulignons plus souvent sur notre plateforme et dans nos newsletters”, souligne Mme Bril.

En pratique, cela a récemment consisté à publier les différents points de vue de deux correspondants climatiques, Eric Holthaus (qui est quelque peu pessimiste quant à la possibilité de faire quelque chose contre le changement climatique) et Jelmer Mommers (qui écrit souvent sur la façon dont les humains peuvent inciter au changement tant qu’il y a encore de l’espoir pour la planète), et les conversations entre eux. Parmi les autres exemples, citons Jesse Frederik, correspondant économique de De Correspondent, et Johannes Visser, correspondant éducation, qui discutent de l’influence du marché sur l’éducation et M. Frederik qui débat avec Rutger Bregman, correspondant économique, de l’argumentation paresseuse d’un podcast.

Invitez les membres à payer plus que le coût de l’adhésion : Mme Bril a déclaré qu’apprendre que de nombreux membres seraient ouverts et se sentiraient validés en payant plus pour le journalisme de De Correspondent a été et continue d’être utile. Un exemple de la manière dont ils l’ont concrétisé est la création d’une nouvelle fondation pour permettre aux individus et aux institutions de faire des dons au-delà de la cotisation annuelle. Lorsque le personnel a partagé l’idée de créer cette nouvelle “Fondation des correspondants” avec les membres, il l’a fait en invitant les membres à “réfléchir avec” le personnel à la forme que pourrait prendre une telle structure et a encouragé les membres à postuler pour un rôle bénévole au sein de la fondation naissante.

Intégrez les sondages à vos actions régulières d’engagement : l’envoi de sondages numériques aux membres est désormais une activité régulière, même si elle prend du temps. Les nouveaux membres reçoivent des enquêtes sur leurs attentes dans les 30 jours suivant leur adhésion à De Correspondent, puis sont interrogés sur leurs expériences environ tous les trimestres (avec des questions sur leurs réactions au style éditorial et sur les changements qu’ils souhaiteraient voir sur la plateforme) et à nouveau à l’approche de leur renouvellement annuel. Au-delà de ces contributions, “il serait judicieux de refaire ce processus avec un modérateur ou un chercheur externe”, explique Mme Bril à propos de la mise en place d’une tournée d’écoute plus importante.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Grâce à une écoute active, votre organisation peut apprendre ce que vos membres actuels et potentiels apprécient le plus. Les membres ne paient pas De Correspondent pour avoir un accès numérique. Ils paient pour contribuer à ce qu’ils considèrent comme un bien public. Ernst Pfauth, cofondateur et PDG de De Correspondent, a dit qu’à la suite des entretiens avec les membres en 2017, il s’est retrouvé à répéter à ceux qui sont membres de De Correspondent ce qui est ressorti de la tournée d’écoute concernant ce qui fait qu’une adhésion à De Correspondent vaut le plus la peine d’être conservée. “Ils apprécient l’aspect constructif de ce que nous faisons”, raconte Ernst Pfauth. Il affirme que le processus consistant à mieux connaître les membres a été “comme une thérapie” pour De Correspondent.

Autres ressources

Note : De Correspondent est un membre fondateur du Membership Puzzle Project.

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média local qui couvre l'éducation publique à Chicago, dans le Colorado, à Detroit, dans l'Indiana, à New York, Newark, Philadelphie et au Tennessee
LIEU
Plusieurs bureaux aux États-Unis
ANNÉE DE CRÉATION
2014
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2018
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
743 000
NOMBRE DE MEMBRES
Plus de 1 100
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
1 %

Depuis le début, Chalkbeat a mis en place un moyen pour les lecteurs de soutenir financièrement leur travail, mais il s’agissait d’une simple stratégie de collecte de dons. Dès 2014, Chalkbeat envisageait l’adhésion comme un élément à prendre en considération, mais le média n’avait pas encore la capacité de mettre en place un programme complet.

Dans les années qui ont suivi, le nombre de lecteurs et les revenus ont continué à augmenter, mais ce n’est qu’en 2018 qu’ils ont eu les ressources nécessaires pour répondre aux questions-clefs sur l’adhésion : À quoi cela ressemblerait-il pour Chalkbeat ? Pourquoi le feraient-ils ? Et combien d’investissement serait nécessaire à son lancement et à sa gestion ?

Plus important encore, ils devaient identifier l’objectif organisationnel de l’adhésion : à quoi ressemble le succès et comment le mesurer ?

S’appuyant sur ce que Chalkbeat savait grâce à des années à recevoir des dons de lecteurs, la directrice de la stratégie, Alison Go, a passé deux mois à examiner l’ensemble de l’organisation pour élaborer un cadre permettant de déterminer si l’adhésion en valait la peine et d’identifier les jalons qui leur permettraient de savoir s’ils étaient sur la bonne voie. Ils ont lancé leur programme d’adhésion en novembre 2018.

Pourquoi est-ce important

Lorsqu’ils évaluent s’ils sont prêts pour l’adhésion, les médias passent des mois à réfléchir à leur structuration technologique et à concevoir leur programme. Mais ils passent souvent à côté d’une étape cruciale : préciser ce à quoi ressemblera l’adhésion si elle “fonctionne” pour eux.

L’adhésion n’est pas une campagne de marque que vous pouvez activer et désactiver lorsque vous avez besoin de plus de revenus ou lorsque vous avez un peu de temps libre. C’est à la fois une nouvelle relation avec vos donateurs et un produit que vous devez gérer. Si vous vous engagez dans cette voie sans définir les facteurs de succès, il est difficile d’évaluer si l’adhésion a un effet suffisamment positif sur votre organisation pour valoir l’investissement important qu’elle nécessite.

La démarche de Chalkbeat pour distiller son expérience d’adhésion en quatre hypothèses qui pourraient être testées et mesurées dans l’année du lancement du programme est instructive pour tous les médias qui cherchent à définir leur propre définition du succès.

Ce qu’ils ont fait

La première chose que l’équipe de Chalkbeat a établie, c’est que l’adhésion n’allait pas être une expérience rapide qu’elle pourrait simplement essayer et échouer, puis abandonner. Il y aurait un investissement important en termes de ressources humaines, technologiques, de marketing et éditoriales, et les engagements pris dans le cadre d’un programme d’adhésion devraient être respectés bien au-delà de la fin d’une campagne de fin d’année ou de printemps, précise Mme Go.

Pendant deux mois en 2018, Mme Go s’est concentrée à plein temps sur la réponse à une question-clef : à quoi ressemblerait Chalkbeat si l’adhésion fonctionnait ? Et presque aussi important, l’équipe a identifié à quoi ressemblerait l’adhésion si elle ne fonctionnait pas, et les mesures à prendre pour l’éliminer progressivement.

“Ce n’était pas quelque chose de technique, ce n’était pas comme une chose physique ou une ressource, c’était la confiance que nous allions au moins apprendre quelque chose de ce processus”, raconte Mme Go.

Quatre hypothèses à tester en lançant l’adhésion ont été identifiées :

  • Acquisition : le fait de présenter les petits dons comme une “adhésion” permettra d’obtenir les revenus les plus élevés possibles de la part des petits donateurs.
  • Fidélisation : le programme d’adhésion aura le taux de désabonnement le plus faible de tous les programmes pour petits donateurs.
  • Communauté de connaissances : le programme d’adhésion sera un pilier essentiel d’une communauté de connaissances éditoriale robuste, améliorant à terme le journalisme lui-même et augmentant notre impact sur la communauté.
  • Coûts : les frais généraux liés au maintien d’un programme d’adhésion seront compensés par les avantages.

Ils ont ensuite transformé chaque hypothèse en une question à laquelle les données pourraient répondre, et ont identifié un “délai d’apprentissage” pour répondre à la question, en utilisant les données des précédentes collectes de dons comme base de référence.

  • Acquisition : est-ce que la conversion est meilleure que celle de nos campagnes précédentes ? (1 mois)
  • Fidélisation : les gens annulent-ils plus lentement les contributions récurrentes ? Si oui, qu’est-ce qui, dans le programme d’adhésion, provoque ce changement de comportement ? S’agit-il de la désignation en tant qu’“adhésion” ou d’initiatives spécifiques au sein du programme ? (3 à 12 mois)
  • Communauté de connaissances : les initiatives au sein du programme d’adhésion ont-elles augmenté notre interaction avec notre communauté ? La qualité de nos articles s’est-elle améliorée en conséquence ? La portée et l’impact de nos articles ont-ils augmenté en conséquence ? (1 an)
  • Coûts : que faut-il pour gérer un programme d’adhésion ? Combien cela coûte-t-il, maintenant et à grande échelle ? (1 an)

Ils ont décidé que si l’adhésion ne créait pas de revenus supplémentaires mais “nous permettait de créer une boucle de retours utilisateurs que nous ne pouvions pas avoir sans elle, elle valait la peine.

Ils ont également identifié des jalons de revenus qui leur indiqueraient le rôle que l’adhésion jouerait dans leur modèle économique plus large. Par exemple, si la gestion et l’administration d’un programme d’adhésion prenaient 50 % du temps d’un employé, l’adhésion était-elle vraiment rentable ? Et si ce n’était pas le cas à ce moment-là, à partir de quelle taille d’audience cela commencerait-il à être rentable ?

