Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
The Compass Experiment est un laboratoire d'actualités locales fondé par McClatchy et Google. Il édite Mahoning Matters et The Longmont Leader.
LIEU
Youngstown, Ohio
ANNÉE DE CRÉATION
2019
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
190 000

Le Compass Experiment, un laboratoire d’actualités locales fondé par McClatchy et la Google News Initiative, a lancé Mahoning Matters en 2019 à Youngstown, dans l’Ohio. Il a fait ses débuts dans la foulée de la fermeture du journal local de longue date de Youngstown, The Vindicator.

Même si les rédactions du Compass Experiment reçoivent un financement d’amorçage, elles ont pour objectif de devenir financièrement viables dans les années qui suivent. Ainsi, lorsque l’équipe a mené son étude d’audience initiale, les revenus d’audience étaient en tête des préoccupations.

Cette étude de cas montre comment le Compass Experiment a mené des focus groups sans audience propre afin d’évaluer la viabilité d’un programme d’adhésion. Elle montre également comment ils ont changé de stratégie lorsque la pandémie de coronavirus a fait dérailler leurs plans, ce que leur disent leurs premiers donateurs à l’approche de leur premier anniversaire et comment ils ont appliqué ces enseignements au lancement de la deuxième rédaction Compass dans le Colorado.

Pourquoi est-ce important

Les études d’audience peuvent vous éviter de commettre des erreurs coûteuses, en particulier dans la phase de pré-lancement, lorsque vous ne connaissez pas encore votre public. Sans une étude d’audience, les équipes de Mahoning Matters et du Compass Experiment n’auraient pas eu une idée précise de qui était leur public, de ce qu’il voulait et de l’intérêt qu’il avait à soutenir financièrement leur mission.

Mais il peut être difficile de recruter des participants à une étude d’audience lorsque vous n’avez pas de lectorat. Le Compass Experiment s’est associé à d’autres organisations locales pour faire passer le mot, une stratégie intelligente pour une rédaction quelle que soit sa taille, surtout si vous évaluez les besoins en information ou concevez un produit destiné à vous aider à atteindre de nouveaux publics.

Les premiers résultats de l’étude d’audience ont indiqué que les habitants de Youngstown ne soutiendraient pas une publication avec un paywall, ce qui a poussé l’équipe de Compass à choisir l’adhésion comme modèle. Les premières études d’audience ont également incité l’équipe à expliciter leur situation financière auprès de leurs premiers lecteurs, afin de les préparer aux futurs appels de fonds et demandes d’adhésion. Cela leur a également donné une mission : incarner à la fois le journalisme de protection, en dévoilant la corruption et les méfaits, et celui de la découverte, en racontant l’histoire complète de Youngstown, ses succès et le reste.

Ce qu’ils ont fait

L’été précédant le lancement de Mahoning Matters en octobre 2019, l’équipe du Compass Experiment s’est rendue à Youngstown pour savoir ce que les habitants attendaient vraiment d’un média local s’ils avaient la possibilité de repartir de zéro, et s’ils seraient prêts à le soutenir financièrement. Le seul journal de la ville, The Vindicator, a fermé en août 2019 et l’équipe de Compass Experiment voulait savoir dans quelle mesure les habitants comprenaient le lien entre cette fermeture et le besoin de revenus d’audience. Ils ont opté pour des focus groups car ils voulaient recueillir les pensées, sentiments et conversations authentiques de cette nouvelle communauté qu’ils apprenaient à connaître.

Image fournie par le Compass Experiment, Septembre 2019

Tout au long du mois d’août, ils ont organisé une série de groupes de discussion dans les bibliothèques locales de Youngstown. Les bibliothèques ont aidé à recruter des participants en accrochant des prospectus dans leurs locaux et en diffusant l’information sur leurs réseaux sociaux.

Au cours des trois sessions, l’équipe du Compass Experiment a pu discuter avec 60 habitants de Youngstown. Abby Reimer, senior manager de l’UX et des projets stratégiques chez McClatchy, a dirigé les groupes de discussion, qu’elle a documentés dans cet article Medium.

Mme Reimer a axé les focus groups sur des questions directrices telles que : Quelles histoires faut-il raconter dans le comté de Mahoning ? Quelles informations amélioreraient votre quotidien ? La synthèse de Mme Reimer pour l’équipe Compass s’est concentrée sur ce que les habitants voulaient vraiment, ce qu’ils ne voulaient absolument pas, et ce qui les passionnait le plus.