Les résultats

Près de deux ans après le lancement, Chalkbeat compte plus de 1 100 membres à travers les États-Unis, a généré des données sur les quatre hypothèses et en a ajouté une autre après le lancement. Cela a renforcé l’argument en faveur de l’embauche d’une personne dédiée au programme d’adhésion.

Acquisition : l’acquisition de membres et de donateurs n’a pas connu de pic significatif au cours des deux premiers mois. Les adhésions ont augmenté au même rythme que les newsletters.

Fidélisation : la rétention des membres et des donateurs a commencé dans le haut du 90e centile, et elle est restée élevée depuis.

Communauté de connaissances : il est plus facile d’échanger avec les membres qu’avec les donateurs en raison de la communication permanente avec eux, mais le média a du mal à créer des communautés de connaissances locales car le programme d’adhésion est géré de manière centralisée, au niveau national. Kary Perez, qui gère aujourd’hui le programme d’adhésion, déclare : “Au fur et à mesure que notre équipe nationale se développe, nous pouvons continuer à tester ce à quoi pourrait ressembler une communauté de connaissances au niveau national.

Coûts : “Les chiffres de conversion de nos abonnés [à la newsletter] en membres sont moyens. Même s’ils sont dans la moyenne, nous savons que nous pouvons faire mieux. Le programme d’adhésion s’autofinance. Le retour sur investissement n’est pas très élevé, mais il s’autofinance… Même au moment du lancement du programme d’adhésion, il était clair que l’investissement en valait la peine, écrit Mme Perez par e-mail. L’année de leur lancement, les membres ont rapporté 53 000 dollars US, n’atteignant pas tout à fait l’objectif fixé de 60 000 dollars US, mais l’année suivante, ils ont rapporté 80 000 dollars US, dépassant leur nouvel objectif de 55 000 dollars US.

Synergies avec d’autres initiatives : Chalkbeat utilise la campagne d’adhésion de fin d’année pour stimuler les dons des grands donateurs et vice versa, par exemple en demandant à un grand donateur d’offrir une contrepartie pour inciter les lecteurs à devenir membres. De plus, l’équipe de développement peut réutiliser les ressources et le contenu de la campagne d’adhésion dans ses activités de sensibilisation des grands donateurs.

Après le succès de leur lancement et de leur campagne de fin d’année en 2018, ils savaient qu’ils devaient investir dans une version des dons individuels à plus grande échelle, et qu’ils avaient besoin d’une ressource plus dédiée pour le faire. En 2019, ils ont embauché Mme Perez en tant que responsable marketing senior pour gérer le programme d’adhésion.

Ce qu’ils ont compris

L’adhésion s’est avérée avoir un impact à la fois sur les recettes et sur l’engagement chez Chalkbeat. C’est pourquoi Mme Perez, la personne référente pour l’adhésion, fait le lien entre les équipes chargées des revenus et la rédaction. Ils essaient toujours de comprendre quel est le rôle principal du programme, dit-elle. Les 80 000 dollars US que l’adhésion a rapportés pour 2019-2020 sont significatifs, mais cela ne représentait que 1 % de leur budget grâce à leur fondation et au soutien de grands donateurs. Pour cette raison, l’adhésion pourrait finir par être plus importante comme outil de développement de l’engagement.

Avoir un programme d’adhésion soulève des questions d’inclusion. Les avantages pour les membres sont intrinsèquement exclusifs et Chalkbeat se demande s’il est possible de concilier les expériences réservées aux membres avec l’engagement de l’organisation en matière d’équité et d’inclusion. “L’idée maîtresse de notre modèle est que tout le monde devrait avoir accès à notre travail. Les questions que nous nous posons sont les suivantes : Comment un organisme à but non lucratif peut-il avoir un programme d’adhésion ? Comment sommes-nous censés être accessibles à tous et toutes tout en offrant des avantages aux membres ? Comment pouvons-nous créer un programme d’adhésion véritablement inclusif ? dit Mme Perez.

Jusqu’à présent, ils ont décidé de ne pas limiter l’accès à tout contenu utile et éducatif. Ils réfléchissent comment ils pourraient créer des voies d’accès à l’adhésion qui ne nécessitent pas de transaction monétaire.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Un programme d’adhésion doit avoir des objectifs mesurables. Si vous vous lancez dans un programme d’adhésion sans définir les facteurs de succès, il est difficile d’évaluer si l’adhésion a un effet suffisamment positif sur votre organisation pour valoir l’investissement important qu’elle nécessite. Comme l’a noté Mme Go, l’adhésion n’est pas une expérience rapide qui peut être abandonnée si elle ne “fonctionne » pas. L’effort de Chalkbeat pour résumer son expérience d’adhésion en quatre hypothèses qui pourraient être testées et mesurées dans l’année de lancement d’un programme d’adhésion est utile pour les médias qui souhaitent trouver leur propre définition du succès.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média sans but lucratif canadien spécialisé en journalisme environnemental
LIEU
Victoria, Canada
ANNÉE DE CRÉATION
2018
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2018
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
250 000
NOMBRE DE MEMBRES
1 600
POURCENTAGE DE REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
25 %

The Narwhal a adopté le “test-and-learn”, une approche de test et d’apprentissage, pour optimiser ses plateformes numériques en vue de l’adhésion.

Au cours des derniers mois, le site a mené des expériences visant à accroître son audience, à fidéliser ses utilisateurs et à faciliter la conversion des lecteurs en donateurs.

L’un de ses tests les plus réussis a consisté à optimiser le bouton “don” de son site web avec un langage qui reflète mieux ses valeurs en tant que média d’information et qui a contribué à une augmentation des adhésions. L’effort mis sur le bouton de don a été une victoire importante mais le média continue d’élargir son répertoire de tests pour se concentrer sur l’optimisation des moteurs de recherche, les newsletters, etc.

Pourquoi est-ce important

Le nombre de choses qu’un site d’information numérique doit savoir faire pour atteindre la durabilité peut paraître vertigineux. Nombre d’entre elles, comme l’optimisation de la conversion, sont éloignées des compétences de la plupart des journalistes. Il est possible de réduire les risques liés à ces décisions importantes en adoptant une approche “test-and-learn”.

The Narwhal effectue constamment des tests.

“Il s’agit de toujours réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer ce que nous faisons”, explique Arik Ligeti, responsable éditorial chargé de l’engagement de l’audience de The Narwhal. “Il s’agit de ne jamais être trop à l’aise avec la façon dont les choses fonctionnent. Même si les choses semblent aller très bien, comment pouvons-nous les faire progresser d’un cran ? Il peut être facile de s’enliser dans le quotidien. Il s’agit de faire en sorte que l’expérimentation fasse partie de votre routine autant que possible.”

The Narwhal est une petite équipe de 10 personnes. Cette étude de cas offre des conseils sur la façon dont des équipes de taille similaire peuvent optimiser l’opérationnel pour améliorer leurs programmes d’adhésion.

Ce qu’ils ont fait

Jusqu’au début de l’année, le bouton de don principal du site web de The Narwhal ne permettait que des dons ponctuels.

Dans le cadre de sa participation à l’accélérateur de programmes d’adhésion du Facebook Journalism Project, le Narwhal a modifié sa façon d’aborder le soutien aux lecteurs. (Le Lenfest Institute s’associe à Facebook pour gérer ses accélérateurs et aide à partager les enseignements tirés de ces derniers.)

Le Narwhal a pris la décision consciente de changer la valeur par défaut des dons mensuels récurrents. Ce changement a été décidé parce que les membres qui donnent mensuellement ont tendance à avoir des taux de rétention plus élevés et à rapporter plus de revenus au fil du temps que ceux qui ne donnent qu’une fois. (Voir la rubrique sur la fidélisation pour en savoir plus sur les dons mensuels).

En conséquence, le média a changé le texte de son site Web, passant de “Faire un don” à “Devenir membre”. Ce changement a permis de recruter 26 nouveaux membres au cours des deux premières semaines, ce qui représente une augmentation de 120 % des revenus par utilisateur du site par rapport à une période de deux semaines avec un trafic similaire.

Mais le Narwhal voulait voir si ces résultats pouvaient être améliorés. L’équipe a décidé d’effectuer un A/B test sur son site Web en utilisant Google Optimize. La plupart des décisions relatives aux tests, y compris celle-ci, commencent par une conversation entre M. Ligeti, Emma Gilchrist, la rédactrice en chef du site, et le développeur Chris Desjardins. “Il n’y a pas beaucoup de bureaucratie”, dit M. Ligeti.

La moitié des visiteurs du site ont vu le message standard “Devenir membre” et l’autre moitié a vu “Become a Narwhal” ou “devenez un Narwhal”.

Une capture d’écran de la page d’accueil du Narwhal avec le bouton “Become a Narwhal”

Au cours des 18 jours de l’essai, il est apparu clairement que l’option “Devenez un Narwhal” était plus performante que l’option précédente. “Devenez un Narwhal” a obtenu un taux de clics de 0,29 %, contre 0,17 % pour l’option originale “Devenir membre”.

“Je résumerais cela à un facteur de curiosité, probablement. Oh, c’est quoi ‘Devenir un Narwhal’ ? Puis, une fois que nous avons été assez confiants des résultats, nous avons procédé au changement définitif.”

Le test du bouton de don n’est qu’une partie d’un effort plus large de réflexion sur la manière dont le Narwhal peut optimiser chaque niveau de l’entonnoir de conversion, de l’acquisition de nouveaux lecteurs à la conversion de lecteurs réguliers en membres durables.

The Narwhal a également mené des expériences dans ses newsletters en incluant des sollicitations de donateurs plus haut dans l’e-mail.

Grâce aux fonds de l’Accélérateur, le média a embauché un rédacteur pigiste spécialisé dans les nouvelles de dernière heure afin d’augmenter le nombre de reportages qu’il est en mesure de produire dans l’espoir d’augmenter l’audience, qu’il pourra ensuite convertir en membres payants.

“Nous savons qu’il existe au Canada un public beaucoup plus large pour les informations environnementales que celui que nous atteignons actuellement”, selon l’équipe du Narwhal. “Même si nous connaissons une croissance exponentielle par rapport à ce que nous étions il y a un an ou deux, nous réfléchissons à ce niveau à la façon dont nous pouvons attirer les gens grâce à la newsletter, à la façon de toucher plus de gens par les moteurs de recherche… et à la façon dont quelqu’un qui cherche simplement des nouvelles environnementales peut nous trouver.”

Les résultats

Au cours de près de 400 000 sessions uniques, le bouton “Devenir un Narwhal” a eu un taux de clics de 0,22 % par rapport à un taux de clics de 0,14 %.

126 nouveaux membres ont été recrutés en cliquant sur “Devenir un Narwhal”.

Depuis mars, date du changement de bouton, le site a obtenu 519 nouveaux membres, portant son total à 1 500 à la fin du mois de juin, dépassant ainsi ses objectifs annuels. Le nouvel objectif du Narwhal est d’atteindre 2 000 membres d’ici à la fin de 2020. Et il prévoit de continuer à optimiser ses opérations en révisant sa page de dons grâce à la mise en place d’un processus de paiement simplifié et en ajoutant Apple et Google Pay.

The Narwhal dit s’attendre à 100 000 dollars US de valeur nette à vie des nouvelles adhésions depuis qu’il a rejoint l’Accélérateur au printemps. Consultez la section sur la fidélisation pour savoir comment calculer la valeur nette à vie des clients.

Ce qu’ils ont compris

Les moyens sont essentiels. Il est difficile de gérer un site d’information. Il est encore plus difficile de prendre des décisions concernant les produits et d’effectuer des tests en plus. M. Ligeti a rejoint le Narwhal en mars 2020 et on lui a confié la responsabilité de réfléchir de manière plus stratégique aux tests à effectuer, puis de les exécuter au-delà de la simple période de sortie des produits quotidiens. (L’équipe reste relativement petite, ainsi il continue à participer à des tâches telles que la gestion des réseaux sociaux ou la rédaction d’articles.)

“Ils préparent la newsletter, mais j’ai l’occasion d’y passer plus de temps et de réfléchir à des choses comme : ‘Et si nous faisions l’essai de l’envoyer le jeudi plutôt que le dimanche ou de tester l’endroit où le bouton de don pourrait apparaître’”, dit-il. “Ce n’est pas compliqué, ça prend juste un peu de temps. Si vous jonglez des millions de tâches, cela ne sera pas en tête de vos priorités.”

Donnez à votre équipe l’autonomie pour effectuer des tests. Le Narwhal a pu mettre les tests en place et les faire fonctionner assez rapidement parce qu’il n’y avait pas beaucoup de bureaucratie. M. Ligeti dit avoir eu quelques discussions avec les rédacteurs du site, mais à part cela, ils ont simplement décidé de se lancer et de voir ce qui se passerait. “C’est une culture assez ouverte”, dit-il.

Le Narwhal dispose également d’un développeur indépendant, qui a participé régulièrement aux sessions de l’équipe au sein de l’accélérateur. Il a ainsi pu mettre en place rapidement des tests et de nouvelles fonctionnalités afin de les présenter au public et d’obtenir un retour immédiat, notamment avec le bouton “Devenez un Narwhal”. En permettant à l’équipe d’essayer différentes choses, le Narwhal a établi une culture qui encourage l’apprentissage.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Aucun test n’est trop petit : les petits tests peuvent faire une grande différence. Le Narwhal l’a appris lors de son test autour du bouton de don. Même si cela peut sembler insignifiant, des améliorations mineures des performances de votre site Web par le biais d’éléments tels que le bouton de don peuvent impacter de manière significative vos taux de conversion, qui sont essentiels au succès d’un programme d’adhésion durable.

Il faut accepter un certain facteur risque. Il y a toujours un risque qu’un test donne des résultats négatifs. Adopter un état d’esprit “Test-and-learn” exige de supprimer l’impulsion d’arrêter un test à la minute où les résultats commencent à avoir une tendance à la baisse. Les données que vous recueillerez en effectuant le test, même s’il entraîne une baisse des conversions de membres, vous donneront des informations importantes que vous pourrez utiliser pour regagner le terrain perdu, voire plus.

Vous n’avez besoin d’avoir des résultats parfaits. Avec le test du bouton de don, le Narwhal est assez confiant des résultats, mais il ne sont pas forcément complets. En raison du fait que le Narwhal utilise un prestataire de paiement externe, le média n’est pas certain que tous ceux qui ont cliqué soient devenus membres. “Même si nous avions les informations nécessaires et que nous étions suffisamment confiants pour faire le changement, cela montre que, rien qu’avec le taux de clics plus élevé à lui seul… si vous avez plus de personnes qui visitent le site, nous étions convaincus que cela contribuait à convertir plus de personnes.”

En ne se concentrant pas sur la perfection, The Narwhal a pu obtenir suffisamment d’informations pour prendre la décision de changer son bouton de don.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média en ligne local sans but lucratif qui couvre l'actualité d'Hawaii
LIEU
Honolulu, Hawaii, Etats-Unis.
ANNÉE DE CRÉATION
2010
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2016
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
650 000
NOMBRE DE MEMBRES
5 500

Le Honolulu Civil Beat a été lancé en 2010 en tant que média par abonnement à but lucratif. Lors de la transition vers une organisation à but non lucratif soutenue par ses membres en 2016, le message est passé de “Devenez un abonné à 5 dollars US par mois” à “Voici Civil Beat, voici ce que nous faisons. Si vous nous faites confiance et appréciez nos reportages, faites un don mensuel de 5 dollars US”, comme l’a résumé le vice-président des opérations et de la philanthropie, Ben Nishimoto.

Pour que ce deuxième message trouve un écho, Civil Beat a dû se présenter à nouveau aux lecteurs comme un organisme d’information plus convivial et plus accessible.

À l’époque, l’un des autocollants du média arborait la phrase “Smart, disruptive, never sorry” (intelligent, dérangeant, jamais désolé), un clin d’œil à ses reportages percutants et à son statut de perturbateur des médias traditionnels. Ils se sont rendu compte que ce message tenait Civil Beat à distance de la communauté et ne correspondait pas à ce qu’ils voulaient être, à savoir un organisme de presse soutenu par ses membres.

Dans le cadre du processus de refonte de son image de marque, ils ont tout changé, de leur campagne d’accueil à leur stratégie événementielle, afin d’aligner leur marque sur la relation qu’ils souhaitaient entretenir avec les membres de leur public, en particulier les membres potentiels.

Pourquoi est-ce important

L’image de marque, c’est bien plus que des logos et des slogans. C’est l’expérience que les membres du public ont avec vous. Ainsi, lorsque Civil Beat a changé de marque, il ne s’est pas contenté de modifier les éléments de surface. Une vaste campagne d’accueil a été mise en place pour aider les lecteurs à comprendre leur fonctionnement, la stratégie événementielle a été modifiée et les membres ont été plus intégrés dans le quotidien du média. L’équipe a travaillé dur pour réduire les barrières entre la rédaction et la communauté et a veillé à ce que leurs communications en soient le reflet.

“Nous avons beaucoup plus expliqué, beaucoup moins raconté et adopté une approche plus nuancée de nos messages. Au fil du temps, nous avons raconté aux lecteurs des morceaux de notre histoire de manière beaucoup plus détaillée et digeste”, raconte M. Nishimoto.

Si votre organisation se prépare à lancer un programme d’adhésion ou si votre programme a du mal à se développer, cela vaut la peine de jeter un coup d’œil à votre image de marque et de s’assurer qu’elle est alignée avec votre proposition de valeur et qu’elle montre que les membres font partie de cette proposition de valeur.