Cet hiver-là, Mandy Jenkins, directrice générale du Compass Experiment, a commencé à recruter une personne chargée de la croissance et du lancement d’un nouveau programme d’adhésion pour le média. De grands projets étaient envisagés : du contenu exclusif, des événements en direct dans des brasseries et des foires d’été, et des cadeaux.

Puis, le COVID-19 est arrivé.

L’équipe de Compass a décidé de revoir ses plans de lancement du programme. Elle a réalisé qu’il était presque impossible de trouver des alternatives à leurs plans de lancement initiaux. Bien sûr, les événements étaient exclus. Le contenu exclusif semblait cruel et hors de propos pour Mahoning Matters, alors que le coronavirus et les manifestations de Black Lives Matter atteignaient leurs pics de 2020.

À la place, Compass a décidé de redoubler d’efforts en matière de recherche d’audience. Cette fois, puisque les focus groups en présentiel étaient impossibles en personne mais qu’ils possédaient une liste de lecteurs de la newsletter, ils ont opté pour une enquête. Ils l’ont envoyé à 50 personnes ayant contribué financièrement au média au cours de l’année écoulée. Ils voulaient savoir : qu’est-ce que vous, nos premiers soutiens, aimez le plus dans ce que nous offrons jusqu’à présent ? Que pouvons-nous améliorer ? Lisez ici l’enquête Mahoning Matters Contributor Survey.

Un exemple de question du Mahoning Matters Contributor Survey

Les résultats

Le processus de focus groups en août 2019 a aidé l’équipe à déterminer exactement ce que la nouvelle rédaction couvrirait. Les participants voulaient accéder facilement et de manière compréhensible à des ressources publiques, comme des offres d’emplois, des informations sur les aides pour les anciens combattants et l’accès à des logements abordables. Dans l’ensemble, les participants leur ont dit que Mahoning Matters devrait à la fois incarner un journalisme protecteur, démasquant corruption et méfaits, et un journalisme de la découverte, chroniquant l’histoire complète de Youngstown, ses succès mais pas que.

Les participants aux groupes de discussion ont également affirmé haut et fort : “Si votre média a un paywall, ce sera sans nous”. Les notes de Mme Reimer ont montré que la majorité des participants étaient convaincus que les nouvelles locales devaient être accessibles au plus grand nombre. Cela a conduit l’équipe du Compass Experiment à considérer l’adhésion comme la meilleure voie à suivre.

L’équipe a reçu 20 réponses à l’enquête qu’elle a envoyée aux 50 premiers soutiens financiers du site. L’équipe espérait plus de retours et avait prévu d’organiser un groupe de discussion virtuel avec les personnes ayant répondu à l’enquête, mais seules quatre personnes se sont portées volontaires.

L’équipe a tout de même pu recueillir quelques informations intéressantes, notamment sur ce qui a poussé les gens à les soutenir : la newsletter, le journalisme de surveillance et les nouvelles hyperlocales. Beaucoup ont dit qu’ils avaient été abonnés au Vindicator. L’un d’eux a déclaré : “La fermeture du Vindicator a été un choc pour moi et je ne veux pas que cela se reproduise”. Un autre a déclaré : “Nous avons besoin d’un journalisme local indépendant consacré à Youngstown”.

En octobre prochain, l’équipe de Mahoning Matters prévoit de profiter de l’enthousiasme suscité par son premier anniversaire pour mener une enquête plus large et réunir un autre focus group. Cette fois, ils ont l’intention d’envoyer l’enquête à l’ensemble de leur liste de diffusion pour prendre la température et savoir si leurs lecteurs sont satisfaits de leur travail, un an après.

Ce qu’ils ont compris

Une étude d’audience sans lecteurs, c’est difficile. Au début, l’équipe du Compass Experiment a eu du mal à recruter des personnes pour participer à ses groupes de discussion sans une base existante de personnes ou de lecteurs. Les premiers participants aux focus groups étaient principalement un mélange de personnes recrutées à partir de l’article du blog de Mme Jenkins en juillet annonçant que le Compass Experiment venait à Youngstown (elle avait inclus un lien ad hoc pour que les gens puissent s’inscrire pour recevoir des nouvelles) et de personnes recrutées par les bibliothèques locales grâce aux prospectus. Une autre chose que l’équipe a apprise : si vous voulez attirer les gens dans vos groupes de discussion, fournissez le déjeuner !

En particulier dans les premiers jours d’une rédaction, pensez à des façons créatives d’atteindre les membres de la communauté que vous cherchez à servir. Il peut s’agir de s’associer avec une bibliothèque locale pour recruter des participants ou d’acheter une base de données d’e-mails de partenaires potentiels au sein de médias communautaires. L’équipe du Compass Experiment a pu mettre en pratique ce qu’elle avait appris lorsqu’elle a lancé son deuxième site, The Longmont Leader, à Longmont, dans le Colorado.

Cette fois-ci, l’équipe savait qu’elle avait besoin d’aide pour trouver un premier public cible. Compte tenu du confinement dans l’État du Colorado, ils ont dû réaliser des enquêtes et des discussions en petits groupes virtuellement plutôt que dans des foires, des marchés de producteurs ou des microbrasseries locales. Ainsi, au lieu de s’appuyer sur Facebook et aux publicités sur Google pour l’acquisition de prospects et constituer la première liste de diffusion, ils ont acheté les outils numériques du Longmont Observer, un site d’information communautaire à but non lucratif, dont sa liste d’adresses électroniques de près de 1 000 lecteurs locaux.

Ils ont envoyé une enquête à cette liste de 1 000 personnes et, en quelques jours seulement, ont reçu 128 réponses. Cette fois, suffisamment de personnes ont choisi de participer au groupe de discussion, ce qui leur a permis d’organiser trois focus groups virtuels et d’explorer de manière plus approfondie les opinions de leurs premiers lecteurs sur les informations locales dans la région, leurs besoins en matière d’information et ce qu’ils aiment (et n’aiment pas) dans la vie à Longmont.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Soyez transparent avec votre public sur votre situation financière. À peu près au même moment où le Compass Experiment a lancé un site d’informations locales à Youngstown, Ohio, le journal local de Youngstown (The Vindicator) fermait ses portes.

Les premiers groupes de discussion ont permis au Compass Experiment d’apprendre que les habitants de Youngstown, même les plus fervents consommateurs d’actualités, n’avaient aucune idée que le Vindicator était dans un tel état de détresse. Le Compass Experiment s’assure que ses deux rédactions sont prêtes à dire au public : “Voici notre situation financière. Nous avons une marge de manœuvre grâce à Google, mais elle va s’épuiser. Les nouveaux revenus publicitaires n’arrivent pas. Nous aurons besoin de votre aide”. Ils prévoient de continuer à insister sur ce message auprès de leurs lecteurs et de leurs premiers contributeurs en vue du lancement éventuel d’un programme d’adhésion.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Un média local qui couvre l'éducation publique à Chicago, dans le Colorado, à Detroit, dans l'Indiana, à New York, Newark, Philadelphie et au Tennessee
LIEU
Plusieurs bureaux aux États-Unis
ANNÉE DE CRÉATION
2014
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2018
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
743 000
NOMBRE DE MEMBRES
Plus de 1 100
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
1 %

Depuis le début, Chalkbeat a mis en place un moyen pour les lecteurs de soutenir financièrement leur travail, mais il s’agissait d’une simple stratégie de collecte de dons. Dès 2014, Chalkbeat envisageait l’adhésion comme un élément à prendre en considération, mais le média n’avait pas encore la capacité de mettre en place un programme complet.

Dans les années qui ont suivi, le nombre de lecteurs et les revenus ont continué à augmenter, mais ce n’est qu’en 2018 qu’ils ont eu les ressources nécessaires pour répondre aux questions-clefs sur l’adhésion : À quoi cela ressemblerait-il pour Chalkbeat ? Pourquoi le feraient-ils ? Et combien d’investissement serait nécessaire à son lancement et à sa gestion ?

Plus important encore, ils devaient identifier l’objectif organisationnel de l’adhésion : à quoi ressemble le succès et comment le mesurer ?

S’appuyant sur ce que Chalkbeat savait grâce à des années à recevoir des dons de lecteurs, la directrice de la stratégie, Alison Go, a passé deux mois à examiner l’ensemble de l’organisation pour élaborer un cadre permettant de déterminer si l’adhésion en valait la peine et d’identifier les jalons qui leur permettraient de savoir s’ils étaient sur la bonne voie. Ils ont lancé leur programme d’adhésion en novembre 2018.

Pourquoi est-ce important

Lorsqu’ils évaluent s’ils sont prêts pour l’adhésion, les médias passent des mois à réfléchir à leur structuration technologique et à concevoir leur programme. Mais ils passent souvent à côté d’une étape cruciale : préciser ce à quoi ressemblera l’adhésion si elle “fonctionne” pour eux.