Ce qu’ils ont fait

En 2016, alors que le média préparait sa transition, Honolulu Civil Beat a fait appel à une entreprise locale de branding et de marketing pour guider la rédaction dans un processus de refonte d’image de marque. Le personnel a répondu à des questions telles que ce que Civil Beat signifie pour eux et comment ils s’inscrivent dans sa mission. Le seul problème était que les membres du public n’étaient pas inclus dans ce processus et Civil Beat était sur le point de commencer à leur demander leur soutien.

À l’époque, l’image de marque et le message de Civil Beat “positionnaient agressivement Civil Beat comme une exception dans le paysage médiatique. Être une exception sans établir un lien de confiance avec les lecteurs peut être une mauvaise combinaison”, explique M. Nishimoto. Il venait alors de rejoindre Civil Beat.

Un autocollant Civil Beat avant la campagne de rebranding (fourni par Civil Beat)

“Si vous perturbez le statu quo mais que les gens n’ont aucune idée de ce que vous êtes, de ce que vous représentez… cela fait naître la suspicion, pas la confiance. C’était la déconnexion que j’ai trouvée et dont nous nous sommes vite rendu compte.”

Civil Beat avait déjà une forte stratégie événementielle à l’époque, mais les événements portaient principalement sur l’actualité. Ils étaient appelés “Beat Ups”. Inspiré par le Voice of San Diego, Civil Beat ont ainsi commencé à inviter régulièrement la communauté à la rédaction pour un café matinal, ce qu’il fait encore aujourd’hui.

Ces rassemblements n’ont pas d’ordre du jour. Ils sont simplement l’occasion pour les donateurs et les lecteurs de discuter, de poser des questions et de partager leurs préoccupations. Parfois, ce que les journalistes entendent au cours de ces discussions finit par façonner la couverture de Civil Beat. Ces cafés matinaux restent un élément essentiel de leur stratégie événementielle (bien qu’ils soient en pause à cause de la pandémie de COVID-19).

Ils ont également mis en place une campagne de drip marketing composée d’e-mails d’accueil, qui introduit leur newsletter principale. Lorsqu’ils ont commencé, la série d’e-mails ne comptait que trois ou quatre envois, mais aujourd’hui elle en compte plus d’une douzaine, dont les suivants :

  • Pourquoi le journalisme local est important et ce que devrait être le journalisme à Hawaii ;
  • Comment Civil Beat dénonce les actes répréhensibles et pousse à la responsabilisation ;
  • Ce qu’est le journalisme à but non lucratif et comment il diffère des médias traditionnels ;
  • Qui sont leurs donateurs et comment ils gagnent de l’argent (y compris leur relation avec Pierre Omidyar*, le fondateur d’eBay et leur plus grand donateur) ;
  • Pourquoi ils prônent la transparence et listent tous leurs donateurs sur leur site ;
  • Pourquoi ils sont attachés à l’engagement en direct.

Grâce à un tel processus, “le message pivote naturellement vers quelque chose de moins direct, de beaucoup plus explicatif. Il devient : ‘Civil Beat est agressif pour une raison. Nous sommes hors norme parce que nous avons fait ceci, cela et cela’”, résume M. Nishimoto.

La campagne de drip marketing et les événements ont permis de réduire les barrières entre les lecteurs et les journalistes, selon M. Nishimoto. Civil Beat s’est également attaché à mettre ses journalistes en contact avec la communauté et à les rendre plus à l’aise pour interagir avec les lecteurs de manière décontractée.

À mesure que Civil Beat a commencé à gagner des donateurs, l’équipe a également adapté la stratégie de marketing, en présentant des témoignages de membres sur la page d’accueil, raconte Landess Cole, responsable éditoriale chargée du développement de l’audience. Les membres du public ont été intégrés dans les visuels, rendant le site moins froid et impersonnel.

  • Pierre Omidyar a aussi créé Luminate, un des financeurs du MPP.

Les résultats

Mme Cole met constamment en place les choses qu’elle entend de la part des membres dans les messages de Civil Beat, comme elle l’a fait dans cet e-mail de la campagne d’adhésion de l’hiver 2019 et ce post Facebook en 2018. Cela signifie que le message de la marque évolue constamment avec la compréhension qu’ont les membres du travail de Civil Beat.

Un autocollant plus “sympathique” de Civil Beat suite à la campagne de rebranding (fourni par Civil Beat)

Leur page de dons comprend un espace où les donateurs peuvent expliquer pourquoi ils ont choisi de le devenir. Selon Mme Cole, 85 à 90 % des donateurs prennent le temps de le remplir. Les réponses sont le reflet de ce que leurs soutiens apprécient chez eux.

Ces réponses sont automatiquement publiées dans un canal de l’espace de travail interne Slack de la rédaction, de sorte que l’ensemble de l’équipe puisse savoir comment la communauté les perçoit. Mme Cole incorpore beaucoup de ces commentaires dans les supports de collecte de fonds à venir. Lorsque quelqu’un écrit qu’il soutient Civil Beat parce que c’est un média “fort, indépendant et sans publicité”, elle sait qu’il faut l’inclure dans le prochain e-mail.

“La seule chose qui n’a pas changé, c’est le travail des journalistes, la stratégie éditoriale. Nous avons travaillé autour de ces éléments. Nous les présentons différemment maintenant. Nous voulions nous assurer que les journalistes comprennent que ce qu’ils font maintenant et à l’avenir est important et que nous ne voulons pas trop nous en mêler. Nous voulons simplement le positionner d’une manière plus digeste”, explique M. Nishimoto.

Ce qu’ils ont compris

Une image de marque différente parle à un public différent. L’ancienne image de marque de Civil Beat, résumée par l’autocollant “Smart, disruptive, never sorry”, a fonctionné avec un certain type de public, un déjà très intéressé par le journalisme local, dit Mme Cole. Mais ce segment de lecteurs potentiels est assez restreint. Civil Beat ne craignait pas de perdre ces lecteurs s’il adoucissait un peu son ton. “En développant cette marque et en supprimant l’agressivité de cette campagne, nous avons considérablement élargi notre audience”, ajoute-t-elle. Il peut être difficile d’abandonner une identité de marque que vous avez depuis un certain temps, mais les études d’audience peuvent vous aider à comprendre s’il est temps d’opérer un changement.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Votre public doit être au centre de votre processus de définition d’image de marque. Civil Beat a fait appel à une agence de branding pour l’aider dans son processus de refonte d’image de marque, mais les vrais changements se sont produits après qu’ils aient commencé à solliciter activement les réactions de la communauté sur ce qu’ils pensaient de Civil Beat et ce qu’ils avaient besoin de savoir à son sujet. L’étude d’audience est une partie cruciale de tout exercice de définition de l’image de marque, mais surtout d’un exercice dont le but final est de renforcer le soutien du public envers votre organisation.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Une start-up média indépendante au Myanmar qui couvre les affaires internationales et l'économie en anglais et en birman.
LIEU
Yangon, Myanmar
ANNÉE DE CRÉATION
2015
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2020
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
120 000
NOMBRE DE MEMBRES
421 (en plus de 147 abonnés à l'édition papier, membres de droit)
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
25 %

En 2018, la start-up média Frontier Myanmar savait qu’elle devait diversifier ses sources de revenus pour continuer à résister aux pressions gouvernementales et commerciales et maintenir son indépendance éditoriale. Mais elle savait aussi que mettre en place un paywall et lancer un abonnement fermerait l’accès à l’écrasante majorité des lecteurs au Myanmar.

L’équipe a décidé qu’un programme d’adhésion était la meilleure solution. Mais la visite d’autres rédactions asiatiques proposant un programme d’adhésion leur a donné peu d’indications sur ce à quoi devrait ressembler un programme d’adhésion au Myanmar. Ils ont donc décidé de poser la question à leurs lecteurs, d’identifier leurs cibles, d’organiser des groupes de discussion et de partager des prototypes au fur et à mesure.

Pourquoi est-ce important

Frontier Myanmar n’avait aucune expérience en matière d’étude d’audience ou de design thinking lorsqu’il a décidé qu’un programme d’adhésion était la prochaine étape de développement à suivre. Guidés par la société asiatique de conseil en médias Splice Media, le média a entrepris une étude de plusieurs mois et un processus de conception de produit.

Bien qu’elle ait reçu des conseils de Splice, l’équipe de Frontier a effectué la plupart des recherches elle-même. Le MPP offre cet aperçu des étapes suivies pour montrer qu’un processus d’étude d’audience assez simple peut donner des résultats incroyablement utiles si vous avez déjà un public engagé et si vous savez quelles informations vous devez obtenir de lui. Les focus groups ont remis en question plusieurs des hypothèses de Frontier concernant les types de produits réservés aux membres et leur ont donné la certitude que leur message, qui consiste à payer pour que le journalisme de Frontier reste gratuit pour le plus grand nombre, trouverait un écho.