L’adhésion n’est pas une campagne de marque que vous pouvez activer et désactiver lorsque vous avez besoin de plus de revenus ou lorsque vous avez un peu de temps libre. C’est à la fois une nouvelle relation avec vos donateurs et un produit que vous devez gérer. Si vous vous engagez dans cette voie sans définir les facteurs de succès, il est difficile d’évaluer si l’adhésion a un effet suffisamment positif sur votre organisation pour valoir l’investissement important qu’elle nécessite.

La démarche de Chalkbeat pour distiller son expérience d’adhésion en quatre hypothèses qui pourraient être testées et mesurées dans l’année du lancement du programme est instructive pour tous les médias qui cherchent à définir leur propre définition du succès.

Ce qu’ils ont fait

La première chose que l’équipe de Chalkbeat a établie, c’est que l’adhésion n’allait pas être une expérience rapide qu’elle pourrait simplement essayer et échouer, puis abandonner. Il y aurait un investissement important en termes de ressources humaines, technologiques, de marketing et éditoriales, et les engagements pris dans le cadre d’un programme d’adhésion devraient être respectés bien au-delà de la fin d’une campagne de fin d’année ou de printemps, précise Mme Go.

Pendant deux mois en 2018, Mme Go s’est concentrée à plein temps sur la réponse à une question-clef : à quoi ressemblerait Chalkbeat si l’adhésion fonctionnait ? Et presque aussi important, l’équipe a identifié à quoi ressemblerait l’adhésion si elle ne fonctionnait pas, et les mesures à prendre pour l’éliminer progressivement.

“Ce n’était pas quelque chose de technique, ce n’était pas comme une chose physique ou une ressource, c’était la confiance que nous allions au moins apprendre quelque chose de ce processus”, raconte Mme Go.

Quatre hypothèses à tester en lançant l’adhésion ont été identifiées :

  • Acquisition : le fait de présenter les petits dons comme une “adhésion” permettra d’obtenir les revenus les plus élevés possibles de la part des petits donateurs.
  • Fidélisation : le programme d’adhésion aura le taux de désabonnement le plus faible de tous les programmes pour petits donateurs.
  • Communauté de connaissances : le programme d’adhésion sera un pilier essentiel d’une communauté de connaissances éditoriale robuste, améliorant à terme le journalisme lui-même et augmentant notre impact sur la communauté.
  • Coûts : les frais généraux liés au maintien d’un programme d’adhésion seront compensés par les avantages.

Ils ont ensuite transformé chaque hypothèse en une question à laquelle les données pourraient répondre, et ont identifié un “délai d’apprentissage” pour répondre à la question, en utilisant les données des précédentes collectes de dons comme base de référence.

  • Acquisition : est-ce que la conversion est meilleure que celle de nos campagnes précédentes ? (1 mois)
  • Fidélisation : les gens annulent-ils plus lentement les contributions récurrentes ? Si oui, qu’est-ce qui, dans le programme d’adhésion, provoque ce changement de comportement ? S’agit-il de la désignation en tant qu’“adhésion” ou d’initiatives spécifiques au sein du programme ? (3 à 12 mois)
  • Communauté de connaissances : les initiatives au sein du programme d’adhésion ont-elles augmenté notre interaction avec notre communauté ? La qualité de nos articles s’est-elle améliorée en conséquence ? La portée et l’impact de nos articles ont-ils augmenté en conséquence ? (1 an)
  • Coûts : que faut-il pour gérer un programme d’adhésion ? Combien cela coûte-t-il, maintenant et à grande échelle ? (1 an)

Ils ont décidé que si l’adhésion ne créait pas de revenus supplémentaires mais “nous permettait de créer une boucle de retours utilisateurs que nous ne pouvions pas avoir sans elle, elle valait la peine.

Ils ont également identifié des jalons de revenus qui leur indiqueraient le rôle que l’adhésion jouerait dans leur modèle économique plus large. Par exemple, si la gestion et l’administration d’un programme d’adhésion prenaient 50 % du temps d’un employé, l’adhésion était-elle vraiment rentable ? Et si ce n’était pas le cas à ce moment-là, à partir de quelle taille d’audience cela commencerait-il à être rentable ?

Les résultats

Près de deux ans après le lancement, Chalkbeat compte plus de 1 100 membres à travers les États-Unis, a généré des données sur les quatre hypothèses et en a ajouté une autre après le lancement. Cela a renforcé l’argument en faveur de l’embauche d’une personne dédiée au programme d’adhésion.

Acquisition : l’acquisition de membres et de donateurs n’a pas connu de pic significatif au cours des deux premiers mois. Les adhésions ont augmenté au même rythme que les newsletters.

Fidélisation : la rétention des membres et des donateurs a commencé dans le haut du 90e centile, et elle est restée élevée depuis.

Communauté de connaissances : il est plus facile d’échanger avec les membres qu’avec les donateurs en raison de la communication permanente avec eux, mais le média a du mal à créer des communautés de connaissances locales car le programme d’adhésion est géré de manière centralisée, au niveau national. Kary Perez, qui gère aujourd’hui le programme d’adhésion, déclare : “Au fur et à mesure que notre équipe nationale se développe, nous pouvons continuer à tester ce à quoi pourrait ressembler une communauté de connaissances au niveau national.

Coûts : “Les chiffres de conversion de nos abonnés [à la newsletter] en membres sont moyens. Même s’ils sont dans la moyenne, nous savons que nous pouvons faire mieux. Le programme d’adhésion s’autofinance. Le retour sur investissement n’est pas très élevé, mais il s’autofinance… Même au moment du lancement du programme d’adhésion, il était clair que l’investissement en valait la peine, écrit Mme Perez par e-mail. L’année de leur lancement, les membres ont rapporté 53 000 dollars US, n’atteignant pas tout à fait l’objectif fixé de 60 000 dollars US, mais l’année suivante, ils ont rapporté 80 000 dollars US, dépassant leur nouvel objectif de 55 000 dollars US.

Synergies avec d’autres initiatives : Chalkbeat utilise la campagne d’adhésion de fin d’année pour stimuler les dons des grands donateurs et vice versa, par exemple en demandant à un grand donateur d’offrir une contrepartie pour inciter les lecteurs à devenir membres. De plus, l’équipe de développement peut réutiliser les ressources et le contenu de la campagne d’adhésion dans ses activités de sensibilisation des grands donateurs.

Après le succès de leur lancement et de leur campagne de fin d’année en 2018, ils savaient qu’ils devaient investir dans une version des dons individuels à plus grande échelle, et qu’ils avaient besoin d’une ressource plus dédiée pour le faire. En 2019, ils ont embauché Mme Perez en tant que responsable marketing senior pour gérer le programme d’adhésion.

Ce qu’ils ont compris

L’adhésion s’est avérée avoir un impact à la fois sur les recettes et sur l’engagement chez Chalkbeat. C’est pourquoi Mme Perez, la personne référente pour l’adhésion, fait le lien entre les équipes chargées des revenus et la rédaction. Ils essaient toujours de comprendre quel est le rôle principal du programme, dit-elle. Les 80 000 dollars US que l’adhésion a rapportés pour 2019-2020 sont significatifs, mais cela ne représentait que 1 % de leur budget grâce à leur fondation et au soutien de grands donateurs. Pour cette raison, l’adhésion pourrait finir par être plus importante comme outil de développement de l’engagement.

Avoir un programme d’adhésion soulève des questions d’inclusion. Les avantages pour les membres sont intrinsèquement exclusifs et Chalkbeat se demande s’il est possible de concilier les expériences réservées aux membres avec l’engagement de l’organisation en matière d’équité et d’inclusion. “L’idée maîtresse de notre modèle est que tout le monde devrait avoir accès à notre travail. Les questions que nous nous posons sont les suivantes : Comment un organisme à but non lucratif peut-il avoir un programme d’adhésion ? Comment sommes-nous censés être accessibles à tous et toutes tout en offrant des avantages aux membres ? Comment pouvons-nous créer un programme d’adhésion véritablement inclusif ? dit Mme Perez.

Jusqu’à présent, ils ont décidé de ne pas limiter l’accès à tout contenu utile et éducatif. Ils réfléchissent comment ils pourraient créer des voies d’accès à l’adhésion qui ne nécessitent pas de transaction monétaire.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Un programme d’adhésion doit avoir des objectifs mesurables. Si vous vous lancez dans un programme d’adhésion sans définir les facteurs de succès, il est difficile d’évaluer si l’adhésion a un effet suffisamment positif sur votre organisation pour valoir l’investissement important qu’elle nécessite. Comme l’a noté Mme Go, l’adhésion n’est pas une expérience rapide qui peut être abandonnée si elle ne “fonctionne » pas. L’effort de Chalkbeat pour résumer son expérience d’adhésion en quatre hypothèses qui pourraient être testées et mesurées dans l’année de lancement d’un programme d’adhésion est utile pour les médias qui souhaitent trouver leur propre définition du succès.