Ce qu’ils ont fait

Frontier Myanmar a commencé ces démarches au printemps 2019, après avoir reçu une bourse de Google Digital News Innovation. Ils ont commencé simplement : une landing page annonçant qu’ils lançaient une communauté pour soutenir Frontier et demandant aux gens de s’inscrire s’ils voulaient en savoir plus. Ils en ont fait la promotion sur Twitter et Facebook, avec une bannière publicitaire sur leur site et dans leur newsletter bimensuelle destinée aux abonnés du magazine numérique. Six cents personnes se sont inscrites presque immédiatement et, à la fin de la phase d’étude d’audience, qui a duré environ un mois, leur liste bêta comptait plus de 1 000 personnes.

Dans le même temps, ils ont identifié cinq utilisateurs-cibles ou personas, qu’ils ont évalués sur la base de deux facteurs : ceux qui dépendaient de l’existence continue de Frontier et le considéraient comme un acteur essentiel de la transition du Myanmar vers une démocratie et ceux qui seraient disposés à le soutenir financièrement et en mesure de le faire. Ils ont identifié : les diplomates, les journalistes, les employés d’ONG, les universitaires et les entreprises. Ils ont ensuite utilisé leurs réseaux personnels pour faire venir des représentants de chacun d’entre eux pour des focus groups, mettant en place un groupe pour chaque persona, généralement composé d’environ cinq personnes. Ils ont également réalisé quelques entretiens individuels ciblés. Tout cela s’est déroulé sur un mois.

Les cinq personas élaborés par Frontier (fourni par Splice Media)

Au cours de ces conversations, ils ont demandé à ces utilisateurs : “De quoi avez-vous besoin pour vivre ? De quoi avez-vous besoin pour faire des affaires ?” (Voir les diapositives 22 à 27 de cette présentation de Splice Media pour voir les types de questions posées).

Ils s’imaginaient entendre des demandes de commentaires ou un Slack réservé aux membres. Ce ne fut pas le cas. Frontier avait également supposé que les tables rondes et les panels avec des politiciens, des universitaires et d’autres experts seraient un élément- clef, mais les participants leur ont dit que les organisations existantes comme les chambres de commerce le faisaient déjà bien, qu’il y avait déjà plus d’événements que de temps pour y assister, et les utilisateurs ne pensaient pas que Frontier offrirait un produit événementiel particulièrement bon, raconte Clare Hammond, responsable éditoriale web. Frontier prévoit toujours d’expérimenter des événements plus informels, avec de brèves sessions de questions-réponses avec un journaliste de la rédaction, suivies d’un pot, mais la pandémie de coronavirus a interrompu ces projets après un seul événement test (qui s’est bien déroulé).

Les utilisateurs ciblés souhaitaient deux choses : de l’aide pour suivre les médias en langue birmane et une newsletter quotidienne qui réunirait pour eux les principaux titres de l’actualité. À l’époque, les cibles comptaient beaucoup sur leurs collègues birmans pour leur dire à quoi ils devaient prêter attention et de nombreuses organisations dépensaient une somme importante pour faire traduire les nouvelles locales en anglais.

Frontier s’est rendu compte qu’en assumant cette responsabilité, il pouvait résoudre un problème essentiel pour des milliers de structures et de particuliers tout en leur faisant économiser de l’argent. Une adhésion à Frontier serait moins chère que des services de traduction individuels.

À partir de là, ils ont conçu les prototypes de deux newsletters réservées aux membres :

  • Une newsletter électronique quotidienne sur l’actualité qui fait le tour des principales actualités à connaître, y compris les déclarations des gouvernements, les déclarations des entreprises, les gros titres et d’autres bribes d’informations entendues par les reporters qui ne constituent pas un article à part entière
  • Un rapport quotidien de veille des médias qui traduit les principaux titres des six plus grands journaux birmans, ainsi que quelques articles importants.

Ces rapports ont été envoyés gratuitement à une liste bêta pendant deux mois, le temps de régler les autres détails, tels que la tarification et les niveaux d’adhésion, sur lesquels la liste bêta a également été interrogée. Frontier a également interrogé régulièrement les destinataires de la newsletter bêta afin d’obtenir leur avis sur le ton, le graphisme et la longueur du contenu.

Les résultats

Ce processus, depuis la réception de la subvention de la GNI, leur permettant de commencer leur travail avec Splice, jusqu’au lancement de l’adhésion, a pris environ sept mois.

Frontier a lancé son programme d’adhésion en janvier 2020, juste avant que le coronavirus ne commence à faire les gros titres dans la région, avec les paliers suivants :

Les paliers d’adhésion de Frontier Myanmar (fourni par Frontier Myanmar)

Ils offrent également la possibilité d’adhérer en tant qu’individu (1 compte), Petite institution (5 comptes par adhésion), et Grande institution (20 comptes par adhésion). La plupart de leurs membres sont des membres individuels, mais en juillet 2020, ils comptaient 16 petites institutions membres avec 93 comptes au total et trois grandes institutions membres avec 60 autres comptes.

Environ 80 % de leurs membres sont des expatriés, ce à quoi Frontier s’attendait et pour lequel il a été conçu : leurs produits d’adhésion sont en anglais, les prix sont comparables à ceux des produits médiatiques aux États-Unis et en Europe et les membres peuvent régler les paiements par carte de crédit. Frontier s’est fait à l’idée que la conception de produits d’information d’élite est ce qui lui apportera les revenus nécessaires pour que son travail journalistique reste gratuit et accessible à tous.

Frontier est un pont entre le journalisme local et les reportages internationaux sur le Myanmar. Il est lu par de nombreux expatriés, et [les cinq utilisateurs cibles identifiés] correspondent à peu près à tous les expatriés au Myanmar”, précise Mme Hammond, notant que les Birmans peuvent accéder gratuitement au contenu que les expatriés avaient besoin que Frontier adapte pour eux. Elle ajoute qu’ils reçoivent du soutien de la part de lecteurs birmans, mais que pour eux, il s’agit surtout de soutenir la mission du journalisme indépendant au Myanmar.

En janvier, ils ont également lancé la newsletter “Frontier Fridays”, un résumé hebdomadaire gratuit d’informations auquel tout le monde peut s’inscrire. Leur objectif est de donner aux gens un avant-goût de ce qu’ils pourraient obtenir quotidiennement s’ils devenaient membres payants, et d’établir une relation avec ceux pour qui une newsletter quotidienne dépasse déjà largement les attentes. On compte 3 800 personnes sur cette liste.

En juillet, les recettes issues de l’adhésion dépassaient déjà les recettes publicitaires, qui s’étaient effondrées à cause du coronavirus.

Frontier est donc en train de former sa première équipe de vente, qui se concentrera à proposer des adhésions institutionnelles et travaillera avec l’équipe éditoriale pour concevoir des produits pour lesquels elle pourra trouver des sponsors, ainsi que sur des projets publicitaires plus conventionnels. L’équipe enverra bientôt une enquête semestrielle aux destinataires de la newsletter.

Ce qu’ils ont compris

On ne peut pas copier le modèle d’un autre. Pendant la phase de planification, le fondateur et éditeur de Frontier, Sonny Swe, a visité Malaysiakini en Malaisie et Rappler aux Philippines, qui ont tous deux des programmes d’adhésion. Mais cela ne l’a pas beaucoup aidé à déterminer à quoi devrait ressembler l’adhésion pour Frontier. Ce n’est que lorsque l’équipe s’est assise avec ses plus grands fans, ses lecteurs à Yangon, qu’elle a pu le faire. “On ne peut pas simplement copier et coller le modèle de quelqu’un d’autre. Nous vivons dans un pays différent, un environnement différent, avec un pouvoir d’achat différent”, raconte M. Swe. “Il faut faire du sur-mesure en fonction de notre public, en fonction de notre paysage médiatique.”

Un programme d’adhésion, c’est un métier d’accueil et de service. M. Swe s’est rendu compte très tôt que le service clients était un élément essentiel de la réussite, c’est pourquoi il a engagé un responsable des adhésions qui avait déjà travaillé dans l’une des chambres de commerce étrangères de Yangon.

L’engagement compte plus que l’échelle. M. Swe le savait, en théorie. Mais ce qui l’a vraiment convaincu, c’est ce qui s’est passé lorsqu’un quotidien du Myanmar comptant 22 millions d’adeptes sur Facebook a lancé un programme d’adhésion un mois et demi avant que Frontier ne lance le sien. Leur élément central était de demander aux gens de donner 3 000 kyats par semaine (environ 2,25 dollars US en juillet 2020) pour accéder à des flux vidéo auparavant gratuits. Cette initiative n’a pas eu beaucoup de succès. M. Swe dit que cela lui a montré que “quelle que soit la taille de votre public, le plus important est de savoir qui est votre vrai public, qui est le suiveur inconditionnel. Nous n’en avons que quelques centaines de milliers, mais ils ont le sentiment que Frontier fait partie de leur vie et de leur communauté.”

Ne supposez pas que vous connaissez votre public avant de lui avoir parlé. Premesh Chandran, cofondateur de Malaysiakini, a martelé ce point avec M. Swe. Il lui a demandé : “Connais-tu ton public ?” M. Swe dit qu’il pensait le connaître parce qu’il écrivait pour eux depuis des années, mais accepter que ce n’était pas la même chose que de réellement le connaître a été un moment-clef pour Frontier.