Autres ressources

Aperçu de la rédaction

Qui sont-ils
Une start-up média indépendante au Myanmar qui couvre les affaires internationales et l'économie en anglais et en birman.
LIEU
Yangon, Myanmar
ANNÉE DE CRÉATION
2015
ANNÉE DE LANCEMENT DU PROGRAMME D'ADHÉSION
2020
NOMBRE DE VISITEURS UNIQUES PAR MOIS
120 000
NOMBRE DE MEMBRES
421 (en plus de 147 abonnés à l'édition papier, membres de droit)
POURCENTAGE DES REVENUS ISSUS DES ADHÉSIONS
25 %

En 2018, la start-up média Frontier Myanmar savait qu’elle devait diversifier ses sources de revenus pour continuer à résister aux pressions gouvernementales et commerciales et maintenir son indépendance éditoriale. Mais elle savait aussi que mettre en place un paywall et lancer un abonnement fermerait l’accès à l’écrasante majorité des lecteurs au Myanmar.

L’équipe a décidé qu’un programme d’adhésion était la meilleure solution. Mais la visite d’autres rédactions asiatiques proposant un programme d’adhésion leur a donné peu d’indications sur ce à quoi devrait ressembler un programme d’adhésion au Myanmar. Ils ont donc décidé de poser la question à leurs lecteurs, d’identifier leurs cibles, d’organiser des groupes de discussion et de partager des prototypes au fur et à mesure.

Pourquoi est-ce important

Frontier Myanmar n’avait aucune expérience en matière d’étude d’audience ou de design thinking lorsqu’il a décidé qu’un programme d’adhésion était la prochaine étape de développement à suivre. Guidés par la société asiatique de conseil en médias Splice Media, le média a entrepris une étude de plusieurs mois et un processus de conception de produit.

Bien qu’elle ait reçu des conseils de Splice, l’équipe de Frontier a effectué la plupart des recherches elle-même. Le MPP offre cet aperçu des étapes suivies pour montrer qu’un processus d’étude d’audience assez simple peut donner des résultats incroyablement utiles si vous avez déjà un public engagé et si vous savez quelles informations vous devez obtenir de lui. Les focus groups ont remis en question plusieurs des hypothèses de Frontier concernant les types de produits réservés aux membres et leur ont donné la certitude que leur message, qui consiste à payer pour que le journalisme de Frontier reste gratuit pour le plus grand nombre, trouverait un écho.

Ce qu’ils ont fait

Frontier Myanmar a commencé ces démarches au printemps 2019, après avoir reçu une bourse de Google Digital News Innovation. Ils ont commencé simplement : une landing page annonçant qu’ils lançaient une communauté pour soutenir Frontier et demandant aux gens de s’inscrire s’ils voulaient en savoir plus. Ils en ont fait la promotion sur Twitter et Facebook, avec une bannière publicitaire sur leur site et dans leur newsletter bimensuelle destinée aux abonnés du magazine numérique. Six cents personnes se sont inscrites presque immédiatement et, à la fin de la phase d’étude d’audience, qui a duré environ un mois, leur liste bêta comptait plus de 1 000 personnes.

Dans le même temps, ils ont identifié cinq utilisateurs-cibles ou personas, qu’ils ont évalués sur la base de deux facteurs : ceux qui dépendaient de l’existence continue de Frontier et le considéraient comme un acteur essentiel de la transition du Myanmar vers une démocratie et ceux qui seraient disposés à le soutenir financièrement et en mesure de le faire. Ils ont identifié : les diplomates, les journalistes, les employés d’ONG, les universitaires et les entreprises. Ils ont ensuite utilisé leurs réseaux personnels pour faire venir des représentants de chacun d’entre eux pour des focus groups, mettant en place un groupe pour chaque persona, généralement composé d’environ cinq personnes. Ils ont également réalisé quelques entretiens individuels ciblés. Tout cela s’est déroulé sur un mois.

Les cinq personas élaborés par Frontier (fourni par Splice Media)

Au cours de ces conversations, ils ont demandé à ces utilisateurs : “De quoi avez-vous besoin pour vivre ? De quoi avez-vous besoin pour faire des affaires ?” (Voir les diapositives 22 à 27 de cette présentation de Splice Media pour voir les types de questions posées).