Le design thinking est un muscle. En passant par ce cycle d’étude d’audience et de conception, Frontier a appris une nouvelle façon de concevoir des produits journalistiques. Ils utiliseront ces compétences encore et encore. Ils envisagent d’appliquer cette approche à de futurs produits journalistiques qu’ils pensent pouvoir faire financer, ce qui leur ouvrirait de nouvelles sources de revenus.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Le copier-coller n’existe pas quand il s’agit d’adhésion. S’il existe quelques vérités presque universelles sur ce qui motive les gens à devenir membres, ce qui se passe dans la pratique est hautement individualisé. Le processus d’étude d’audience entrepris par Frontier a représenté un investissement initial important, mais le retour sur investissement l’a été tout autant. Prendre le temps de co-concevoir avec vos lecteurs engagés vous aidera probablement à concevoir des produits plus attractifs qui gagneront en popularité plus rapidement. Ceci est applicable à tous types de produits journalistiques, pas seulement aux adhésions.

Autres ressources

N. B. Cette étude de cas a été modifiée après sa publication afin de corriger l’année à laquelle a été lancé le programme d’adhésion de Frontier Myanmar.

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média non-lucratif couvrant l'État du Vermont. Ils enquêtent sur le gouvernement local, la politique, l'économie locale et les politiques publiques.
LIEU
Vermont, États-Unis
ANNÉE DE CRÉATION
2009
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2016
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
725 000
NOMBRE DE MEMBRES
8 400
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
22 %

VTDigger est un média à l’échelle de l’État du Vermont qui s’engage à fournir du “watchdog journalism”, ou journalisme de surveillance. L’adhésion est un élément-clef de ses revenus depuis des années et sa campagne de recrutement de membres chaque printemps est l’un de ses plus importants moteurs de revenus.

L’équipe se préparait à organiser sa campagne d’adhésion du printemps 2020 lorsque le coronavirus est arrivé aux États-Unis, bloquant une grande partie du pays et provoquant un énorme choc économique. Ils ne pouvaient pas se permettre de ne pas organiser leur campagne d’adhésion mais ils savaient qu’ils devaient la modifier de fond en comble pour prendre en compte les préoccupations financières et médicales auxquelles leurs lecteurs étaient soudainement confrontés.

Pourquoi est-ce important

Ce guide a été publié [en anglais] en plein milieu de la pandémie de coronavirus. L’équipe du MPP a cherché à inclure les défis que la pandémie a causés tout en se concentrant sur des conseils et des études de cas qui resteront pertinents lorsque les gens pourront à nouveau se réunir en personne.

Bien que l’exemple de VTDigger soit spécifique au coronavirus, leurs apprentissages peuvent être appliqués au lancement d’une campagne d’adhésion dans n’importe quelle période sensible, comme une catastrophe locale.  Et s’il n’est pas recommandé de changer constamment l’offre de votre programme d’adhésion, ce qui peut être source de confusion pour les membres et les membres potentiels, proposer un avantage en phase avec votre mission et limité dans le temps peut être un coup de pouce utile sans qu’il nuise à la valeur du programme lui-même.

En ayant une idée de ce que vos membres et vos lecteurs les plus engagés apprécient chez vous, votre média pourra mieux identifier les types d’avantages qui pourraient plaire à votre public et mis en œuvre facilement et rapidement.

Ce qu’ils ont fait

Même si les lecteurs peuvent devenir membres de VTDigger à tout moment, VTDigger concentre ses efforts d’adhésion sur deux campagnes par an, généralement une vers la fin de l’année civile et une au printemps.

La campagne d’adhésion du printemps 2020 s’est déroulée au moment où la pandémie de coronavirus frappait les États-Unis. Le média ne pouvait pas se permettre de ne pas organiser cette campagne, mais au vu des retombées économiques, il ne lui semblait pas opportun de suivre son modèle habituel, un mélange festif d’appels consacrés à l’importance du journalisme local et aux avantages pour les membres.

Ils ont rapidement apporté les modifications suivantes à leur plan stratégique :

  • Ils ont mis de côté les incitations qu’ils offrent habituellement (comme un abonnement au New York Times, des tirages au sort et des cadeaux, comme des chapeaux).
  • Ils sont passés d’un objectif financier public à un objectif public de nombre de dons, en l’occurrence, 3 000. L’objectif était ainsi moins financier et plus axé sur l’appartenance à une communauté.
  • Ils se sont associés à une entreprise locale de fabrication de gants, qui s’est reconvertie dans la fabrication de masques en tissu, afin de faire don d’un masque à un hôpital local pour chaque don effectué.

Le 1er avril, ils ont lancé la campagne avec la publication d’une lettre de la fondatrice et rédactrice en chef Anne Galloway.

L’un des appels à l’adhésion de VTDigger au printemps 2020 (fourni par VTDigger)

Dans les appels ultérieurs, VTDigger a qualifié la campagne de “mask drive”, ou levée de masques, plutôt que de campagne d’adhésion. Cela a permis de mettre l’accent sur l’aide fournie par VTDigger aux habitants du Vermont, plutôt que sur le journalisme du média, autour duquel les campagnes d’adhésion sont habituellement axées.

Dans l’un de leurs appels, Mme Galloway a également expliqué la décision de cesser d’offrir plusieurs de leurs avantages à court terme.

L’un des derniers messages envoyés durant la campagne d’adhésion de VTDigger au printemps 2020 (fourni par VTDigger)

Les résultats

Il s’en est fallu de peu ! L’association a lancé un appel le 30 avril indiquant qu’il lui manquait encore 450 masques pour atteindre son objectif de 3 000 ce qui lui a finalement permis d’atteindre 3 050 dons et de faire don de 3 000 masques aux hôpitaux de l’État. Dans son message de remerciement adressé aux donateurs le 1er mai, VTDigger a précisé combien de masques ont été remis à chaque hôpital du Vermont.

La campagne a permis de récolter 291 000 dollars US, soit 6 000 dollars US de plus que l’objectif qu’ils s’étaient fixé avant l’arrivée du COVID-19.

Ils ont également remarqué quelques comportements intéressants de la part des membres, dit Mme Peters :

  • Un membre a fait cinq dons distincts afin de donner cinq masques.
  • Ils ont constaté une augmentation de 30 % du nombre de membres dans la ville de Rutland dans le sud du Vermont et une augmentation considérable du nombre de membres dans tout le sud du Vermont. Nombre de ces nouveaux membres ont remercié VTDigger pour les dons destinés à des hôpitaux spécifiques dans ces régions.
  • Près de 40 % des dons provenaient de donateurs extérieurs à l’État. Le pourcentage de dons provenant de l’extérieur de l’État ne dépasse généralement pas les 9 %.
  • Les lecteurs ont supposé que l’envoi de cadeaux faisait toujours partie de l’offre et ils ont reçu des messages de témoignages de nouveaux membres “implorant” VTDigger de ne pas leur envoyer ces articles.

Ils ont appliqué ces apprentissages pour lever des fonds à nouveau plus tard dans l’année. En 2019, ils ont appris qu’ils avaient été sélectionnés pour accueillir un journaliste de Report for America afin de couvrir le sud du Vermont. Mais pour que cela se produise, VTDigger devait réunir ses propres fonds pour abonder le financement du programme. Ils ont donc conçu une campagne d’adhésion autour de cet objectif, en demandant aux gens de devenir membres ou d’augmenter leur contribution pour rendre possible ce projet de reportage. Ils ont lancé la campagne le 1er juin et l’ont clôturée le 7 juin, récoltant les 11 500 dollars US nécessaires en une semaine, et pas seulement auprès des habitants du sud de l’État qui souhaitaient une couverture locale plus importante.

Ce qu’ils ont compris

Il y a un temps et une heure pour les cadeaux et ce n’était pas le moment cette fois-ci. Offrir des cadeaux typiques, comme un tote bag, aurait été complètement décalé et aurait pu aliéner les membres et les membres potentiels (comme en témoignent les demandes des nouveaux membres de ne pas envoyer de cadeaux). La campagne de masques a fonctionné car elle répondait à la fois aux besoins de VTDigger (trouver un moyen d’organiser sa campagne d’adhésion de printemps) et à ceux de ses lecteurs (le désir de sentir qu’ils agissaient pour aider le Vermont dans un moment difficile).