Ils s’imaginaient entendre des demandes de commentaires ou un Slack réservé aux membres. Ce ne fut pas le cas. Frontier avait également supposé que les tables rondes et les panels avec des politiciens, des universitaires et d’autres experts seraient un élément- clef, mais les participants leur ont dit que les organisations existantes comme les chambres de commerce le faisaient déjà bien, qu’il y avait déjà plus d’événements que de temps pour y assister, et les utilisateurs ne pensaient pas que Frontier offrirait un produit événementiel particulièrement bon, raconte Clare Hammond, responsable éditoriale web. Frontier prévoit toujours d’expérimenter des événements plus informels, avec de brèves sessions de questions-réponses avec un journaliste de la rédaction, suivies d’un pot, mais la pandémie de coronavirus a interrompu ces projets après un seul événement test (qui s’est bien déroulé).

Les utilisateurs ciblés souhaitaient deux choses : de l’aide pour suivre les médias en langue birmane et une newsletter quotidienne qui réunirait pour eux les principaux titres de l’actualité. À l’époque, les cibles comptaient beaucoup sur leurs collègues birmans pour leur dire à quoi ils devaient prêter attention et de nombreuses organisations dépensaient une somme importante pour faire traduire les nouvelles locales en anglais.

Frontier s’est rendu compte qu’en assumant cette responsabilité, il pouvait résoudre un problème essentiel pour des milliers de structures et de particuliers tout en leur faisant économiser de l’argent. Une adhésion à Frontier serait moins chère que des services de traduction individuels.

À partir de là, ils ont conçu les prototypes de deux newsletters réservées aux membres :

  • Une newsletter électronique quotidienne sur l’actualité qui fait le tour des principales actualités à connaître, y compris les déclarations des gouvernements, les déclarations des entreprises, les gros titres et d’autres bribes d’informations entendues par les reporters qui ne constituent pas un article à part entière
  • Un rapport quotidien de veille des médias qui traduit les principaux titres des six plus grands journaux birmans, ainsi que quelques articles importants.

Ces rapports ont été envoyés gratuitement à une liste bêta pendant deux mois, le temps de régler les autres détails, tels que la tarification et les niveaux d’adhésion, sur lesquels la liste bêta a également été interrogée. Frontier a également interrogé régulièrement les destinataires de la newsletter bêta afin d’obtenir leur avis sur le ton, le graphisme et la longueur du contenu.

Les résultats

Ce processus, depuis la réception de la subvention de la GNI, leur permettant de commencer leur travail avec Splice, jusqu’au lancement de l’adhésion, a pris environ sept mois.

Frontier a lancé son programme d’adhésion en janvier 2020, juste avant que le coronavirus ne commence à faire les gros titres dans la région, avec les paliers suivants :

Les paliers d’adhésion de Frontier Myanmar (fourni par Frontier Myanmar)

Ils offrent également la possibilité d’adhérer en tant qu’individu (1 compte), Petite institution (5 comptes par adhésion), et Grande institution (20 comptes par adhésion). La plupart de leurs membres sont des membres individuels, mais en juillet 2020, ils comptaient 16 petites institutions membres avec 93 comptes au total et trois grandes institutions membres avec 60 autres comptes.

Environ 80 % de leurs membres sont des expatriés, ce à quoi Frontier s’attendait et pour lequel il a été conçu : leurs produits d’adhésion sont en anglais, les prix sont comparables à ceux des produits médiatiques aux États-Unis et en Europe et les membres peuvent régler les paiements par carte de crédit. Frontier s’est fait à l’idée que la conception de produits d’information d’élite est ce qui lui apportera les revenus nécessaires pour que son travail journalistique reste gratuit et accessible à tous.

Frontier est un pont entre le journalisme local et les reportages internationaux sur le Myanmar. Il est lu par de nombreux expatriés, et [les cinq utilisateurs cibles identifiés] correspondent à peu près à tous les expatriés au Myanmar”, précise Mme Hammond, notant que les Birmans peuvent accéder gratuitement au contenu que les expatriés avaient besoin que Frontier adapte pour eux. Elle ajoute qu’ils reçoivent du soutien de la part de lecteurs birmans, mais que pour eux, il s’agit surtout de soutenir la mission du journalisme indépendant au Myanmar.