Vous pouvez parler des adhésions à vos membres à plusieurs reprises. Bien que la contribution moyenne ait été plus faible (la contribution mensuelle moyenne était inférieure de 20 cents à celle de la campagne du printemps 2019 et la contribution annuelle moyenne était 48 dollars US plus basse), VTDigger dit que la chose la plus importante pour eux est que ces nouvelles personnes soient maintenant membres. Lors de la reprise économique, VTDigger réfléchira à la façon d’aborder l’augmentation de leur contribution.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Soyez attentifs à ce qu’il se passe autour de vous. La pandémie a causé des difficultés financières non seulement aux organes de presse, qui ont dû annuler des événements et ont perdu des recettes publicitaires, mais aussi à de vastes pans des communautés qu’ils servent. Si vous voulez concevoir une campagne d’adhésion autour d’un moment d’actualité négatif, vous devez trouver le bon ton, le bon contrat social et envisager des moyens de faire du bien à la communauté en même temps.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média national numérique dédié à l'analyse de politiques publiques et au journalisme d'investigation qui s'est étendu au contenu lifestyle, à l'actualité sportive et au journalisme économique.
LIEU
Afrique du Sud
ANNÉE DE CRÉATION
2009
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2018
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
3 500 000
NOMBRES DE MEMBRES
13 693
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
25 %

Lorsque le Daily Maverick a lancé son programme d’adhésion, Maverick Insider, il avait deux objectifs : rendre l’adhésion aussi inclusive que possible et permettre à ceux qui pouvaient apporter un soutien financier de le faire. Ils ont donc renoncé aux différents niveaux d’adhésion et mis en place un modèle “pay-what-you-can” au montant libre avec un avantage-clef qui incite ceux qui peuvent se permettre de contribuer davantage à le faire.

Pourquoi est-ce important

La conception de votre programme d’adhésion envoie des signaux clairs sur le public auquel il s’adresse. Les paliers peuvent aider à orienter les membres vers certains niveaux financiers et rendre votre modèle économique plus prévisible, mais ils peuvent aussi apporter un niveau d’exclusivité dissonant avec une volonté d’équité et d’inclusion.

Le Daily Maverick a cherché à résoudre ce dilemme en utilisant un modèle de paiement au montant libre pour son programme d’adhésion, Maverick Insiders. Des suggestions par défaut et des avantages bien conçus incitent ceux qui peuvent se permettre de payer davantage à le faire, permettant ainsi au Daily Maverick d’atteindre ses objectifs en matière de revenus d’adhésion.

Ce qu’ils ont fait

Lorsque le Daily Maverick a lancé son programme d’adhésion en août 2018, ils ont lancé le système de paiement au montant libre avec un outil de curseur sur la page d’accueil du programme d’adhésion. Bien que les membres puissent sélectionner tout montant supérieur à 75 rands (environ 4,50 dollars US), ils ont cherché à influencer la sélection des membres en fixant la valeur par défaut à 150 rands (environ 10 dollars US). C’était le choix le plus courant parmi les premiers membres, suivi par le minimum de 75 rands, soit moins de 5 dollars US (c’était le montant le plus bas que la solution de paiement acceptait de traiter pour les contributions à facturation récurrente).

La page d’accueil du programme d’adhésion du Daily Maverick comprend une échelle à curseur (fourni par Daily Maverick)

Cette décision a été en partie motivée par la campagne de dons menée quelques mois plus tôt. La contribution récurrente moyenne pendant cette campagne était de 100 rands (environ 8 dollars US). Le Daily Maverick a estimé que 150 rands (environ 10 dollars US) était une demande raisonnable, vu que les avantages et la communauté des membres étaient offerts en échange.

En plus de faciliter le paiement, le Daily Maverick pense également que le modèle de paiement au montant libre permet de différencier l’adhésion des abonnements, ce qui répond au problème de la lassitude vis-à-vis des abonnements. Les paliers sont moins courants parmi les causes caritatives et le Daily Maverick a cherché à présenter l’adhésion comme un soutien solidaire en faveur d’une presse libre et d’un accès égal à l’information.

“Cela fait appel à une autre partie du cerveau et du budget”, écrit le PDG Styli Charalambous. “Les recherches montrent que le ménage américain moyen dispose de 30 dollars US pour les abonnements et, dans ce panier, d’une somme pour un seul abonnement aux actualités. Et il s’agit là de ménages américains aisés. Mais les gens peuvent soutenir et soutiennent plusieurs bonnes causes qui leur tiennent à cœur. Nous voulions montrer que notre cause était digne d’être soutenue au même titre que la Société pour la protection des animaux, le National Sea Rescue Institute ou des programmes en faveur de l’éducation.”

Quelques mois plus tard, le Daily Maverick a rencontré de manière fortuite le responsable du développement commercial d’Uber en Afrique. M. Charalambous a proposé à Uber d’utiliser des bons d’achat Uber pour encourager l’acquisition et la fidélisation des membres. Ils se sont mis d’accord sur un crédit Uber de 100 rands par mois pour chaque membre contribuant à hauteur de 150 rands ou plus par mois.

La décision n’a pas été prise à la légère : le Daily Maverick savait que ses membres ne souhaitaient pas faire partie d’un programme de récompense d’entreprise et ne voulaient pas que les Maverick Insiders le deviennent. Tous leurs autres avantages étaient liés au journalisme du Daily Maverick. Mais les événements étaient un élément essentiel de leur stratégie d’adhésion et cela semblait être un bon moyen de faciliter l’accès des membres aux événements.

Pour Uber, c’était l’occasion d’accroître la notoriété de la marque et le nombre de passagers lors de son entrée sur le marché sud-africain.

Les résultats

Lorsque le Daily Maverick a lancé pour la première fois le modèle “pay-what-you-can”, environ 50 % de ses membres ont choisi l’option présélectionnée de 150 rands, un pourcentage dont le personnel était satisfait.

Mais l’ajout de l’avantage Uber a changé la donne. Il a fonctionné presque instantanément. Selon le PDG Styli Charalambous, le nombre de personnes contribuant à hauteur de 150 rands ou plus par mois est passé presque immédiatement à 90 % grâce à l’ajout du bon d’achat. Les inscriptions quotidiennes ont également augmenté d’environ 30 % et les inscriptions mensuelles dépassent régulièrement les 300 personnes.

Bien qu’il n’ait pas été facile pour le Daily Maverick d’offrir cet avantage, il a été évident pour la plupart des membres d’y adhérer. S’ils sont susceptibles d’utiliser Uber au moins une fois par mois, ils vont en fait économiser de l’argent en augmentant leur contribution à 150 rands.

Ce qu’ils ont compris

Les gens ne se contenteront pas de donner que le strict minimum, même si c’est possible. L’une des hypothèses qui sous-tend la conception des niveaux d’adhésion est que les gens donneront le montant minimum qu’ils doivent donner pour bénéficier des avantages des membres et qu’il faut donc un plancher. Le fait qu’au moins 50 % des premiers membres du Daily Maverick (avant les avantages d’Uber) aient opté pour le montant suggéré de 150 rands plutôt que pour le montant minimum de 75 rands a réfuté cette hypothèse, du moins pour le Daily Maverick.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Choisissez vos avantages intelligemment. Une remise ou une récompense bien conçue et bien ciblée peut aider à inciter les membres à atteindre le niveau de contribution dont vous avez besoin pour être durable, mais choisissez ces avantages avec soin.

“Nous avons pris soin de ne pas nous laisser entraîner vers le recours aux offres de réduction”, écrit M. Charalambous. “Nous avons fait cette seule exception et cela a fonctionné, mais nous n’avons pas offert d’autres avantages aux membres qui ne soient pas liés [au Daily Maverick] d’une manière ou d’une autre. Nous ne sommes pas un programme de récompenses d’entreprise, nous représentons une grande cause et le programme d’adhésion doit le refléter.

Autres ressources

Note*: le Membership Puzzle Project a accompagné la création du programme d’adhésion du Daily Maverick à travers le Membership in News Fund*

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média national numérique dédié à l'analyse de politiques publiques et au journalisme d'investigation qui s'est étendu au contenu lifestyle, à l'actualité sportive et au journalisme économique.
LIEU
Afrique du Sud
ANNÉE DE CRÉATION
2009
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2018
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
3 500 000
NOMBRES DE MEMBRES
13 693
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
25 %

Dans les mois qui ont précédé le lancement du programme d’adhésion du Daily Maverick en août 2018, ils ont migré “à peu près tout” ce sur quoi le Daily Maverick fonctionnait sur le plan technologique, le PDG et éditeur Styli Charalambous écrit. En mai 2018, tout était en place pour un lancement du programme, à part l’infrastructure technologique, essentielle.

Plutôt que d’attendre de demander un soutien financier une fois qu’ils seraient prêts au niveau technologique, le personnel a décidé de lancer un MVP, produit minimum viable. L’objectif était double : commencer dès que possible à générer des revenus d’audience indispensables, et vérifier certaines de leurs hypothèses quant à savoir si, pourquoi et dans quelle mesure les lecteurs fidèles les soutiendraient financièrement, afin de pouvoir lancer officiellement le programme d’adhésion avec plus d’impact.

Lorsqu’ils ont officiellement lancé leur programme d’adhésion en août 2018, ils ont été ravis, mais pas choqués, de l’enthousiasme des retours. La campagne de dons et les enquêtes menées auprès des donateurs leur avaient déjà montré qu’ils étaient sur la bonne voie.

Pourquoi est-ce important

Le lancement d’un programme d’adhésion comporte de nombreux éléments et tout ne se déroule pas toujours comme prévu. Le Daily Maverick a habilement transformé un retard inattendu en une occasion de recueillir des informations supplémentaires pour la conception de son programme d’adhésion, réduisant ainsi les approximations.

Cette étude de cas est également proposée comme un exemple de méthode accessible et à faible investissement pour tester certaines de vos hypothèses avant de vous engager dans un lancement à fort enjeu. Le MPP vous partage cette approche parce qu’elle ne nécessite pas de compétences ou de technologies autres que celles dont disposent déjà la plupart des rédactions.

Ce qu’ils ont fait

Quelques jours seulement se sont écoulés entre la décision de lancer l’appel aux dons exceptionnel et le lancement effectif.

Le 1er juin 2018, ils ont lancé un appel aux dons récurrents, aux montants libres et sans contreparties. Avec cette campagne, ils ont cherché à répondre aux questions suivantes :

  1. Si les gens soutiendraient financièrement le Daily Maverick de manière régulière.
  2. Où leurs lecteurs les plus engagés se trouvent-ils sur leurs plateformes propres ?
  3. Quel message d’adhésion a le plus d’impact ?
  4. Comment l’emplacement des boutons et les couleurs influencent-ils les inscriptions ?

Ils ont répondu à la première question simplement en demandant des dons. Pendant cette période, aucun avantage ou contrepartie n’était offert pour les dons.

Ils ont testé leur deuxième question en plaçant un appel aux dons au bas de leurs articles de fond et dans leurs newsletters, ainsi qu’en étudiant les taux de conversion pour chacun d’eux. Bien qu’ils ne disposent pas de la technologie nécessaire pour effectuer des A/B tests sur différents messages sur leur site, ils ont recueilli des données pour répondre à leur troisième question en diffusant différents messages dans leur newsletter afin d’évaluer quelles motivations d’adhésion résonnaient le plus fortement. Ils ont modifié l’emplacement des boutons et les couleurs au cours de la campagne de deux mois et ont étudié les données pour déterminer l’influence de ces modifications sur les inscriptions, afin de répondre à la quatrième question.

Lorsque la campagne de dons s’est terminée, ils ont interrogé les donateurs, les considérant comme un groupe de membres bêta qui pourraient contribuer à la conception de Maverick Insiders. Ils leur ont posé les questions suivantes :

  • Combien de temps avez-vous été lecteur du Daily Maverick avant de faire un don ?
  • À quelle fréquence visitez-vous notre site ?
  • Vous avez déjà donné de l’argent au Daily Maverick. Qu’est-ce qui vous a décidé à faire ce don ? (Question ouverte)
  • Quel contenu a le plus influencé votre décision de faire un don ?
  • Quel est votre auteur préféré ?
  • Quelle était la raison principale de votre don au Daily Maverick ? (Choisissez-en une)
    • Un journalisme d’investigation crédible coûte de l’argent et a besoin du soutien du public.
    • Un journalisme indépendant de qualité vaut la peine d’être payé, ce n’est que justice.
    • Je n’achète plus de journaux papiers et j’estime que je dois payer pour les informations.
    • La newsletter est un élément précieux pour commencer ma journée et vaut la peine d’être payée.
    • Je suis conscient(e) que la publicité ne couvre plus les coûts de l’information.
    • Ma contribution permet de maintenir la gratuité du DM pour les personnes qui ne peuvent pas se permettre de payer.
    • Autre
  • Nous lançons un programme d’adhésion pour les lecteurs qui souhaitent contribuer à notre mission et échanger avec le personnel de DM et les autres membres à travers différentes plateformes et événements. S’agit-il d’une communauté dont vous souhaiteriez faire partie ?
  • Quels avantages vous inciteraient à adhérer à notre programme ? (Veuillez faire glisser les éléments en fonction de leur importance pour vous ; voir l’image ci-dessous)
  • Quels autres avantages potentiels influenceraient votre décision d’adhérer à notre programme ? (Question ouverte)
  • Obtenir des articles gratuits à l’effigie du Daily Maverick lors de l’inscription influencerait-il votre décision de devenir membre ?
  • Quels goodies Daily Maverick vous plaisent le plus ?
  • À votre avis, que faisons-nous de bien ? (Question ouverte)
  • Qu’est-ce qui, à votre avis, pourrait être amélioré ? (Question ouverte)
  • Merci ! Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec nous ? (Question ouverte)

Les résultats

À la fin de l’essai de deux mois, ils comptaient 314 donateurs récurrents donnant en moyenne 100 rands par mois (environ 8 dollars) et 621 donateurs ponctuels, donnant entre 15 rands (le montant minimum, soit environ 1 dollar US) et 25 000 rands (1 670 dollars US). Les donateurs pouvaient choisir le montant de leur contribution.

Cela a permis au Daily Maverick d’apprendre deux choses essentielles sur son public, qui ont influencé la conception de son programme d’adhésion :

Ils n’ont pas eu besoin de fixer un seuil pour les contributions des membres. Les participants donnaient volontiers ce qu’ils pouvaient donner, plutôt que le minimum requis.

Ils disposaient d’un groupe de lecteurs engagés prêts à apporter un soutien financier récurrent, même sans aucun avantage.

Ils trouvaient leurs lecteurs fidèles au bas des articles et sur leurs newsletters. Les CTA ailleurs sur le site étaient moins efficaces. Cela leur a permis d’investir leur temps et leurs ressources limités aux endroits où ils savaient qu’ils seraient les plus efficaces pour convertir les membres.

L’emplacement et la couleur des boutons auraient un certain impact sur les inscriptions. Ils ont expérimenté quelques dispositions et ont découvert que l’ajout d’un fond gras et la présélection du montant de contribution le plus souhaité (150 rands) ont permis de faire passer les contributions récurrentes d’une moyenne de 75 à 150 rands.

Cette référence de contribution récurrente moyenne de 100 rands leur a permis de développer des projections de revenus plus informées pour leur programme d’adhésion.

Ils ont reçu 645 réponses à l’enquête qu’ils ont envoyée aux donateurs. Les réponses ont révélé quelques éléments essentiels :

Les avantages liés à la mission, tels que la possibilité de faire connaissance avec les journalistes et une newsletter réservée aux membres, ont eu beaucoup plus d’écho que les offres spéciales et les réductions.

Leurs reportages d’investigation ont motivé le plus de contributions. Ils ont également découvert quels journalistes avaient le plus de fidèles, deux données précieuses pour les actions de marketing.

Un pourcentage écrasant de personnes, soit 92 % des interrogées, ont déclaré que les cadeaux offerts lors de l’inscription ne les inciteraient pas à s’inscrire.

Réponse à l’enquête du Daily Maverick’s survey (fournie par le Daily Maverick)

Le PDG Styli Charalambous a déclaré à MPP : “À l’époque, nous nous demandions si un prix de grande valeur inciterait les lecteurs à s’inscrire et il s’est classé si mal que cela a mis fin au débat pour nous”.

Ce qu’ils ont compris

À partir de ces données et des résultats de l’enquête, le Daily Maverick a déduit ce qui suit :

Leur mission suffisait à motiver les lecteurs à les soutenir financièrement. Si plus de 300 personnes étaient prêtes à devenir des donateurs récurrents sans rien recevoir en retour, le fait d’offrir des avantages et un sens de la communauté par le biais d’un programme d’adhésion conduirait à des retours encore plus importants.

Le modèle “pay-what-you-can”, de montant libre, qui rendrait l’adhésion financièrement accessible à un plus grand nombre de lecteurs, était viable. Ils pouvaient raisonnablement s’attendre à une contribution moyenne de 100 rands (environ 8 dollars US) par mois et les lecteurs qui pouvaient donner plus étaient susceptibles de le faire.

Ils n’avaient pas besoin de mettre en place un paywall pour inciter les gens à soutenir leur travail.

Les appels à l’adhésion motivés par une cause résonnaient plus fortement que les appels à l’adhésion liés à des avantages, en particulier ceux qui visent à maintenir le journalisme en libre accès.

Comme l’a écrit M. Charalmbous sur Medium, “C’était un excellent exemple pour nous montrer comment nous pouvions lancer quelque chose d’assez bon, très rapidement, qui pouvait tester plusieurs hypothèses et fournir des données et des informations riches qui sont encore utilisées aujourd’hui. Il est juste de dire que le lancement de notre programme d’adhésion a été plus réussi grâce à cela et que nous avons fait moins d’erreurs en cours de route. Les MVPs sont un moyen utile d’être plus centré sur les publics, car ils éliminent les conjectures et les hypothèses de la prise de décision. Le comportement réel des utilisateurs est utilisé.”

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Si vous savez clairement ce que vous devez savoir sur les membres de votre public, il est facile de concevoir des tests pour le découvrir. Pour concevoir des tests, il est utile de revenir au cadre de base d’une expérience scientifique. Quelle est votre hypothèse ? Comment pouvez-vous tester cette hypothèse ? Pouvez-vous concevoir le test de manière à isoler les variables et à tirer des conclusions significatives des résultats ? Vos plus fidèles supporters sont impatients de vous voir réussir et peuvent être des “testeurs de produit” précieux pour les grands changements stratégiques comme le lancement d’un programme d’adhésion.

Autres ressources

NB : le Membership Puzzle Project a accompagné la création du programme d’adhésion du Daily Maverick à travers le Membership in News Fund