En janvier, ils ont également lancé la newsletter “Frontier Fridays”, un résumé hebdomadaire gratuit d’informations auquel tout le monde peut s’inscrire. Leur objectif est de donner aux gens un avant-goût de ce qu’ils pourraient obtenir quotidiennement s’ils devenaient membres payants, et d’établir une relation avec ceux pour qui une newsletter quotidienne dépasse déjà largement les attentes. On compte 3 800 personnes sur cette liste.

En juillet, les recettes issues de l’adhésion dépassaient déjà les recettes publicitaires, qui s’étaient effondrées à cause du coronavirus.

Frontier est donc en train de former sa première équipe de vente, qui se concentrera à proposer des adhésions institutionnelles et travaillera avec l’équipe éditoriale pour concevoir des produits pour lesquels elle pourra trouver des sponsors, ainsi que sur des projets publicitaires plus conventionnels. L’équipe enverra bientôt une enquête semestrielle aux destinataires de la newsletter.

Ce qu’ils ont compris

On ne peut pas copier le modèle d’un autre. Pendant la phase de planification, le fondateur et éditeur de Frontier, Sonny Swe, a visité Malaysiakini en Malaisie et Rappler aux Philippines, qui ont tous deux des programmes d’adhésion. Mais cela ne l’a pas beaucoup aidé à déterminer à quoi devrait ressembler l’adhésion pour Frontier. Ce n’est que lorsque l’équipe s’est assise avec ses plus grands fans, ses lecteurs à Yangon, qu’elle a pu le faire. “On ne peut pas simplement copier et coller le modèle de quelqu’un d’autre. Nous vivons dans un pays différent, un environnement différent, avec un pouvoir d’achat différent”, raconte M. Swe. “Il faut faire du sur-mesure en fonction de notre public, en fonction de notre paysage médiatique.”

Un programme d’adhésion, c’est un métier d’accueil et de service. M. Swe s’est rendu compte très tôt que le service clients était un élément essentiel de la réussite, c’est pourquoi il a engagé un responsable des adhésions qui avait déjà travaillé dans l’une des chambres de commerce étrangères de Yangon.

L’engagement compte plus que l’échelle. M. Swe le savait, en théorie. Mais ce qui l’a vraiment convaincu, c’est ce qui s’est passé lorsqu’un quotidien du Myanmar comptant 22 millions d’adeptes sur Facebook a lancé un programme d’adhésion un mois et demi avant que Frontier ne lance le sien. Leur élément central était de demander aux gens de donner 3 000 kyats par semaine (environ 2,25 dollars US en juillet 2020) pour accéder à des flux vidéo auparavant gratuits. Cette initiative n’a pas eu beaucoup de succès. M. Swe dit que cela lui a montré que “quelle que soit la taille de votre public, le plus important est de savoir qui est votre vrai public, qui est le suiveur inconditionnel. Nous n’en avons que quelques centaines de milliers, mais ils ont le sentiment que Frontier fait partie de leur vie et de leur communauté.”

Ne supposez pas que vous connaissez votre public avant de lui avoir parlé. Premesh Chandran, cofondateur de Malaysiakini, a martelé ce point avec M. Swe. Il lui a demandé : “Connais-tu ton public ?” M. Swe dit qu’il pensait le connaître parce qu’il écrivait pour eux depuis des années, mais accepter que ce n’était pas la même chose que de réellement le connaître a été un moment-clef pour Frontier.

Le design thinking est un muscle. En passant par ce cycle d’étude d’audience et de conception, Frontier a appris une nouvelle façon de concevoir des produits journalistiques. Ils utiliseront ces compétences encore et encore. Ils envisagent d’appliquer cette approche à de futurs produits journalistiques qu’ils pensent pouvoir faire financer, ce qui leur ouvrirait de nouvelles sources de revenus.

Apprentissages-clefs et points de vigilance

Le copier-coller n’existe pas quand il s’agit d’adhésion. S’il existe quelques vérités presque universelles sur ce qui motive les gens à devenir membres, ce qui se passe dans la pratique est hautement individualisé. Le processus d’étude d’audience entrepris par Frontier a représenté un investissement initial important, mais le retour sur investissement l’a été tout autant. Prendre le temps de co-concevoir avec vos lecteurs engagés vous aidera probablement à concevoir des produits plus attractifs qui gagneront en popularité plus rapidement. Ceci est applicable à tous types de produits journalistiques, pas seulement aux adhésions.

Autres ressources

N. B. Cette étude de cas a été modifiée après sa publication afin de corriger l’année à laquelle a été lancé le programme d’adhésion de Frontier Myanmar.